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Le Printemps républicain et ses alliés médiatiques, tels que Caroline Fourest, Raphaël Enthoven, Sophia Aram, Gilles Clavreul, Amine El Khatmi et consorts, occupent fréquemment les plateaux de télévision et les talk-shows majeurs, où ils exercent une influence notable. Ils influencent les plus hautes sphères de l’État, où ils distillent leur vision identitaire et nationaliste de la République.

Origines et Création

C’est Marc Cohen, rédacteur en chef du magazine d’extrême droite Causeur, qui raconte le mieux la création de cette association politique créée en mars 2016. Selon lui, « Une bande d’internautes partis en cyberguerre après le massacre du Bataclan monte un gang informel pour défendre ‘l’islamophobe’ Élisabeth Badinter en particulier et la laïcité en général. » Ainsi, le Printemps républicain est né.

À l’origine de ce « gang », on trouve le politiste et polémiste Laurent Bouvet, qui, dans les années 1990, gravite dans les sphères intellectuelles du Parti socialiste (PS). Décédé en 2021, il était notamment un des fondateurs de la Gauche populaire au début des années 2010.

Idéologie et Objectifs

Pour éviter cela, la Gauche populaire préconise de s’appuyer sur la vision de Laurent Bouvet, qui théorise « l’insécurité culturelle » dans le manifeste Plaidoyer pour une gauche populaire. Pour schématiser, l’idée principale est de refuser de laisser à l’extrême droite la question identitaire et nationaliste, question qui serait au cœur des inquiétudes de la « majorité » - autrement dit, les classes populaires blanches.

« Cette version ‘à gauche’ de la laïcité identitaire est surdéterminée par l’enjeu de la nation. Elle renvoie à une stratégie, parmi d’autres, de reconquête des catégories populaires (perdues sur le terrain économique et social et jugées hostiles à l’islam) », explique le politiste Rémi Lefebvre dans un article paru en 2020, intitulé « La laïcité au Parti socialiste.

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Une idéologie qu’a étudiée Pierre-Nicolas Baudot, docteur en sciences politiques à l’université Paris-Panthéon-Assas. « Bouvet crée le Printemps républicain en articulant le républicanisme à la française, très critique des religions, et la philosophie communautarienne, pour qui l’individu est défini par la communauté à laquelle il appartient. Ainsi, pour ces personnes, la seule communauté qui vaille, c’est la communauté nationale.

À partir de cette base théorique, la menace du terrorisme islamique en France donne un prétexte à ses défenseurs pour partir à « la castagne », pour reprendre les mots de l’époque de Marc Cohen. « Le Printemps républicain ne sort pas de nulle part.

Défense de la Laïcité

Ainsi, le Printemps républicain et ses alliés s’érigent rapidement en défenseurs de valeurs supposément assiégées, à commencer par la laïcité. Une fierté française, définie par la loi de 1905, qui, dans son article premier, garantit « le libre exercice des cultes » et précise que « la République assure la liberté de conscience ».

Sauf que la vision définie par ces personnages s’éloigne largement de cette loi historique. La laïcité devient une série d’interdictions, notamment sur les signes religieux - et en particulier le voile. Vincent Genin, auteur d’Histoire intellectuelle de la laïcité. De 1905 à nos jours (PUF, 2 024), renchérit : « Ils s’inscrivent dans une forme de républicanisme autoritaire où la laïcité cesse d’être conçue comme une liberté.

Comme s’il n’avait toujours existé qu’une seule laïcité. C’est faux. Il existe cinq autres régimes de laïcité en outre-mer.

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Influence Médiatique et Polémiques

Caroline Fourest a enfin son journal, à elle. Un petit chez-soi de 8 pages, hebdo financé par le magnat tchèque Daniel Křetínský et au titre usurpé à un groupe de la Résistance au nazisme. Promotionné chaque mardi sur LCI, Franc-Tireur se veut un « journal de combat au service de la raison ».

En phase surtout avec les croisades de sa patronne, il flingue donc l’obscurantisme, le complotisme, le populisme, les néoféministes, régulièrement clouées au pilori dans « Le portrait qui fâche ». Mais aussi les extrémistes, surtout LFI accusée d’être responsable de la montée du RN et à ce titre bien plus violemment attaquée que la béquille du macronisme.

Et bien évidemment les intégristes, au sein desquels « l’islamisme occupe la pôle position » (Tirs croisés, 2003), et leurs très nombreux « idiots utiles », puisque le titre s’affiche dans « le camp laïc ». On y retrouve ses méthodes : l’argumentaire rationnel et l’enquête font souvent défaut au profit des approximations, insinuations, demi-vérités, voire des mensonges.

La bataille pour « la République » et « l’universalisme », mots jetés à la face de tout contradicteur à la manière d’un exorciste brandissant son crucifix, ne s’embarrasse pas de déontologie. La reine Rania de Jordanie critique un « deux poids deux mesures » dans l’indignation face aux victimes civiles israéliennes et palestiniennes ? « C’est la rhétorique que Dieudonné a utilisée pour faire flamber l’antisémitisme », lance Caroline Fourest sur BFMTV (29 octobre) en niant que l’on puisse « comparer le fait d’avoir tué des enfants délibérément en attaquant comme le fait le Hamas, et le fait de tuer des enfants involontairement en se défendant comme le fait Israël ».

Malgré cette approximation, c’est dans cette laïcité « identitaire », que s’engouffre le Printemps républicain. Premier objectif, faire tomber l’Observatoire de la laïcité, dirigé par Jean-Louis Bianco, homme politique socialiste, et son numéro 2, Nicolas Cadène.

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« Cette petite troupe s’est fait les dents sur l’Observatoire de la laïcité et sur ses patrons, Cadène et Bianco. On voulait leur tête en haut d’une pique », écrit, tout en nuance, Marc Cohen. Contactée, Caroline Fourest indique qu’elle n’est pas « membre du Printemps républicain ».

Après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, en janvier 2015, les attaques redoublent contre l’institution, alors rattachée à Matignon. « Ils nous ont trouvés trop mous dans nos avis. Ils voulaient qu’on soit plus fermes sur le voile et sur les musulmans.

Pour arriver à ses fins, la mouvance peut compter sur d’importants relais médiatiques : Raphaël Enthoven, Caroline Fourest, Élisabeth Badinter, entre autres. RéelsTV devrait arriver sur la TNT cet hiver. Devant l’Arcom, Raphaël Enthoven, éditorialiste à Franc-Tireur, en a défendu le projet aux côtés du président du conseil de surveillance du groupe CMI France du milliardaire Daniel Křetínský.

Son ambition, en s’appuyant sur les médias du groupe : « Restaurer le concept original du débat public. » Avec Enthoven aux commandes, le doute est permis. Philosophe d’agrément des radios et télés, il tient candidement le monde d’Emmanuel Macron pour le meilleur des mondes possibles.

Conseiller technique auprès de Laurent Fabius en 2003-2004, son « travail à l’époque était de dire du mal de Mélenchon », ce dont « il s’acquittait avec grand plaisir et sincérité », confessa-t-il un jour. Il s’est trouvé depuis bien d’autres diables. Depuis le 7 octobre, on ne compte plus ses interventions jusque sur les réseaux sociaux, où il juge « monstrueux » de « parler de génocide ou d’apartheid en Israël ».

« L’idée d’un ‘génocide à Gaza’ est le plus grossier mensonge du XXIe siècle », lance-t-il sur X (21 mai). Il n’y a pareillement pour lui « aucune relation de causalité » entre l’agression terroriste du Hamas et la politique d’occupation israélienne.

Conséquences et Critique

Et cela fonctionne, indéniablement. Au printemps 2021, Jean Castex, alors premier ministre, met fin au mandat de l’Observatoire de la laïcité. Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène sont remerciés sans ménagement. Au sein du gouvernement de l’époque, Jean-Michel Blanquer et Marlène Schiappa avaient largement contribué à attaquer l’institution.

Une stratégie du bruit et de la fureur qui permet à ces thématiques d’être omniprésentes dans le débat public. Des polémiques passionnées et enflammées, bien souvent au détriment des faits et des recherches de la grande majorité du monde académique sur le sujet.

« La voix des universitaires n’est pas entendue », confie, désabusée, Valentine Zuber, « ou alors, quand elle l’est, notre statut d’expert n’est pas reconnu. On est une voix parmi d’autres. L’ascension de certains termes aujourd’hui rabâchés quotidiennement dans le débat public est due à ce lobbying identitaire qui ne dit pas son nom.

Doctorant en sociologie au Médialab de Sciences Po, Benjamin Tainturier a travaillé sur l’évolution de ces mots : « islamo-gauchisme », « cancel culture », « wokisme ». Résultat ? Alors que le terme d’islamo-gauchisme est surtout utilisé dans un contexte géopolitique au début des années 2000, c’est Élisabeth Badinter qui va participer à lui faire revêtir, dans une interview donnée au Monde en 2016, un nouveau sens : « la commune menace pour la République que représente la gauche radicale défendant les minorités et le fondamentalisme », explique Benjamin Tainturier.

Du lexique d’une intellectuelle médiatique, le mot rebondit ainsi dans celui d’un politique - à savoir Manuel Valls, lors de la primaire du Parti socialiste en 2017. Pour aboutir dans la bouche de Jean-Michel Blanquer, qui, deux semaines après l’assassinat de Samuel Paty, pointe les « ravages » de l’islamo-gauchisme.

« Ces figures intellectuelles, médiatiques et politiques normalisent une attitude importante au sein de l’extrême droite : la confusion des étiquettes. Ce flou va s’accentuer après le 7 octobre, lorsque le RN, Renaissance et la droite du PS vont dénoncer ensemble l’antisémitisme supposé de La France insoumise. Si la gauche n’est pas exempte de positions problématiques, cette attaque participe aussi à nier le génocide en cours à Gaza.

De la même manière qu’avec la laïcité, leur position sur le sujet israélo-palestinien - flirtant bien souvent avec un sionisme et une islamophobie qui ne disent pas leur nom - devient celle des « valeurs républicaines ». Une mécanique bien huilée qui permet d’attribuer les bons et les mauvais points, toujours dans le même sens.

Une gauche « islamo-gauchiste » et donc, de facto, non-républicaine. « L’antiracisme est devenu le cheval de Troie pour harceler notre République. » Rachel Khan en est convaincue et l’a dit cet été sur CNews, où elle a son rond de serviette.

En 2018, elle dénonçait encore dans un livre collectif, Noire n’est pas mon métier, le racisme et le sexisme dans le cinéma français. Mais, à 48 ans, cette ancienne athlète qui se définit comme « afro-yiddish » - elle est née d’un père gambien et d’une mère ashkénaze - a eu plusieurs vies : actrice, essayiste, conseillère politique.

Recrutée par la Macronie, elle coordonne notamment un groupe de travail de LREM sur l’immigration, l’intégration et la laïcité pour la campagne d’Emmanuel Macron. Éditorialiste sur Radio classique, elle est évincée à la suite de « plagiats manifestes », révèle Arrêt sur images, mais continue à être invitée sur tous les plateaux.

Là elle répète qu’il n’y a ni génocide, ni apartheid ni encore moins de colonisation à Gaza et en Cisjordanie. Cette propagande, martèle-t-elle, est « une guerre contre le réel et la vérité ». « On est en guerre pour préserver l’humanisme et l’universalisme », dit-elle encore.

Ce qui ne l’a pas dissuadée de déjeuner en avril 2021 avec Marine Le Pen au domicile de cette dernière. À force de matraquer cette idée d’une supposée compromission de la gauche avec la laïcité, le Printemps républicain et ses alliés ont permis de dédiaboliser le Rassemblement national et ses idées.

« Dire que, pour rassurer les classes populaires dites majoritaires, il faut garantir le maintien de valeurs communes, comme la laïcité, cela sous-entend qu’il y a une menace de remplacement des valeurs et qu’il faut mener une guerre culturelle. Or ce sont des idées qui ont clairement des racines dans la pensée d’extrême droite », note Pierre-Nicolas Baudot.

Il poursuit : « Le fait que les auteurs de ces paroles viennent du Parti socialiste a contribué à installer et légitimer ce discours. » Pourtant, si leur audience et leur impact sur le débat politico-médiatique sont très importants, les débouchés électoraux du Printemps républicain sont aujourd’hui quasiment inexistants.

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