L'expression « la fleur au fusil » est une locution française imagée apparue au XXe siècle. Elle qualifie un départ dans l'insouciance, avec assurance et joie, mais aussi avec vantardise, illusion, naïveté et déni des réalités.
Elle rappelait les militaires de la Première Guerre mondiale qui étaient insouciants et confiants en la victoire. Ceux-ci ornaient alors leur fusil de fleurs.
Dès les premiers jours d’août 1914, les soldats défilent dans les villes pour se rendre dans les gares, d’où des trains les emmèneront au front. Sur le parcours, une foule les acclame. Des femmes, notamment à Paris, les embrassent et leur offrent des fleurs, qui finissent accrochées au fusil ou logées dans le bout du canon.
L’auteur, engagé en 1911, caporal en 1914, y évoque notamment le départ de soldats loin d'imaginer le sort qui les attendait : "Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n’avaient jamais réfléchi aux horreurs de la guerre. [. Ils ne voyaient la bataille qu’à travers des chromos patriotiques. […] Persuadés de l’écrasante supériorité de notre artillerie et de notre aviation, nous nous représentions naïvement la campagne comme une promenade militaire, une succession rapide de victoires faciles et éclatantes.
Il y écrit en effet : « Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n’avaient jamais réfléchi aux horreurs de la guerre.
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En réalité, la guerre, en 1914, sembla bien plus acceptée par résignation que par réel enthousiasme, loin du cliché du départ "la fleur au fusil" et surtout parce que, soldats comme généraux, tous étaient convaincus, pour des raisons parfois opposées, que la guerre serait courte.
Par extension, en oubliant le côté insouciant et en mettant l'accent sur l'enthousiasme et le courage qu'il faut pour partir aussi volontairement dans un conflit, la locution a également pris le deuxième sens plus commun aujourd'hui.
L'expression "la fleur au fusil", désormais passée dans la langue commune, qualifie un départ dans l'insouciance.
L'image de la fleur au fusil a changée aujourd'hui, à mes yeux, elle symboliserai plus une image de Paix et de non-violence .
Il y a encore quelques jours, un reportage continuait à colporter la légende des Français partis à la guerre "la fleur au fusil", images de 1914 et témoignage de Roland Dorgelès enregistré en 1965 à l'appui.
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Dans la réalité, ce qui nous a été montré était loin de correspondre à l'opinion majoritaire des Français telle qu'elle a pu être reconstituée par les historiens et ce qui nous a été présenté comme un départ en guerre "la fleur au fusil" n'était qu'un mouvement de surface, plutôt urbain, concernant les élites intellectuelles et des civils d'autant plus exaltés qu'ils n'étaient plus mobilisables, surtout parisien, parfois suscité par la jeunesse nationaliste proche de l'Action française et de ses Camelots du roi, aux abords de la Gare de l'Est, des casernes et des grands boulevards où quelques magasins à l'enseigne "germanique" (en fait souvent suisse ou alsacienne), ont été saccagés.
Et encore, à bien observer en détail la foule des images en question, on y décèle des attitudes bien plus diverses qu'il n'y parait: certaines femmes et certains soldats ont le visage grave et sont loin d'éprouver cette ferveur patriotique , d'autres tiennent des mouchoirs à la main...
Dans d'autres villes et dans certains quartiers, notamment les quartiers ouvriers, l'ambiance fut beaucoup plus complexe et les réserves face à la guerre se sont bien plus manifestées qu'on ne le pensait jusqu'ici: « A Paris, le pavé des grands boulevards est occupé par une manifestation nationaliste le 29 juillet, mais, le 27, les pacifistes ont été aussi nombreux.
Quelque 20 000 manifestants se mobilisent contre la guerre à Lyon, 10 000 à Montluçon et 5 000 à Brest.
Il faut aussi comptabiliser les manifestations qui sont dispersées par la police à Reims ou Nantes ou celles qui sont simplement interdites comme à Rouen, Nîmes ou Toulouse » (in La Grande Guerre, François Cochet), et, jusqu'au 4 août, des manifestations diverses (meetings, signes d'opposition divers), ont continué à s'exprimer.
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De plus, la France est à l'époque majoritairement rurale. En août 1914, on y est en pleine période des moissons et on n'a guère le temps pour se passionner pour les dernières nouvelles du monde.
C'est d'ailleurs le tocsin qui avertit les ruraux et, dans une France où le son des cloches a encore une signification importante, le tocsin est d'abord et avant tout l'annonciateur d'une catastrophe: c'est dire si on est loin d'être très enthousiastes à l'idée d'une guerre, même si on s'y résigne, à la fois par obéissance au devoir, mais aussi parce que domine le sentiment d'un patriotisme défensif face à ce qui semble être une agression allemande.
D'ailleurs, le laps de temps est si court et les gens sont tellement sidérés et hébétés qu'ils n'ont pas vraiment le temps d'avoir d'autres types de réactions.
Autres élements un peu oubliés aujourd'hui mais qui rendent compte d'une attitude bien plus ambivalente des Français face à la guerre, c'est la véritable panique qui s'empare des épargnants qui n'hésitent pas à effectuer des retraits bancaires massifs de leur compte, les motifs d'un certain nombre de procès à la réouverture des tribunaux en septembre (cris séditieux, propos appelant à la désertion, ...) et l'aptitude particulière de certains commmerçants ou simples Français à tirer parti de tout et donc à vendre certaines denrées à des prix soudain prohibitifs, y compris aux soldats... Pas très "patriotique" tout cela !
Grandes oubliées de la guerre, de nombreuses fleurs sont associées dans le monde entier aux combats de la Première Guerre mondiale.
Dès le début de la Grande Guerre sont aménagés, dans la proximité immédiate des zones de combat, des cimetières provisoires dont les tombes se fleurissent spontanément, ce qui retient l’attention de certains combattants.
En érigeant les fleurs au rang de marqueur mémoriel, la Grande Guerre a inventé une tradition qui se perpétue au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Les fleurs n’expriment pas seulement le souvenir des hommes tombés au combat ou la glorification des résistants.
Pendant la Grande Guerre, à l’instar du poilu Gaston Mourlot, de nombreux soldats confectionnent des herbiers, afin de rompre avec la temporalité du conflit en collectionnant un élément qui incarne le temps de paix, celle du passé et celle à venir.
De fait, il existe une forte relation entre la paix et les éléments végétaux, des arbres de la liberté plantés en France après la révolution de 1848 pour incarner la réconciliation entre les citoyens au rameau d’olivier qui symbolise la paix, symbole que la colombe de Picasso dessinée en 1949 ancre durablement dans l’imaginaire international.
La guerre froide et ses conflits connexes (comme celui du Viêt Nam) associent en effet la fleur au combat pour la paix.
Les manifestations pacifistes aux États-Unis voient des militants opposer des fleurs aux forces de l’ordre, une scène notamment immortalisée en 1967 à Washington par un célèbre cliché du photographe Marc Riboud.
Dans le même temps, le mouvement du Flower Power et son rejet des conflits s’exportent en Europe.
Pour autant, les fleurs continuent d’incarner la mémoire de conflits passés et des souffrances endurées en Europe.
À Sarajevo, les stigmates des bombardements de la ville entre 1992 et 1995 sont remplis de résine rouge, des « roses » qui rappellent les guerres dans l’ex-Yougoslavie.
Marque mémorielle de la guerre, les fleurs en Europe ont longtemps exalté le patriotisme.
Toutefois, elles semblent désormais « mortes à la pensée » chauvine (Emanuele Coccia).
“In Flanders fields the poppies blow/between the crosses, row on row…” (Dans les champs de Flandre, les coquelicots éclosent entre les croix, rang après rang...)
C’est un poème écrit par un soldat canadien, John McCrae, rédigé après la mort de son camarade Alexis Helmer, à Ypres, en 1915, qui va faire du pavot la fleur associée à la mémoire de ceux morts à la guerre.
Publié la même année dans l’hebdomadaire satirique anglais Punch, le texte est remarqué trois ans plus tard par une infirmière américaine, Moina Belle Michael, qui convainc la National American Legion et la Royal British Legion de faire de Papaver rhoeas l’image du Souvenir.
D’abord mobilisé dans le cadre d’initiatives individuelles et privées, le coquelicot s’institutionnalise après 1920 en Grande-Bretagne : le maréchal Douglas Haig organise en 1921 un British Poppy Day Appeal afin de récolter des fonds destinés aux anciens combattants invalides et sans ressources.
Rapidement étendue aux autres nations du Commonwealth, la pratique transforme le jour de l’armistice en Poppy Day, où de très nombreux Britanniques arborent un coquelicot en mémoire des soldats tombés au combat.
Le bleuet des champs ou bleuet des moissons (Centaurea cyanus) va devenir en France, pendant la Grande Guerre, un symbole d’aide aux combattants.
En France, les survivants de la première année du conflit appellent les recrues de la classe 1915 les bleuets.
Si ce surnom s’explique par le port du nouvel uniforme bleu horizon, il est également choisi parce que cette fleur bleue, tout comme le coquelicot, continue de pousser sur les champs de bataille.
Deux infirmières des Armées, Suzanne Lenhard et Charlotte Malleterre-Niox, exerçant aux Invalides pendant le conflit, imaginent alors de vendre des petites fleurs fabriquées par des soldats blessés ou mutilés.
En 1920, Louis Fontenaille, président des Mutilés de France, choisit le bluet comme symbole des Morts pour la France.
Le 11 novembre 1934, plus de 128 000 fleurs artificielles sont vendues sur la voie publique.
Avant de se joindre au Canada en 1949, les Terre-Neuviens célébraient traditionnellement leur Memorial Day chaque 1er juillet.
Lors de cette journée, ils arboraient quelques branche de myosotis en hommage aux centaines de soldats du Royal Newfoundland Regiment, tués ou blessés, le 1er juillet 1916, durant la bataille de la Somme, à Beaumont-Hamel (France).
Tout comme le coquelicot ou le bleuet, le myosotis (aussi appelé en anglais “Forget Me Not” - “Ne m’oublie pas”) a d'abord été un symbole de respect.
Du côté allemand, d’autres fleurs symbolisent la guerre qui s’éternise, parfois dans le sillage d’usages datant de l’avant-guerre.
C’est le cas du myosotis, appelé en allemand « ne m’oublie pas » (Vergissmeinnicht) et qui, avant 1914, était déjà la fleur du souvenir représentant l’être aimé parti loin du foyer.
Séché, précieusement conservé, il est glissé (tout comme le réséda) dans les correspondances épistolaires et matérialise la permanence des liens entre le front et l’arrière.
Il est plus tard devenu une source de revenus pour les anciens combattants blessés.
Encore aujourd'hui, de petites fleurs de myosotis en tissu sont portées le 1er juillet dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador en signe de commémoration.
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