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En sept ans, sept membres de la famille Tir ont perdu la vie, abattus. Sept hommes. Alors, dans la salle d’audience de la cour d’assises d’appel des Bouches-du-Rhône, du côté réservé à la partie civile, il n’y a que des femmes. Elles sont quatre, droites sur leur banc.

"Pour mon frère Farid, je n’étais pas partie civile et je le regrette. Pour Karim, c’est ma belle-sœur qui a fait les démarches et si je suis là, c’est pour montrer qu’il avait une famille", tient à expliquer l’une des sœurs de cette fratrie de quinze enfants, membres d’une grande famille dont on dénombre "500 membres à Marseille".

Origines et Ascensions

Aux origines de l'histoire de cette famille à Marseille, il y a la venue dans les années 1950 de Mahboubi Tir, un Berbère algérien, bientôt propriétaire d'un commerce d'alimentation. Parmi eux, la présidente Nourith Reliquet en cite certains, beaucoup, dans une litanie des morts violentes qui ont nourri la "guerre" que se livraient les clans Tir et Remadnia.

D'un côté, il y a Mahmoudi, le juste, le patriarche, celui qui n'a jamais quitté sa cité de la Busserine (14e), pour aider ses prochains. L'engagement d'une vie reconnu par la communauté marseillaise. À tel point que le boulevard Jourdan prolongé a été débaptisé en juillet 2004 et porte désormais son nom.

Fard, c'est le petit-fils de Mahmoudi. Hier soir, au lendemain de son assassinat, sa grande soeur réfutait en bloc tout lien entre la victime et le monde de la voyoucratie.

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La Spirale de la Violence

Qui est vraiment Farid Tir, 40 ans, tué de plusieurs balles de fusil d'assaut mercredi soir à la Belle-de-Mai ? Le "banquier" de l'ombre des derniers "parrains à l'ancienne" du banditisme marseillais ou bien un commerçant retiré des affaires, assassiné pour sa seule appartenance à une famille bien ancrée, du moins pour certains de ses membres, dans les trafics en tous genres ?

D’abord il y a eu Saïd, tué en avril 2011, puis son beau-frère, trois mois plus tard. Il y a eu Farid, assassiné en avril 2012 et le 12 juin 2014, c’est Karim, dit "Charly", 31 ans, qui est tombé sous les balles d’un commando à moto, alors que lui, circulait en voiture, à Asnières-sur-Seine.

Karim Tir, assassiné le 12 juin 2014 à Asnières-sur-Seine, était au cœur d'un conflit opposant deux familles depuis 2010. Karim Tir, manager du rappeur marseillais Jul, voulait tourner la page des trafics de stupéfiants. Mais la vendetta qui décimait sa famille l'a rattrapé en région parisienne en 2014. La mort de ce jeune homme de 30 ans est un épisode de plus dans la liste d'une vingtaine de règlements de comptes opposant deux familles depuis 2010 à Marseille.

Les Figures Clés

Le cousin, c'est Saïd, placé de l'autre côte de l'échiquier. Lui est considéré comme l'un des plus puissants trafiquants de stupéfiants des quartiers Nord, abattu en avril 2010, à l'âge de 60 ans au volant de sa voiture. Aujourd'hui, il semble voué à porter la responsabilité des drames qui secouent la famille.

Son petit-fils, lui aussi nommé Farid, se trouve toujours derrière les barreaux depuis sa spectaculaire arrestation à la frontière espagnole, en octobre 2011, avec 500 kg de résine de cannabis. À 23 ans, le jeune homme n'a pas encore été jugé, mais il devrait écoper d'une lourde peine. Et puis il y a Eddy, 20 ans, le neveu de Saïd.

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Pour des raisons que l'enquête n'a pas encore établies avec précision, il a tué un garçon de 17 ans, à la kalachnikov, devant l'entrée d'un immeuble de la cité La Castellane, le 22 décembre dernier. Le 4 janvier, il était arrêté. Comme son cousin germain, il risque de passer de longues années derrière les barreaux.

Rivalités et Vendettas

Les Tir d'un côté, associés aux Berrebouh ; les Remadnia de l'autre, rejoints par une bande de malfaiteurs de Marignane. En 2010, son frère Karim Seghier avait été soupçonné de la séquestration de Farid Tir et de son épouse, pour leur voler une grosse somme d'argent. Enceinte, la jeune femme avait perdu son bébé.

Quelques mois plus tard, en août 2010, attiré dans un guet-apens à la cité Font-Vert, à Marseille, Karim Seghier était assassiné et Mohamed Seghier blessé.

Dans la «bande organisée» responsable selon la juge d'instruction de l'assassinat de Karim Tir figurait aussi Zakary Remadnia. Mais le jeune homme a été abattu à Marseille, à peine un mois plus tard.

Loin de cette vendetta marseillaise, Sabir Titouh, dit «Titax», figure montante du banditisme parisien, aurait lui aussi, selon l'accusation, participé au meurtre, faisant jouer son «relationnel criminel». Il est décrit comme l'un des participants actifs aux surveillances de la victime et comme le fournisseur d'armes et de véhicules dits «de guerre». Mais lui non plus n'a pas survécu jusqu'au procès.

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«Titax» a été abattu en 2015, devant le domicile de sa compagne, à Taverny (Val-d’Oise). Considéré comme proche du milieu corso-marseillais, Juan Marti avait quitté la région parisienne aussitôt après le meurtre, avec Zakary Remadnia, direction Marseille.

Selon l'enquête, c'est en fait la visibilité du rappeur Jul qui avait permis aux meurtriers de pouvoir facilement suivre et surveiller leur cible: «Ils planquaient Jul pour remonter Karim Tir», avait expliqué un témoin sous X.

Les Faits Marquants de la Chronologie Tragique

Date Événement
Avril 2011 Saïd Tir, 60 ans, est tué à Marseille.
Quelques mois plus tard Akim Grabsi, 42 ans, beau-frère de Saïd, est abattu.
11 avril 2012 Farid Tir, 40 ans, est assassiné dans sa voiture.
12 juin 2014 Karim Tir, 30 ans, est tué à Asnières (Hauts-de-Seine).

Depuis huit ans, pas moins de cinq autres hommes ont fait les frais d'une guerre que tout relie au trafic de stupéfiants. Son grand-père Saïd Tir, surnommé « le Vieux », est le premier à tomber sous les balles le 27 avril 2011, à quelques semaines d'un procès où il devait comparaître pour sa participation à un trafic de cannabis et de cocaïne. Trois tueurs l'ont exécuté en plein jour alors qu'il conduisait dans les quartier Nord de Marseille. Celui qui était aussi appelé « le parrain de Font-Vert », 59 ans, avait une arme chargée sur la cuisse.

Deux mois plus tard, c'est le beau-frère de Saïd, Akim Grabsi, 42 ans, qui est abattu de plusieurs tirs dans la tête alors qu'il circule sur le boulevard National, dans le troisième arrondissement de la cité phocéenne. Deux des oncles de Farid Tir sont ensuite assassinés. D'abord, Farid (son homonyme), le 11 avril 2012, dans sa voiture, alors que l'homme de 40 ans rentrait chez lui. Puis Karim Tir, 30 ans, tué en juin 2014 à Asnières (Hauts-de-Seine), d'une balle tirée en pleine poitrine.

Des clans rivauxD'autres membres du clan réchappent à des tentatives d'assassinat. Comme le frère de Farid Tir, Eddy, alias Barabas, visé par des coups de fusil d'assaut en septembre 2011. Trois mois plus tard, il est impliqué à son tour dans le meurtre d'un habitant de la Castellane, pour lequel il est condamné en appel, en mars dernier, à 20 ans de réclusion. En mars 2014, Hichem Tir (encore un oncle de Farid Tir), ressort indemne d'une série de tirs, à Beauvais, dans l'Oise.

Enquêtes et Soupçons

Qui en veut aux Tir? En 2016, le parquet de Marseille avait publiquement prêté à cette famille une rivalité avec un autre clan, les Remadnia, dont certains tremperaient dans les « stups ». On soupçonne Eddy Tir d'avoir commandité depuis sa prison l'assassinat de Zakary Remadnia en 2014, mais ce crime reste pour l'heure irrésolu et un épais mystère entoure les autres, même si des équipes de tueurs ont été identifiées autour des deux familles et arrêtées.

Zakary Remadnia a été abattu en juillet 2014 dans les quartiers nord de Marseille.

Les Tir ne sont pas tous impliqués dans le banditisme, soulignait L'Express en 2016. « L'immense majorité des quelque 300 membres du vaste clan Tir est, en effet, totalement inconnue des services de police », écrivait l'hebdomadaire.

"Il s'était retiré. Il était devenu quelqu'un de bien. C'est vrai, il a commis des erreurs. Lui-même admettait ne pas être un saint. Mais il n'avait rien à voir avec le banditisme. Depuis deux ans, il avait ouvert un magasin de vêtements, sur le Prado. On ne sait pas, on ne comprend pas. Peut-être que des gens lui en voulaient à cause de son cousin. Le clan Tir, il faut arrêter avec tout ça."

Les Tir sont-ils condamnés à ces destins tragiques ? Saïd et Mahbouti, comme s'ils personnifiaient chacun à leur manière le bien et le mal, ont-ils distribué les rôles à chacun de leurs descendants, sans espoir de les quitter ? "Que la police fasse sortir la vérité", exhortait simplement la soeur de Farid Tir hier soir.

«Je suis allé à Paris, pas dans le but de monter sur un assassinat, mais de voler. Les assassins ont suivi leur cible pendant des mois jusqu'à son exécution. Ils ont utilisé des balises posées sur les voitures de Karim Tir et de ses proches. En avril 2016, par une source anonyme, les enquêteurs remontent jusqu'aux assassins présumés, des membres du crime organisé marseillais, corse et parisien. Ils sont localisés dans un immeuble du Val-d'Oise. Jalousie suscitée par sa réussite dans la musique ? Vengeance lien avec le trafic de drogue ?

Au début des années 2010, deux familles de trafiquants rivales, les Tir et les Redmania, se livrent une guerre de territoire sans merci, dans la cité Font-Vert, dans le 14e arrondissement de Marseille. En quelques années, cette vendetta fait une vingtaine de morts. En neuf ans, cinq membres du clan sont morts dans cette guerre ouverte : en 2011, l'oncle de Karim, Saïd Tir, considéré comme le patron du trafic de cannabis, et Akim Grabsi, 42 ans, le beau-frère de ce dernier sont abattus à Marseille, alors qu’Eddy Tir, le petit-fils de Saïd, échappe à une rafale de Kalachnikov fatale à l’homme qui l’accompagne. En mars 2014, trois mois avant la mort de son frère, Hichem Tir, échappe lui aussi à une tentative d’assassinat à Beauvais (Oise).

Le procès aux assises, qui se tient jusqu'au 24 mars, permettra peut-être de savoir si Karim Tir a payé pour cette guerre des gangs. Les accusés nient les faits qui leur sont reprochés.

En avril 2016, huit personnes soupçonnées d'avoir participé à l'assassinat de Karim Tir ont été arrêtées et mises en examen, à Paris et à Marseille.

L'histoire des Tir ne s'écrit pas seulement à la rubrique des faits divers, cruelle litanie de sang et de larmes sur fond de trafic de stupéfiants et de féroces règlements de comptes. C'est aussi un formidable roman marseillais dont les chapitres mêlent intégration réussie et dérive délinquante, destins tranquilles et trépas violents, ombre et lumière.

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