L'historique des confrontations entre l'Italie et l'Angleterre n'a jamais revêtu un enjeu aussi grand que la finale de l'Euro. C'est un duel entre deux nations majeures du football mondial, qui n'a paradoxalement jamais débouché sur un match d'une importance aussi grande que cette finale.
L'Italie et l'Angleterre vont s'affronter à Wembley pour la suprématie européenne, une rencontre au sommet dans un historique globalement équilibré entre les Three Lions et la Squadra Azzura (10 victoires italiennes, 8 anglaises, 9 nuls).
Dépitée par sa défaite aux tirs au but en demi-finale contre l'Argentine de Diego Maradona, l'Italie obtient la médaille de bronze de "son" Mondial, en venant à bout des Anglais, 2-1. Les trois buts sont inscrits dans les 20 dernières minutes : Roberto Baggio ouvre le score devant une défense apathique, David Platt égalise et Toto Schillaci inscrit le but victorieux sur un penalty qu'il provoque lui-même, à la 86e minute.
Non-qualifiée pour le Mondial 1994, l'Angleterre craint de devoir manquer une deuxième Coupe du monde de suite, car son groupe qualificatif, où la deuxième place ne suffit pas forcément, est corsé, avec l'Italie. Les Anglais perdent le match aller à Wembley en début d'éliminatoires (1-0). Mais ils font ensuite un sans-faute contre la Moldavie, la Géorgie et la Pologne, au contraire des Italiens. Au Stadio Olimpico de Rome, il suffit ainsi d'un match nul à l'Angleterre pour valider sa qualification pour la Coupe du monde. Les partenaires de Paul Ince et du jeune David Beckham (22 ans) tiennent le coup et iront en France en 1998 (0-0).
Alors que l'Angleterre cherche à atteindre des demi-finales en grande compétition pour la première fois depuis 1996, les hommes de Roy Hodgson peinent à faire trembler l'Italie de Mario Balotelli et Andrea Pirlo. Ce dernier sera l'un des hommes de la séance de tirs au but, qu'il illumine d'une jolie "panenka", avant que Gianluigi Buffon ne détourne une tentative d'Ashley Cole.
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Il fait 30 degrés au coup d'envoi à Manaus et l'Angleterre-Italie du jour fait office de choc du groupe D, entre les deux cadors. Antonio Candreva réalise deux passes décisives, pour Claudio Marchisio, puis la tête de Mario Balotelli, ce qui suffit à lancer la "Nazionale" dans son Mondial 2014 malgré le but de Daniel Sturridge. Mais elle déchantera autant que l'Angleterre quelques jours plus tard : les "Azzurri" perdent coup sur coup contre le Costa Rica et l'Uruguay, tandis que l'Angleterre ne prend qu'un point contre ces deux adversaires.
C'était la folie, pour ne pas dire le chaos, dans les rues de Londres dimanche, mais les quelque 60 000 spectateurs survoltés qui avaient pris place dans la mythique enceinte de Wembley n'avaient plus le coeur à la fête en la quittant. Cinquante-cinq ans après avoir soulevé à domicile le seul trophée de son histoire, la Coupe du monde 1966, l'Angleterre a entrevu pendant près de trois heures un nouveau sacre devant son public, avant de finir par céder aux tirs au but (1-1, 2-3 aux t.a.b.), au bout d'un suspense insoutenable.
Comme un symbole, les deux remplaçants lancés par Gareth Southgate juste avant la séance (Rashford et Sancho) ont raté leur tentative. Bukayo Saka également, et c'est une issue aussi cruelle que logique pour les Three Lions, coupables sans doute d'avoir cessé d'attaquer après l'ouverture du score précoce de Luke Shaw (2e), la plus rapide dans une finale d'Euro. C'est l'équipe la plus joueuse, au fond, qui a gagné. Celle derrière laquelle tout un continent ou presque s'était rangé avant le match. Celle d'un sélectionneur, Roberto Mancini, qui a su lui redonner son lustre perdu après le fiasco de la non-qualification pour la Coupe du monde 2018 (34 matches sans défaite désormais). Celle de deux papys incassables, Leonardo Bonucci et Giorgio Chiellini, 70 ans à eux deux.
Il fallait pourtant de l'imagination pour imaginer la Nazionale revenir au score après une première demi-heure à sens unique. Federico Chiesa a longtemps semblé le seul capable de déstabiliser la solide défense à trois centraux anglaise. Mais les efforts des Italiens (19 tirs, dont 10 dans la surface) ont fini par payer après la sortie d'Immobile (55e) et le repositionnement de Lorenzo Insigne en faux numéro 9. Sur corner, après plusieurs renvois et une tête de Marco Verratti sur le poteau, Bonucci a égalisé, plein de rage (67e, 1-1), et l'Italie est définitivement entrée dans sa finale. Elle aurait pu s'épargner une prolongation si Domenico Berardi, qui avait devancé la sortie d'un excellent Jordan Pickford (5 arrêts), avait cadré sa reprise de volée (73e). Mais l'Angleterre s'est réveillée après l'entrée de Jack Grealish (99e), et c'est finalement Gianluigi Donnarumma, désigné meilleur joueur du tournoi, qui a enfilé le costume de héros lors des tirs au but. Cinquante-trois ans après, son équipe est de nouveau championne d'Europe.
Année | Compétition | Score | Vainqueur |
---|---|---|---|
1990 | Match pour la 3e place du Mondial | Italie 2-1 Angleterre | Italie |
1997 | Qualification au Mondial 1998 | Italie 0-0 Angleterre | Nul |
2012 | Quart de finale de l'Euro | Angleterre 0-0 Italie (2-4 t.a.b.) | Italie |
2014 | Match de groupe du Mondial | Angleterre 1-2 Italie | Italie |
2020 | Finale de l'Euro | Angleterre 1-1 Italie (2-3 t.a.b.) | Italie |
Et dire que son plan de jeu de départ était parfait. Son choix d'aligner un 3-5-2 au coup d'envoi ressemblait à un coup de génie. Mais la suite a été un véritable désastre. Incapable de trouver les solutions pour donner un second souffle à son équipe quand l'Italie s'est relancée, le sélectionneur anglais a refusé le jeu. Il n'a jamais cherché à forcer le destin des Three Lions malgré la pléiade d'atouts dont il disposait sur son banc. Il a fini par le faire… à la 120e minute de jeu, en lançant Jadon Sancho et Marcus Rashford. Bien trop tard, et en plus sur un corner défensif. Il n'a pas été sanctionné tout de suite. Mais après coup, puisque les deux joueurs ont échoué dans la séance de tirs au but. C'est malheureux. Mais c'est symbolique de l'échec de Southgate sur cette finale.
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L'Angleterre avait attendu 55 ans pour retrouver la saveur de disputer la finale d'un grand tournoi international. L'Italie a patienté quasiment aussi longtemps pour reprendre place sur le toit de l'Europe. Il s'est écoulé 53 ans entre son sacre de 1968 et son deuxième titre européen ce dimanche à Londres. Entre temps, elle avait connu la douleur de perdre deux fois en finale, en 2000 face à la France au but en or (2-1), puis en en 2012 face à une Espagne injouable (4-0). De quoi donner encore plus de saveur à sa victoire à Wembley.
Ce n'était pas l'Italie qui cadenassait le jeu avant de crucifier ses adversaires à la moindre opportunité. Ce n'était pas celle qui regorgeait de talents lors de son dernier sacre international en 2006. Cette Nazionale dégageait bien la même ferveur dès que Fratelli d'Italia se mettait à résonner dans le stade. Mais c'est bien tout ce qu'elle avait en commun avec ses devancières entrées au panthéon du football international. Elle était en ruines il y a trois ans, laissée pour morte après l'échec ultime de sa non-qualification pour la Coupe du monde 2018. Trois ans plus tard, elle est plus vivante que jamais.
C'est l'œuvre de Roberto Mancini. Il n'est pas question de négliger la qualité de jeu de la Nazionale. Sans cela, elle ne serait pas sur le toit de l'Europe aujourd'hui. Le sélectionneur italien a su donner un style nouveau à cette Italie, tout en technique et en mouvement sans jamais oublier cette culture tactique qui a toujours fait la force du football transalpin. C'est son premier fait d'armes. Mais cela ne suffisait pas. Cette Italie a souffert face à l'Autriche. Elle a été ballotée face à l'Espagne. Elle en a bavé face à l'Angleterre. Si elle s'en est tirée à chaque fois, c'est parce qu'elle avait une âme.
C'est bien cela, le vrai coup de maître de Mancini. Le sélectionneur italien a créé un groupe indestructible, un subtil mélange d'expérience et d'enthousiasme, une bande de frères que rien ne peut arrêter. Une armée qui ne s'est jamais délitée dans la difficulté. Il fallait qu'elle mette tous les ingrédients possibles pour bâtir ce fabuleux succès, mais le plus précieux d'entre eux restera cette solidarité de tous les instants. L'Italie l'a puisée partout où elle le pouvait. Et surtout dans ses multiples échecs de ces dernières années. C'est bien ce qui l'a rendue plus forte que jamais.
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