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Les tirs au but sont une épreuve redoutée et souvent perçue comme une loterie dans le monde du football. Pourtant, de nombreuses études et analyses montrent qu'il s'agit d'un exercice qui peut être préparé techniquement et mentalement.

La Séance de Tirs au But : Une Guerre Psychologique

La séance de tirs au but est une guerre psychologique, et certains gardiens n'hésitent pas à utiliser des tactiques originales pour déstabiliser les tireurs adverses. En Australie, Andrew Redmayne, surnommé "Grey Wiggle", est devenu un héros national en 2022 en entrant en jeu juste avant la séance de tirs au but contre le Pérou.

Entré en jeu quelques secondes seulement avant la séance de tirs au but, il gesticule grossièrement sur sa ligne de but, reproduisant les mouvements d'une danse du groupe australien "The Wiggles" et gagne, au passage, un surnom pour la postérité.

Plus fourbe encore, il s'empare de la gourde du gardien péruvien où figure quelques indications sur les tireurs australiens et l'envoie balader dans les tribunes. Le but est clair : déstabiliser l'adversaire.

Plus original encore, Redmayne a accompagné tous les tireurs australiens jusqu'au point de penalty les protégeant des manipulations mentales adverses. Le Pérou ratera deux tentatives et regardera la Coupe du monde depuis son canapé. Mission accomplie.

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Il s'empare de la gourde du gardien péruvien où figure quelques indications sur les tireurs australiens et l'envoie balader dans les tribunes. Redmayne s'expliquera après le match : "C'était une question de vie ou de mort alors, même si cela va à l'encontre de tous mes principes moraux d'être ce genre de personne…"

Une étude, citée par The Telegraph et portant sur toutes les séances de tirs au but des Coupes du monde et des Championnats d'Europe de 1984 à 2012, a révélé qu'un gardien qui tente de déconcentrer le tireur de penalty réduit de 10% le nombre de buts marqués. Tous les moyens sont bons comme ceux utilisés par the "Grey Wiggle" ce jour-là.

Préparation et Statistiques : Loin d'Être une Loterie

"Les tirs au but, ce n'est pas une loterie, nous renseigne Christophe Revel, ancien entraîneur des gardiens du Maroc, de l'OL, de Rennes et de Brest aujourd'hui. C'est un exercice qui se prépare techniquement et mentalement à l'aide de répétitions de gestes, de situations, se rapprochant tant bien que l'on peut de la réalité.

Le plus important étant de rendre le gardien de but acteur de ce moment, de le mettre à l'aise et de lui enlever toute pression pour optimiser ses chances de réussite."

"Je ne vois pas ça comme une loterie mais comme une opportunité pour le gardien, nous confie de son côté Cédric Carrasso, deuxième gardien à avoir arrêté le plus de penalties en L1 depuis 2006. Il y a bien sûr une bonne part d'intuition et d'observation.

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On donne des renseignements au gardien, c'est une aide mais pas une science exacte. Après, moi, à partir du moment où j'entrais sur le terrain, j'observais tout. L'échauffement des adversaires, leur tendance pendant le match, est-ce qu'untel tire croisé ou pas ? A partie de tout ça, je prenais ma décision."

Il est par exemple statistiquement prouvé qu'un attaquant a plus de chances de réussir sa tentative qu'un autre joueur de champ, qu'un tir au milieu du but est moins efficace que sur un côté (57% contre 74% lors des 30 dernières séances de tirs au but en Coupe du monde) et même qu'un joueur qui célèbre sa réussite de façon ostentatoire donne deux fois plus de chance au coéquipier qui suit de marquer (selon une étude parue en 2010 sur la contagion émotionnelle).

Le Cas du Football Français : Un Syndrome à Combattre

Le football français a-t-il oublié que les tirs au but n'étaient pas un jeu de hasard ? En un an, les Bleus ont perdu une finale de Coupe du monde, deux finales d'Euro et de Mondial U17 et un quart de finale de Coupe du monde féminine au terme d'une séance de tirs au but.

Depuis la Coupe du monde 1998, les sélections ou clubs français ont disputé 16 séances de tirs au but dans des compétitions internationales et en ont remportées… trois (les Bleues face à l'Angleterre au Mondial 2011, Lyon face au Besiktas en Ligue Europa 2017 et les U17 en quart de finale du Mondial contre le Sénégal le mois dernier).

Le problème peut venir des gardiens comme Fabien Barthez et Hugo Lloris qui n'ont stoppé aucune des 14 dernières tentatives subies dans le but des Bleus. Le week-end dernier, ce sont les tireurs des U17 qui ont failli en finale face aux Allemands quand leur portier sortait le grand jeu.

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La semaine dernière, sur les antennes de BeIn Sport, alors même que les Bleus ont été sortis des deux dernières grandes compétitions internationales après une séance de tirs au but, Didier Deschamps rappelait pourquoi il n'insistait pas sur ce travail spécifique : "À l’entraînement, il n’y a personne à part vous. Vous n’arrivez jamais à recréer les conditions d’un match.

Si c’est une finale, le côté émotionnel, le public, le positionnement des tireurs, rien ne peut être préparé. Puis entre ce que vous pouvez prévoir et ce qu’il se passe, comme la dernière séance contre l’Argentine où tous les tireurs prévus n’étaient plus sur le terrain…"

Et l'entraîneur des infortunés U17, Jean-Luc Vannuchi avouait : "C'est encore une histoire de loterie, on a beau les travailler, c'est difficile." A force, il n'est sans doute plus question de loterie mais de syndrome.

Il semblerait d'ailleurs que la DTN s'empare enfin du sujet. "Il ne faut pas tomber dans quelque chose qui nous paralyse, dans une forme de psychose, révélait Hubert Fournier il y a quelques jours dans L'Equipe.

La gestion des émotions doit être mieux maîtrisée. Il y a sans doute des solutions, et il va falloir qu'on les trouve (…). Il est nécessaire de mettre une cellule spécialisée en place pour accompagner les joueurs sur le plan émotionnel, faire en effet appel à des psychologues. Il est important d'y réfléchir et on va le faire, croyez-moi."

Des psys au secours du football français, voilà peut-être une partie de la solution. En Allemagne, la fédération donne accès à des psychologues sportifs à toutes les sélections de jeunes. De même, les gardiens de but reçoivent un briefing penalty sur leurs adversaires avant chaque match.

L'Exemple Anglais : Préparation et Analyse Méticuleuse

Luis Enrique, avant le dernier Mondial, avait demandé à ses joueurs espagnols de tirer 1000 penalties avec leurs clubs respectifs avant de prendre l'avion pour le Qatar. Mais personne ne travaille mieux dans ce domaine que les Anglais, qui possèdent le pire ratio des grandes nations avec une réussite de 22% dans l'exercice.

Leur sélectionneur, Gareth Southgate, lui-même traumatisé par sa tentative ratée à l'Euro 1996, n'a jamais caché que son équipe bossait spécifiquement l'exercice : "Comme tous les autres aspects de notre jeu, nous sommes préparés et nous avons suivi un processus - nous devons être prêts mentalement et physiquement."

Les Three Lions utilisent notamment des filets aux entraînements pour travailler les frappes dans les coins du but et toutes les statistiques d'entraînements et de match sont décortiquées pour déterminer le casting des tireurs en fin de match.

La France n'attache visiblement pas la même minutie. "Est-ce qu'on travaille assez en France les séances de tirs au but ?, s'interroge Carrasso. On ne prend pas assez en compte la possibilité des tirs au but et on entend trop souvent les coaches dire qu'on doit gagner le match avant.

Ok, mais si on n'y arrive pas ? Si le mec qui s'avance tire parfaitement son penalty, le gardien n'a aucune chance et ça se travaille." D'autant que Grey Wriggle n'a pas l'intention de prendre la nationalité française. Mike Maignan, autre grand spécialiste de l'exercice, reste une vraie sécurité pour l'avenir.

Historique des Tirs au But à l'Euro

Depuis l'apparition des tirs au but à l'Euro, en 1976, dix-huit rencontres ont connu cette issue, dont une seule finale, la première. Certaines nations s'en sont mieux tirées que d'autres dans cet exercice très spécifique.

Le 100 % de la République Tchèque

Seules deux équipes ont remporté l'intégralité des séances de tirs au but auxquelles elles ont participé lors d'un Euro : la Turquie (1/1, en quarts de finale de l'Euro 2008 contre la Croatie) et la République tchèque (3/3). Les Tchécoslovaques ont d'ailleurs été les premiers à remporter une séance de tirs au but : c'était en 1976, lors de la finale contre l'Allemagne de l'Ouest à Belgrade (2-2, 5-3 aux t.a.b.).

Alors qu'aucun des sept premiers tireurs n'avait échoué, Uli Hoeness avait envoyé la huitième tentative de la série sur la barre, avant qu'Antonin Panenka ne trompe Sepp Maier d'une « feuille morte » passée à la postérité. Jusqu'à ce jour, les Tchèques ont converti leurs vingt tentatives, et ont remporté la plus longue série de l'histoire en 1980 (18 tentatives, comme lors du quart de finale Allemagne-Italie en 2016), pendant le match pour la troisième place contre l'Italie (1-1, 9-8 aux t.a.b.).

Les Bleus un Coup sur Deux

L'équipe de France n'a disputé que deux séances de tirs au but lors de l'Euro : c'était en 1996 à chaque fois. Cette édition a d'ailleurs été celle où le plus de rencontres n'avaient pas désigné de vainqueur à l'issue des prolongations (4), dont les deux demi-finales.

Cette année-là, donc, les Bleus étaient venus à bout des Pays-Bas en quarts (0-0, 5-4 aux t.a.b.), grâce à Zidane, Djorkaeff, Lizarazu, Guérin et Blanc, mais aussi et surtout grâce à l'arrêt de Bernard Lama devant Seedorf. Quatre jours plus tard, rebelote pour l'équipe d'Aimé Jacquet face à la République tchèque en demi-finales (0-0, 5-6 aux t.a.b.) : les cinq mêmes avaient transformé leur tentative mais Reynald Pedros avait buté sur Kouba.

En Coupe du monde aussi, les Bleus se qualifient une fois sur deux à l'issue de séances de tirs au but : en quarts face au Brésil en 1986 et face à l'Italie en 1998, l'exercice leur avait souri, la demie de 1982 face à l'Allemagne et la finale 2006 contre l'Italie beaucoup moins...

Le Portugal et les Records à Battre

Le Portugal a participé à trois séances de tirs au but à l'Euro, dont deux lors des deux dernières éditions (défaite en demi-finales contre l'Espagne en 2012, victoire en quarts contre la Pologne en 2016). Les deux fois, Joao Moutinho et Cristiano Ronaldo ont transformé leurs tentatives.

Actuellement co-meilleurs réalisateurs dans l'exercice (avec de nombreux autres joueurs), ils pourraient devenir les premiers à atteindre trois buts (ou plus) inscrits lors de tirs au but pendant l'Euro. Rui Patricio, quant à lui, était dans le but de la Seleçao en 2012 et en 2016 et pourrait, comme l'ont fait Gianluigi Buffon et Edwin Van der Sar au cours de leur carrière, en disputer une troisième.

L'Allemagne a Pris le Dessus sur l'Angleterre

Les Allemands ont certes perdu la première séance de tirs au but à laquelle ils ont participé (contre la Tchécoslovaquie en 1976), mais ils ont remporté les six qu'ils ont disputées depuis, Euros et Coupes du monde confondus.

Les Premiers Tirs au But

Pour ça, il faut remonter à 1968. À cette époque, les règles du foot sont loin de celles qu’on connait aujourd’hui et les tirs au but n’existent pas encore, ce qui complique la désignation d’un vainqueur en cas d’égalité.

L’Euro 68 en est le parfait exemple : en demi-finale, Italie et URSS sont à 0 - 0 au bout de 120 minutes. Un scénario qui n’avait pas été anticipé et résultat, le vainqueur est désigné sur un pile ou face. L’Italie passe mais en finale, rebelote : match nul dans le temps réglementaire.

La même année, aux JO de Mexico, Israël est éliminée en quart de finale après un match nul par tirage au sort. Furieux, le dirigeant Yosef Dagan envoie une lettre à la FIFA dans laquelle il propose son idée : un face à face entre 5 joueurs de champ et le gardien, les tirs au buts étaient nés !

Lors du Mundial 1978, il n’y avait pas de quarts ni de demi-finales et la finale s’est conclue en prolongations (Argentine-Pays Bas, 3-1). Nous voici donc au Mundial 82.

Après l’invraisemblable scénario des prolongations, où quatre buts sont inscrits en 17 minutes, arrive donc la première séance de tirs au but de l’histoire de la coupe du monde.

Les Bleus sont si épuisés qu’on voit mal comment Michel Hidalgo va faire pour trouver cinq volontaires. Ce sera donc Giresse, Amoros, Rocheteau, Six et Platini. Les trois premiers marquent (avec une mention spéciale à Amoros qui n’a que vingt ans et dont le calme est sidérant).

En face, Stielike vient de tirer sur Ettori et Six, qui joue alors à Stuttgart, a l’occasion de donner un avantage quasi-définitif aux Bleus. Mais sa frappe du gauche est renvoyée par Schumacher, et Platini termine les poings serrés en lâchant un « fais chier ! » alors qu’il pensait envoyer les Bleus en finale.

Tirs au but des Bleus en compétitions internationales

Voici un tableau récapitulatif des séances de tirs au but disputées par l'équipe de France dans les compétitions internationales :

Compétition Année Adversaire Résultat
Coupe du Monde 1982 Allemagne Défaite
Coupe du Monde 1986 Brésil Victoire
Euro 1996 Pays-Bas Victoire
Euro 1996 République Tchèque Défaite
Coupe du Monde 1998 Italie Victoire
Coupe du Monde 2006 Italie Défaite
Euro 2021 Suisse Défaite
Coupe du Monde 2022 Argentine Défaite

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