Envie de participer ?
Bandeau

L'année 2023 s'annonce à Marseille comme l'année la plus meurtrière de l'histoire en matière de règlements de comptes liés aux trafics de drogues. Longtemps ce chiffre avait été, pour certains observateurs, le point de référence qui permettait de relativiser ce qui se passait depuis dans les cités des quartiers nord, terreau d’un «néobanditisme».

Ces équipes de tueurs présumés sont soupçonnées d’être affiliées à deux clans - d’un côté celui des Remadnia, de l’autre celui constitué par les Tir et les Berrebouh - qui s’affronteraient dans une guerre sans merci pour le contrôle du juteux trafic de drogue de quatre points de vente de la cité Font-Vert, implantée dans le XIV e arrondissement, en plein cœur des quartiers Nord.

Considérée comme un des points de deal les plus rentables de la ville, Font-Vert fait l’objet d’une «concurrence» acharnée depuis plusieurs années. Avec son cortège d’assassinats et de représailles.

Chronologie des événements tragiques

Le ping-pong sanglant continue, avec une série d'événements tragiques qui ont marqué l'histoire de ces familles :

  • Le 27 avril 2011, Saïd Tir, 60 ans, surnommé Tintin, est le premier à tomber sous les balles de ses rivaux.
  • Le 5 avril 2012, Ilias Remadnia, alias Jojo, 25 ans, est tué de plusieurs balles de calibre 38.
  • Six jours plus tard, c’est au tour de Farid Tir d’être exécuté, marquant ainsi la fin d’une première série de règlements de comptes des plus sanglants.
  • Le 26 mars 2014, Hichem Tir est la cible d’une tentative de meurtre alors qu’il a pris ses distances avec Marseille et se trouve à Beauvais (Oise).
  • Quelques semaines plus tard, Mehdi Berrebouh, 27 ans, est abattu au fusil d’assaut kalachnikov, alors qu’il circule sur l’A 7, par un commando de quatre hommes.
  • Dans la foulée, Karim Tir, frère aîné d’Hichem et manageur du rappeur marseillais Jul, est assassiné à Asnières.
  • Le 18 juillet 2014, c’est au tour de Zackary Remadnia, dit Zack, 24 ans, soupçonné d’avoir pris part à plusieurs règlements de comptes, de connaître le même destin tragique.

Eddy Tir, alias Barrabas, cousin de feu Karim Tir, a été mis en examen pour ces faits qu’il aurait commandités depuis sa cellule de prison. Et les policiers marseillais s’attendent encore au pire avec la libération prochaine de Mehdi Remadnia, 33 ans.

Lire aussi: Veckring : Paintball et Sensations

La famille Tir : Entre intégration et dérive

Ce lundi, en référé d’heure à heure, devant le tribunal de Paris, Ménya Arab-Tigrine plaidera l’atteinte à la vie privée pour obtenir la suppression de plusieurs passages de Marseille, le roman vrai, livre de la journaliste Marie-France Etchegoin paru en avril aux éditions Stock. L’avocate défend 17 membres de la famille Tir. Cette grande famille des quartiers Nord est présente partout dans le livre. Son histoire est un des fils rouges qui construisent “ce roman vrai”. Or, pour les plaignants, ce n’est pas la vérité mais un amalgame outrancier.

Certes, la couleur du fil n’est pas que symbolique : la famille a payé un lourd tribut aux règlements de compte ... D’abord il y a eu Saïd, tué en avril 2011, puis son beau-frère, trois mois plus tard. Il y a eu Farid, assassiné en avril 2012 et le 12 juin 2014, c’est Karim, dit "Charly", 31 ans, qui est tombé sous les balles d’un commando à moto, alors que lui, circulait en voiture, à Asnières-sur-Seine. En sept ans, sept membres de la famille Tir ont perdu la vie, abattus. Sept hommes.

Selon policiers et magistrats, c'est en fait la sanglante vendetta entre la famille Tir et un autre clan familial marseillais, les Remadnia, associés à "la bande de Marignane", qui serait à l'origine de l'assassinat de Karim Tir, en juin 2014 à Asnières (Hauts-de-Seine).

Le rôle de Karim Tir et le milieu du rap

Après avoir purgé une peine de cinq ans d'emprisonnement pour trafic de stupéfiants, à Marseille, Karim Tir avait tourné la page. Jul était "sa pépite". "Il m'a juste dit : ils sont fous, ils veulent me prendre Jul. Ils veulent que je leur laisse Jul. Selon l'enquête, c'est en fait la visibilité du rappeur Jul qui avait permis aux meurtriers de pouvoir facilement suivre et surveiller leur cible: «Ils planquaient Jul pour remonter Karim Tir», avait expliqué un témoin sous X.

La complexité des rivalités et des motivations

Selon des sources policières, la situation aurait dégénéré en janvier 2023 quand des protagonistes des deux bande se seraient croisés dans une discothèque de Phuket en Thaïlande, lieu de villégiature très prisé, avec Dubaï, du néobanditisme des cités. Pour partie donc, et pour autant que l’on puisse en juger, la guerre en cours n’aurait donc pas d’origine commerciale ou territoriale, mais une affaire d’honneur et de réputation dégénérant en un cycle de vendettas.

Lire aussi: Le rappeur marseillais Soso Maness

Ainsi, un des plus marquants, digne des Atrides de la tragédie grecque, s’est déroulé dans la cité Font-Vert qui vit à l’aube des années 2010 les familles Tir et Remadnia, originaires du même village de Kabylie, s’entretuer à la suite d’un braquage ayant mal tourné.

Elle trouve son dénouement avec l’arrestation à Dubaï, suivie d’une extradition vers la France, d’un des protagonistes, Hakim Berrebouh, et surtout le procès qui s’est tenu en mars dernier à Aix-en-Provence des assassins d’un des membres de la famille Tir.

L'impact du trafic de drogue et la "mexicanisation" de Marseille

Aujourd’hui, la situation sécuritaire est si dégradée que certains policiers évoquent même une «mexicanisation» de la ville. Cependant, le caractère contestable de l’hyperbole policière ne saurait occulter la gravité de la situation. À commencer par l’importance prise par le trafic de drogues : la ville comptait 127 points de deal, selon le ministère de l’Intérieur à la fin de l’année 2022.

Une main d’œuvre locale soumise, qui plus est, à la concurrence des nouveaux arrivants issus de l’immigration la plus récente ou en provenance d’autres bassins puisque le recrutement via les réseaux sociaux aurait tendance à se développer. Le phénomène de rajeunissement, tant des victimes que des auteurs, se confirme.

Les racines de la famille Tir à Marseille

Aux origines de l'histoire de cette famille à Marseille, il y a la venue dans les années 1950 de Mahboubi Tir, un Berbère algérien, bientôt propriétaire d'un commerce d'alimentation.

Lire aussi: L'ascension de Kamila Tir

A la fin des années 1950, Mahboubi et sa troisième épouse, Fatima, s'installent au coeur du bidonville de Saint-Barthélemy, à Marseille. Au gré de la construction des HLM de la "ZUP Centre", les Tir, leur échoppe et leurs 14 enfants déménagent plusieurs fois sans jamais quitter le XIVe arrondissement. Quand Mahboubi décède, en 1997, deux milliers de personnes affluent pour présenter leurs condoléances aux Tir.

Tableau récapitulatif des événements clés

Date Événement
27 avril 2011 Assassinat de Saïd Tir
Avril 2012 Assassinat de Farid Tir
12 juin 2014 Assassinat de Karim Tir
18 juillet 2014 Assassinat de Zakary Remadnia

Les Tir sont-ils maudits? Qui veut les éliminer un à un? Les policiers ont leur petite idée: ils sont convaincus que les Tir et un autre clan, les Remadnia, se livrent une vendetta sans merci. Elle aurait déjà provoqué 22 règlements de comptes depuis 2010, selon le patron de la police judiciaire de Marseille, Eric Arella.

Comment, quand, l'engrenage fatal s'est-il enclenché? Peut-être avec la séquestration, en 2010, d'un homme du clan Tir et de son épouse à la suite d'une embrouille entre dealeurs. Les Tir auraient lavé l'affront, mettant en branle une machine à tuer que rien ni personne ne parvient plus à arrêter.

Lors du procès du meurtre de Zakary Remadnia qui se tient jusqu’à vendredi à la Cour d’assises d’ Aix-en-Provence, le sentiment de peur d'une vengeance sans fin a dominé les réponses des accusés.

tags: #la #famille #tir #et #remadnia #histoire

Post popolari: