En 1957, lors du tournoi amical de Ramon de Carranza en Espagne, les tirs au but furent créés dans le but de favoriser l’esprit sportif et d’éviter que la victoire (ou l’échec) soit déterminé par le hasard. En effet, jusque-là, le résultat de la rencontre sans victoire était décidé à pile ou face.
Les deux capitaines, accompagnés de l’arbitre, partaient s’enfermer dans le vestiaire et décidaient du sort du match en lançant une pièce de monnaie. L’équiprobabilité était garantie mais le spectacle et l’intensité du sport oubliés.
Beaucoup d’observateurs du sport, et du football en particulier, avaient un très mauvais souvenir du pile ou face. Oui : dans le tirage au sort par pile ou face, il s’agissait auparavant d’un parfait « 50/50 » en termes de probabilité, un parfait jeu équiprobable, sans aucune reconnaissance des faits de jeu antérieurs. Tout était remis à égalité, tout le monde pouvait battre tout le monde. Mais le jeu ne prenait pas le dessus, seuls comptaient la chance, le destin et le hasard.
L’organe officiel des règles de la FIFA, le Board, décida, en 1970, de généraliser la séance de tirs au but, cinq face-à-face à l’issue indécise, afin d’améliorer l’incertitude et la dynamique, de « redonner ses lettres de Noblesse au sport ».
Rappelons que l’Olympique Lyonnais, vainqueur de la Coupe de France 1967, n’a dû sa présence en finale qu’après avoir « battu » en demi-finale l’A.S.
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La question de l'avantage pour une équipe de football de démarrer ou non une session de tirs au but a été bien souvent débattue et argumentée dans la littérature scientifique. Dans cet article, cette question nous permet à présent de rappeler l'importance d'une pensée statistique guidée par un respect éclairé d'une éthique qui se montre salvatrice.
Plusieurs études ont été menées pour analyser cet avantage potentiel. Selon ses résultats, l’équipe qui commençait la séance de tirs au but avait 60% de chances de l’emporter contre seulement 40% pour la seconde.
Un rapport 60/40 en faveur de la première équipe, déterminé par un pile ou face (encore !) effectué par l’arbitre avant le début de la séance. Autrement dit, pour gagner les tirs au but, il ne fallait pas être seulement être bon, il était également préférable d’avoir remporté le pile ou face initial.
Cela permettait, en décidant de commencer la séance, de disposer d’un avantage psychologique sur l’adversaire et de lui imposer la pression du résultat. En commençant, on ouvre le score, on montre la voie et on impose son rythme alors qu’en étant deuxième, on doit suivre le jeu et rattraper les buts.
Afin d’affiner ses résultats, Palacios-Huerta testa la robustesse de ses résultats avec des outils économétriques, il vérifia dans quelle mesure le 60/40 ne pouvait pas être expliqué par la force de l’équipe, par le fait de jouer à domicile ou à l’extérieur ou encore par le fait d’avoir dominé toute la partie. Il dégagea plusieurs variables exogènes et les bloqua.
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Conclusion ? La loterie équiprobable du pile ou face a tout simplement été remplacée par une séance des tirs au but inéquitable.
Dès 2006, Ignacio Palacios-Huerta envoya son rapport détaillé aux instances dirigeantes du football.
Les chercheurs allemands M. G. Kocher, M. V. Lenz et M. Sutter s’attelèrent à cette tâche et analysèrent un échantillon bien plus large de séances de tirs au but. Résultat ? L’écart différentiel était remis en cause. Plus de 60/40 mais un 53/47, soit une différence statistiquement non-significative.
Les économistes Luc Arrondel, Richard Duhautois et Jean-François Laslier, quant à eux, analysèrent spécifiquement le cas français, avec la coupe de la ligue et la coupe de France. Ils allèrent même plus loin et citèrent le championnat argentin 1988/1989.
A cette époque, le pays imposa une règle bien particulière en bannissant les matchs nuls. A la fin de chaque match se terminant sur un score de parité, une séance de tirs au but devait être organisée. Ces moments augmentèrent considérablement, plus de 133 séances furent jouées au cours de toute la saison. Pour Arrondel, Duhautois et Laslier, cet événement permit d’étudier les séances de tir au but pour un groupe de joueurs s’habituant à celles-ci. Ils constatèrent que la répartition des victoires entre l’équipe tirant en premier et la seconde était de 50/50 au bout de la saison.
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Oui, mais la science avance lorsque les théories et les conclusions sont remises en cause. Ignacio Palacios-Huerta s’intéressa aussi au championnat argentin 88/89 et observa les résultats journée après journée. Que constata-t-il ? Alors que le rapport était de 60/40 au début du championnat, entre la première et la dixième journée, la répétition de l’événement permis aux joueurs de s’adapter à la peur et de contrôler leurs émotions.
Pour Palacios-Huerta, l’exemple de cette saison argentine permet de confirmer sa théorie. Il y aurait bien un effet émotionnel. La deuxième équipe a moins de chances de remporter la séance parce qu’elle a « peur ». Elle doit combattre le résultat de la première équipe qui, elle, avance dans le vide, n’a pas la pression du résultat. Seulement, à force de répétitions, les équipes s’adaptent et maîtrisent leurs sentiments.
Cette pression, qui pervertit le talent du footballeur, peut aussi expliquer en partie pourquoi l’étude des Allemands Kocher, Lenz et Sutter présentait un rapport 53/47. La pression n’est tout simplement pas la même entre une finale de coupe du monde et un quart de finale de coupe du Luxembourg ! Empiler les données sans considérer que certaines sont plus importantes que d’autres pose problème.
Mettre sur un même pied d’égalité une compétition majeure, comme la Coupe du Monde ou la Ligue de Champions, et une compétition « mineure », comme la Coupe nationale d’Écosse, pose question. L’aspect émotionnel et l’importance du stress sont vraisemblablement dilués dans l’étude de Kocher, Lenz et Sutter.
D’ailleurs, la FIFA, connaissant ce débat, a décidé de réfléchir à un changement des règles. Dès 2017, le Board a en effet acté le début d’une expérimentation en modifiant les règles de passage, sur le modèle du tie-break en tennis.
Plutôt que de suivre un ordre simple entre les tireurs des deux équipes A et B, de type ABAB, une séance de tirs au but devrait se jouer sur le mode ABBA.
Selon le Times, l’International Board travaillerait actuellement sur une idée qui « révolutionnerait » la séance des tirs au but. Cette proposition aurait été surnommée « ABBA ».
En janvier dernier, Marco van Basten, responsable du développement technique de la Fifa, avait exposé ses idées pour transformer les tirs au but. « Chaque équipe aurait cinq essais.
L’objectif ? Remettre en cause l’avantage réel dont dispose l’équipe qui tire en premier.
Ignacio Palacios-Huerta, encore lui (on vous a dit que c’était un passionné), a testé cette règle, en reproduisant 200 séances de tirs au but sur l’ordre du tie-break. Conclusion ? Un avantage de 54/46 pour la première équipe (contre 61/39 pour l’ordre ABAB pour le même échantillon).
Pour l’économiste espagnol, c’est à la fois un résultat statistiquement significatif par rapport à la base de données et une faiblesse dans l’échantillonnage puisque trop peu de séances ont été réalisées. Mais c’est une avancée majeure.
L’International Board (IFAB), le garant des lois du jeu, a tenu sa 131e assemblée générale annuelle vendredi, à Wembley.« Les débats ont été marqués par l’adoption d’une nouvelle stratégie visant à utiliser les Lois du Jeu pour plus d’équité et pour le développement du football », explique le Board dans un communiqué.
La séance des tirs au but pourrait subir une évolution significative selon le Times. Mais l’English Football League, qui regroupe la Championship (D2), la League One (D3) et la League (D4) a bien annoncé, ce lundi, avoir accepté de jouer les cobayes pour l’expérimentation de la formule « ABBA » . Qu’est-ce que cet acronyme signifie ? Il s’agit en fait d’un inversement de l’ordre des tireurs lors des séances de penaltys.
Le principe est simple. Jusque-là, un tireur de chaque équipe se succédait dans cet exercice, selon l'ordre établi par le tirage au sort. Le modèle «ABBA» change la donne et permet à l'équipe ayant tiré en deuxième pour commencer, d'enchaîner un nouveau tir au but après son premier. Et ainsi de suite, tant qu'un vainqueur n'est pas désigné. Ce système de paires est censé ajouter une pression supplémentaire sur les joueurs et donc favoriser le suspense.
L’équipe A tire en premier, suivi d’une tentative de l’équipe B qui tire à son tour. Puis, c’est à l’équipe B de tirer à nouveau… et ainsi de suite.
Tir | Équipe |
---|---|
1er tir | Équipe A |
2e tir | Équipe B |
3e tir | Équipe B |
4e tir | Équipe A |
5e tir | Équipe A |
6e tir | Équipe B |
7e tir | Équipe B |
8e tir | Équipe A |
9e tir | Équipe A |
10e tir | Équipe B |
«Nous sommes ravis de jouer un rôle dans un développement important pour le football, s'est félicité Shaun Harvey, le patron de l'EFL. Selon l'IFAB (organe qui les lois du jeu à la FIFA), le système actuel offre un avantage potentiellement injuste à l'équipe qui tire en premier. Nous voulons voir si le nouveau système a impact sur l'un des problèmes les plus fréquents dans notre sport.»
La Football League (EFL), qui gère les championnats anglais de Championship (D2), League One (D3) et League Two (D3), a pris une décision importante, ce lundi : permettre l'utilisation de la nouvelle formule dite «ABBA» lors des séances de tirs au but. Soutenu par la Fédération internationale (FIFA), qui souhaiterait la développer à toutes les compétitions, ce nouveau système sera adopté en League Cup, mais aussi lors des play-offs de fin de saison.
L'Espagne championne d'Europe U17 - -L’équipe d’Espagne, finaliste l’an dernier, a remporté ce vendredi le championnat d’Europe des Nations des moins de 17 ans. En Croatie, la sélection espagnole a tenu l’Angleterre en échec avant de s’imposer aux tirs au but (2-2, 4 tab à 1).
Ces derniers ont ouvert le score grâce à Callum Hudson-Oi (18e). L’Espagne a répondu via Mateu Morey (38e). L’Angleterre a repris l’avantage avec un but de Phil Foden (58e), mais la sélection espagnole a arraché l’égalisation au bout du temps additionnel grâce à Nacho Diaz (80+6e, les matches se jouant en deux périodes de 40 minutes), entré en jeu quelques minutes plus tôt.
La séance des tirs au but a été l’occasion de tester un nouveau système. L’habituel schéma à tour de rôle "ABAB" (un tir anglais, un tir espagnol, un tir anglais, un tir espagnol…) a laissé place au schéma "ABBA" (un tir anglais, deux tirs espagnols, un tir anglais…) voulu par l’International Board, qui voulait tester cette façon de faire dont l’objectif est de moins favoriser l’équipe qui ouvre la séance.
Et cela n’a pas porté chance à l’Angleterre. Le premier tireur anglais et les deux premiers tireurs espagnols ont fait mouche. Mais le 4e tireur, l’Anglais Rihan Brewster (qui concluait la première série "ABBA"), a échoué sur le poteau. Son compatriote Joel Latibeaudiere, qui ouvrait la deuxième série "ABBA", a lui envoyé sa tentative dans les nuages. Les Espagnols Sergio Gomez et Victor Garcia, eux, n’ont pas tremblé pour offrir à l’Espagne la victoire (2-2, 4 tab à 1).
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