Ces comédiens ont fait pleurer de rire la France entière... et aux registres différents. Retour sur un duo exceptionnel.
Le retour du général de Gaulle entraîne un regain d’intérêt pour celle-ci, la Seconde Guerre mondiale. En 1970, s’ouvre une période de remise en cause du mythe de la France unie et résistante qui prévalait jusqu’alors. Apparaît également un intérêt nouveau pour les aspects méconnus de la Résistance: la mémoire juive, l’action des étrangers, le rôle des femmes, les excès de la Libération.
La Grande vadrouille, comédie au succès public phénoménal (Bourvil et de Funès n’y sont pas pour rien) inverse les codes. Elle abandonne le registre épique ou dramatique sans pour autant transgresser l’image convenue de la France unie et résistante. Apparaît ici de manière éclatante un personnage déjà entrevu (Babette s’en va-t’en guerre, Christian-Jaque1959) et promis à un bel avenir, celui du « héros malgré lui ».
Avec ses 17 267 000 spectateurs, La Grande Vadrouille, sorti en décembre 1966, a longtemps été le numéro 1 du box-office français. Il faudra attendre 1998, et les 21 774 181 entrées de Titanic, de James Cameron, pour que le record soit battu. Deux ans après le triomphe du Corniaud (plus gros succès français de l'année 1965), Gérard Oury reformera le duo Bourvil-De Funès. Les deux comédiens avaient d'ailleurs partagé une même affiche dans Poisson d'avril (1954), Les Hussards (1955) et La Traversée de Paris (1956).
La Grande Vadrouille marque les débuts de Danièle Thompson, la fille de Gérard Oury, comme scénariste. Par la suite, elle coécrira tous les films de son père jusqu'à Vanille fraise, en 1989.
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L'histoire de Bourvil, c'est celle d'un petit garçon né dans une ferme normande. Il a cet esprit paysan. Il a joué au niais, il a joué au con et, disons-le, il savait qu'il y avait une place à prendre. Il se voulait chanteur, il se voulait acteur. Les champs normands, trop peu pour lui, pas fermier pour un sou. À 20 ans, son idole est Fernandel. Le Méridional chante Ignace, le Normand qu'il est essaie de le confondre. Bourvil était né pour faire rire. Dès qu'il ouvrait son bec, des crampes dans le public. Son air benêt a fait sa fortune.
Sous l'occupation, il vivait de "petits boulots". En 1941, il participe à un concours de chant à la ville normande à laquelle il était attachée, avec deux chansons. Cela lui apporta un honnête succès. À l'Alhambra et "La Route Fleurie" à l'ABC, il a son compte celui-là, aujourdhui !.
De plus, les dialogues sont signés Michel Audiard. Bourvil, il n'a plus de tournage avant le mois de mai 1955. On retrouvera Bourvil une décennie plus tard. On peut dire que le jeu de Georges Wilson n'est pas déplaisant.
Le Normand ayant manié la faux et la charrue, frappait fort et sec. Il était plus gentil, il prenait tout bien, il faisait confiance aux gens. Bourvil était râleur, n'emmerdant personne sur un plateau, très agréable avec ses partenaires.
Louis de Funès apparaît dans "Pas si bête" en 1946. En 1949, il joue dans "La Marie du Port" sous la direction de Henri-Georges Clouzot. Puis, il rencontre Roger Pierre et connaît un succès retentissant. Il devient une vedette et voit rapidement son nom inscrit au sommet de l'affiche.
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Plus souvent, le rôle qu'il a progressivement confectionné sur scène lui colle à la peau. Grangier, qu'il connait depuis plusieurs années déjà, lui offre un rôle ! De Funès est aussi présent dans "Poisson d'Avril".
Le courant ne passe pas avec Robert Dorfmann, le producteur de "La Cuisine au Beurre". Oury connaît l'acteur Oury depuis de nombreuses années. Oury pense que "ce serait plus drôle car jouée par lui".
Le tournage de "La Cuisine au Beurre" ne se déroule pourtant pas comme prévu. Il commence un mois trop tard, le 1er septembre au lieu du 1er août. Le ciel noircit et tombe sur la tête des Gaullois en vadrouille. Il pleut, nous sommes vaincus par la tempête, il y a une panne d'électricité totale.
Les prises deviennent inutilisables. Le tournage reprend en début d'après-midi. La production craint d'être dévoré par son partenaire. Le nom de de Funès figurera également en haut de l'affiche. Le budget est grevé de 400 000 de francs au lieu de 350 000.
Le récit du tournage semble contredire les propos du réalisateur. Bourvil apparait bien plus que lui à l'écran. Il parlait de tout avec Bourvil. Bien sûr, je lui ai expliqué ensuite que c'était une blague. Pendant le tournage, les deux acteurs sont très complices.
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Les recettes de la B.O signée Georges Delerue s'avèrent payantes. Le film attire 11 740 000 spectateurs, devenant ainsi n°1 au box-office en 1965. Le film partage le titre et de deux personnages. Il n'y aura pas de Corniaud 2, pas plus aux Etats-Unis qu'en France.
Après "Le Corniaud", les deux acteurs n'ont cessé de tourner. Bourvil apparaît dans quatre films. De Funès, lui, se focalise sur les scènes de Bourvil. Il ne passait pas ses journées à faire rire, pensait à ses gags et était beaucoup plus concentré. Allaient-ils faire rire ou non ?
Le tournage de "La Grande Vadrouille" fut très long et demanda énormément d'argent. Les deux acteurs partagent un même lit. La sortie du film en 1966 marque l'apogée de sa carrière. En 1966, le film devient numéro 1 au box-office français. Il est dépassé par "Bienvenue chez les Ch'tis" de Dany Boon en avril 2008. Le film reçoit le prix de la "meilleure comédie étrangère" aux Oscars du cinéma en Allemagne en 1967.
La relation avec Oury reste fondamentale pour de Funès. Oury peut sereinement envisager un troisième film avec de Funès. Bourvil commence à souffrir d'un kyste qui le gène derrière l'oreille. Les médecins ne s'y trompent pas : Bourvil est atteint d'un cancer. Il ressent en son corps un rhumatisme ou une arthrose, précipitant sa disparition. Il s'agit en réalité d'une décalcification osseuse de la colonne vertébrale.
Bourvil s'éteint le 22 septembre 1970. Oury décide d'abandonner le projet qu'il juge inconcevable sans son ami. Les producteurs proposent d'adapter le rôle de Bourvil à Yves Montand.
Ils ont donné le coup de pouce nécessaire. C'est important dans une carrière. Ils ont aidé et je leur dois énormément. Je ne suis pas taciturne non plus. C'est un fameux héritage, que nous partagons entre cinquante millions de Français.
Les deux acteurs portaient au plus profond d'eux-mêmes des valeurs nobles : le jardinage et la passion de la nature. Bourvil a perpétué l'ensemble des valeurs acquises depuis des générations. Ils trouvaient repos, bonheur, bien être et inspiration dans les choses simples. Ils se sentaient véritablement hommes au contact de la nature. De Funès aimait offrir une variété de roses... !
En janvier 1976, un hommage est rendu aux deux acteurs sur la première chaîne française. Bourvil et de Funès resteront un binôme irrésistible et inoubliable...
Film | Année | Entrées |
---|---|---|
La Grande Vadrouille | 1966 | 17 267 000 |
Titanic | 1998 | 21 774 181 |
Bienvenue chez les Ch'tis | 2008 | >20 000 000 |
tags: #tireur #grande #vadrouille #histoire #vraie