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Le fusil chronophotographique est un objet de transition entre la photographie et le cinématographe des frères Lumière.

L'Inspiration Derrière l'Invention

Le fusil chronophotographique n’est dû ni à un ingénieur, ni à un photographe, il est dû à Marey, un médecin physiologiste qui voyait dans la photographie un outil pour mieux appréhender les fonctionnements des organismes vivants. Il disait : « Je suis fasciné par le mouvement qui est le signe le plus apparent de la vie. Je voudrais tellement arriver à comprendre les mécanismes de plusieurs lois de la Nature. Je cherche tous les moyens de capter des traces visuelles de ces mouvements car je me méfie de nos sens dont la perception est trop lente et trop confuse. La trace reste, le mouvement s’en va. »

Fonctionnement et Évolution du Fusil

En 1882, le fusil de Marey est muni d’une chambre circulaire dans laquelle se trouve une plaque permettant de prendre douze images consécutives en une seconde. En 1888, il utilise une pellicule mobile, et, enfin, en 1890 une pellicule souple Kodak dans le cadre de l’observation du vol d’une cigogne. Cela permet de corréler la forme des structures impliquées avec le mode de déplacement.

Applications Scientifiques et Impact

Marey ouvre ainsi la voie à l’étude, par exemple, de la morphologie fonctionnelle : on comprend mieux le mode de déplacement des animaux et des humains grâce à la décomposition des étapes des mouvements. La chronophotographie permet également à Marey de contribuer à l’étude de la physiologie cardiaque et de la circulation sanguine… et bien d’autres sujets.

Ainsi en tant qu’objet de transition, le fusil chronophotographique est non seulement l’aïeul du cinématographe mais également un outil scientifique ayant permis de grandes avancées scientifiques.

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Les Pionniers de la Chronophotographie

Etienne-Jules Marey est un médecin et physiologiste français. Le deuxième est l’américain Eadweard Muybridge, photographe autodidacte. Deux hommes qui partagent aussi bien leur année de naissance : 1830, que celle de leur mort : 1904 ; mais surtout cette même passion pour la représentation du mouvement. Ils ont tous les deux contribué à l’élaboration de la chronophotographie. Cette technique photographique inventée par Muybridge consiste en une succession de clichés imprimés sur un même négatif. Ces photographies illustrent en une seule image, la décomposition du mouvement dans le temps.

Pour cela, Etienne-Jules Marey crée un dispositif photographique capable de prendre plusieurs clichés successifs : le fusil photographique. Les photos ainsi obtenues lui servent d’outil de recherche scientifique. Comment un chat fait-il pour retomber sur ses pattes ? Le cheval a-t-il les quatre fers en l’air lorsqu’il court ? Autant de questions auxquelles seuls les clichés de ces deux hommes ont pu apporter des réponses au XIXe siècle.

La Technique Photographique au Service de la Science

La technique de la photographie offre aux scientifiques des possibilités nouvelles. A partir des années 1870, le Français Etienne-Jules Marey (1830-1904) et dans son sillage l’Américain Eadweard Muybridge (1830-1904) se servent d’instantanés photographiques pour décomposer le mouvement des êtres vivants. En dissociant, en figeant, en analysant les poses successives de leurs modèles, les deux hommes peuvent capturer le détail des activités sportives ou des gestes de la vie courante. Par le biais de ces séquences rapprochées, ils obtiennent avec précision les images de ce qu’on ne peut percevoir à l’œil nu.

Marey, passionné par la locomotion humaine et animale, est l’inventeur en 1882 du fusil photographique et de la « chronophotographie », qui permettent de linéariser sur une même plaque le déplacement d’un sujet muni, pour les besoins de l’expérience, de plusieurs points réfléchissants sur les bras et les jambes. Comme ses films où se meuvent au ralenti chiens, chats, moutons et chevaux, les clichés d’un cavalier arabe, donnant par leur qualité une impression de fluidité, d’énergie et de vitesse, permettent de comprendre le fonctionnement de la « machine animale ».

Les sujets, en l’occurrence un athlète sautant à la perche et un cavalier franchissant un obstacle avec sa monture, déclenchent les appareils en passant devant. Le résultat est fascinant : ces photos, à la fois témoins fidèles et artifices pleins d’étrangeté (puisque offrant une vue totalement inhabituelle sur un geste ordinaire), établissent un pont entre la science et l’art.

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Influence sur l'Art et le Cinéma

Les travaux révolutionnaires de Marey et Muybridge ont eu immédiatement des applications. D’abord, ils ont eu une profonde influence sur des artistes comme Rodin, Bouguereau, Whistler, Eakins et Degas, lequel s’inspira de Marey pour peindre des danseuses dans diverses positions. On raconte que Meissonier, impressionné par la démonstration de Muybridge selon laquelle un cheval au galop n’a par moments aucun appui au sol, modifia certaines de ses scènes historiques. Au XXe siècle, les cubistes et les futuristes se plairont à décomposer le mouvement plus ou moins schématiquement.

En outre, Marey et Muybridge ont fortement contribué à l’invention du cinéma. Dans les années 1880, l’Américain organisa les premières projections cinématographiques en Europe, tandis que le Français, inventeur en 1892 du premier projecteur d’images animées, réussissait à filmer à grande vitesse, faisant défiler cent images par seconde.

Le Développement de la Technique Photographique

La technique de la photographie offre aux scientifiques des possibilités nouvelles. Ces appareils à l’origine de la méthode graphique, sont aussi dans la méthode photographique employés pour l’inscription du mouvement. Un autre Anglais, Charles Brooke, obtient par la photographie les courbes d’un mouvement variable.

Parallèlement la photographie « animée », lancée par Muybridge, devient de plus en plus utilisée grâce à des appareils perfectionnés comme la chambre dite automatique de Bertsch conçue dès 1860 mais qui n’a acquis une réelle utilité qu’avec l’utilisation du gélatino-bromure. Ces instruments, marquant l’évolution de la technique photographique, constituent, parmi d’autres modèles et variantes, ce que l’on a défini comme les appareils de type portatif ou de voyage. « Ces progrès se révélèrent fondamentaux dans la conquête de l’instantanée5. »

De plus, un nouvel élément va révolutionner les pratiques de la « prise de vues » et rendre possible la photographie en série. Le 18 décembre 1880, La Nature6 annonce l’arrivée du gélatino-bromure d’argent. Par ce procédé, non seulement la sensibilité des plaques est considérablement augmentée, mais en outre il est désormais possible de conserver la sensibilité par le dessèchement de l’émulsion au gélatino-bromure préalablement préparée, ce qui permettait de les préparer en grand nombre.

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Dès lors, la fabrication et le commerce des plaques vont se développer en France, comme dans d’autres pays européens et de l’autre côté de l’Atlantique (grâce aux industriels et techniciens comme Lumière, Guilleminot, Eastman, Blair, Monkhoeven, etc.). Le prix des supports devient de plus en plus modéré, leur manipulation plus facile et la qualité sans comparaison par rapport aux photographies au collodion : avec le gélatino-bromure on peut obtenir des couches sensibles impressionnables en quelques fractions de seconde, même à la lumière artificielle.

Cet ensemble d’éléments constitue, évidemment, une étape importante pour l’essor des expérimentations s’appuyant sur l’utilisation de ce support. Étape qui sera absolument cruciale et qui déclenchera une extraordinaire accélération des recherches dans la période comprise entre 1880 et 1895. Le nouveau procédé « est appelé à opérer une nouvelle transformation dans l’art de la photographie7 ».

Une fois les appareils modifiés et le support remplacé, il fallait, néanmoins, apporter des perfectionnements au niveau des systèmes d’obturation. Pour « mettre à profit les avantages de rapidité et de luminosité prodigués par les plaques sensibles et les optiques nouvelles, il était nécessaire de modifier mécaniquement l’appareillage photographique, de concevoir des obturateurs fiables et précis, dont le fonctionnement se devait d’être constant afin que le temps d’action de la lumière sur la préparation sensible puisse varier suivant l’intensité même de cette lumière8 ».

Le problème du temps de passage d’une image à l’autre va être central pour le développement des expérimentations sur le mouvement. Quelle cadence choisir afin de permettre la saisie des différentes phases du mouvement, nécessaires pour pouvoir ensuite représenter leur synthèse ? C’était la question que tous les pionniers du mouvement ont tenté de résoudre par des procédés plus ou moins adaptés : une horloge, un diapason, un miroir tournant. Marey recherchera longtemps la bonne équidistance entre les images, question qui ne sera réellement résolue qu’avec le film perforé Edison.

La Recherche de la Synthèse du Mouvement

Cependant, dans ces années-là, les recherches sur le mouvement en sont encore au stade purement expérimental. Il s’agit de plier la machine aux mécanismes de la connaissance humaine, de fractionner le temps en autant d’espaces qui se suivent les uns après les autres, imitant ainsi la mémoire de la rétine. Pour nos expérimentateurs, le problème se situait tant au niveau de la saisie du mouvement, que sur le plan de sa recomposition et de sa synthèse : d’une part quels intervalles utiliser pour adapter le temps d’obturation de la machine à la durée des impressions sur la rétine et arriver donc à un déclenchement de façon intermittente des arrêts pour l’enregistrement de chaque phase sur le support sensible ; d’autre part comment éviter le mouvement saccadé au moment de sa synthèse ?

Muybridge, comme d’autres après lui (Londe et Le Prince utiliseront plusieurs objectifs), résout le problème du déclenchement en série, en contournant l’obstacle : il utilisa une batterie d’appareils, dont l’obturateur était déclenché par le mouvement de l’animal lui-même9. Quant à Marey, c’est entre 1881 et 1882 qu’il trouve lui-même une solution : « Je conçus alors le projet de construire un appareil en forme de fusil permettant de viser et de suivre dans l’espace un oiseau qui vole pendant qu’une glace tournante recevait une série d’images montrant les attitudes successives des ailes10. » Il fit construire un instrument en forme du fusil, dans lequel l’objectif était placé dans le canon.

Les Interférences avec l'Acoustique

Les solutions apportées par Marey à son premier appareil de déclenchement d’images en série, ont déjà été amplement retracées. Ce qu’il faut souligner ici, c’est - encore une fois - les interférences entre ces recherches de Marey et celles parallèles sur l’acoustique.

Marey sera toujours attentif à toutes les recherches sur l’inscription du son, il suffit de lire ses écrits entre 1877 et 1894 pour y constater la présence de plusieurs chapitres entièrement consacrés au sujet.

L'Importance de l'Image Isolée

C’est cette image réelle, soustraite à l’effet de l’illusion du mouvement continu, qui intéressera Marey jusqu’à la fin. Toutes ses expérimentations sont guidées par la quête de cette image, produite à travers sa dissociation de l’ensemble du mouvement et qui, ne subissant pas les interférences des images qui composent ce même mouvement, peut être analysée isolément. Cette démarche s’oppose exactement à la synthèse recherchée par les instruments d’illusion optique et résolue magistralement avec le cinématographe.

Néanmoins les procédés techniques mis au point par Marey déterminent, indépendamment d’eux, l’évolution ultérieure qui aboutira à l’invention du cinématographe. La lignée technique que nous sommes en train d’analyser se constitue donc, année après année, presque en dépit des approches et des hypothèses scientifiques que chaque protagoniste vise à démontrer. Les recherches sur la chronophotographie font partie intégrante de cet ensemble.

Espace, Temps et Mouvement

Les limites du fusil photographique ne découragent pas Marey, au contraire il est de plus en plus convaincu de l’apport indispensable de la photographie pour ses recherches sur le mouvement. Pour donner libre cours à ses expérimentations il lui faut plus d’espace, un laboratoire d’une nouvelle conception, car « ce n’est pas dans les laboratoires ordinaires de physiologie qu’on peut étudier les mouvements d’un oiseau qui vole, d’un cheval lancé au galop, ni même ceux d’un homme qui marche, court ou se livre à quelque autre exercice musculaire19 ».

L’utilisation de grands espaces étudiés et rationalisés pour la recherche est cruciale pour cette période de l’histoire des sciences appliquées qui marque la transition définitive du cabinet scientifique au laboratoire, voire à la station. Le 8 septembre 1883, La Nature20 ouvre ses colonnes à la description de deux nouveaux laboratoires : la « Station zoologique volante » hollandaise et la « Station physiologique » de Paris. Ce dernier laboratoire « d’une nouvelle conception » est présenté aux lecteurs par un article signé de Marey.

Étienne-Jules Marey étudie le mouvement dès ses débuts en médecine : il rédige sa thèse sur la circulation sanguine, puis un essai sur les mouvements du cœur et de la respiration, avant de donner des cours sur les influx nerveux. En 1869, nommé professeur au Collège de France, il publie plusieurs articles sur le vol des oiseaux et des insectes. En 1873, dans son essai La Machine animale, locomotion terrestre et aérienne, il avance notamment l’idée que, contrairement à ce qui a toujours été représenté en peinture, les chevaux au galop n’ont jamais simultanément les quatre fers en l’air.

Marey, qui plus jeune voulait être ingénieur plutôt que médecin, invente régulièrement de nouveaux dispositifs, tels que le sphygmographe, les insectes artificiels ou les chaussures exploratrices, pour mettre ses postulats à l’épreuve. En 1881, Marey rencontre Muybridge. Dès lors, la photographie devient son instrument principal pour l’étude graphique du mouvement. En 1882, pour observer des oiseaux en vol, le scientifique invente un fusil photographique, qui prend douze images par seconde avec un temps de pose d’1/720e de seconde sur une plaque en verre photosensible circulaire.

Avec l’aide de son assistant Georges Demenÿ, Marey fait évoluer son invention au fil des années et publie régulièrement ses découvertes. En 1889, il adapte son fusil chronophotographique pour passer de la plaque photosensible à la pellicule souple.

Marey s’intéresse principalement à la locomotion humaine car la Station physiologique qu’il bâtit avec Demenÿ au Parc des Princes, près de Paris, est subventionnée par l’État pour analyser la biomécanique de l’homme dans le but d’améliorer l’entraînement des soldats après la défaite de la France dans la guerre de 1870. Cependant, Marey continue d’étudier les animaux.

Tout l’enjeu de la méthode graphique défendue par Marey est de croiser les résultats obtenus pour opérer des déductions. En enregistrant les images de plusieurs espèces, le scientifique effectue également des études comparées, qui lui permettent notamment de dégager les liens entre les formes d’un organe et les particularités de ses fonctions.

Ainsi, « dans un coup d’aile que l’œil n’a pas le temps de saisir, l’appareil détermine, avec une précision parfaite, plus de vingt phases successives, passant de l’une à l’autre par transitions presque insensibles ». En comparant les données recueillies sur de nombreuses espèces d’oiseaux, il peut conclure en 1887, que tous les oiseaux utilisent leurs ailes d’une façon similaire.

Chronophotographie : Analyse du mouvement

Décomposé à l’aide de plusieurs photographies.

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