En moins de dix ans, le niveau des biathlètes a augmenté de façon spectaculaire, atteignant des records de vitesse et de précision. Une véritable course à l'innovation est lancée, où chaque dixième de seconde gagnée peut faire la différence. L'hiver actuel met en lumière les difficultés des biathlètes allemands au stand de tir, contrastant avec l'ingéniosité de certains Norvégiens.
C'est ici qu'intervient la révolution incarnée par Sturla Holm Laegreid et, plus particulièrement, Martin Uldal. Ces biathlètes norvégiens surprennent par une technique de tir innovante, leur permettant d'être beaucoup plus rapides sur le premier tir. Au lieu d'une longue portée avec le bras droit au-dessus de la tête pour saisir l'arme dans le dos, Laegreid et Uldal saisissent soudainement leur fusil par le bas avec leur gauche et le tirent rapidement vers l’avant.
La rapidité d'Uldal est devenue virale après une séance de tir debout à Hochfilzen où il a quitté le stand après seulement 12,9 secondes (avec une erreur). Pour mettre les choses en perspective, il avait terminé son tir alors que Sebastian Samuelsson, champion olympique suédois arrivé avant lui, venait à peine de tirer son premier coup. L'IBU elle-même a suggéré qu'il pourrait s'agir du tir le plus rapide jamais réalisé. Même Johannes Boe a qualifié cette performance de potentiellement record du monde. Généralement, un biathlète est considéré comme extrêmement rapide s'il effectue l'ensemble du processus de tir (les cinq coups) en moins de 20 secondes.
Martin Uldal, âgé de 23 ans, est au centre de cette révolution. Sa victoire au sprint du Grand-Bornand témoigne de son potentiel. Il a devancé Johannes Boe d'une infime seconde, prouvant que sa technique peut être couronnée de succès. Uldal lui-même a exprimé sa surprise face à sa victoire, reconnaissant qu'il pensait initialement viser un top 6. Sa performance à Hochfilzen, où il a réalisé un 4/5 en moins de 13 secondes lors du dernier tir debout, a mis en lumière sa vitesse exceptionnelle. Il a choisi les Mondiaux pour y parvenir. Deux mois après avoir réussi un 4/5 en moins de 13 secondes à Hochfilzen, le Norvégien a cette fois-ci blanchi toutes les cibles lors du deuxième tir debout de la poursuite de Lenzerheide, en seulement 14"7.
Uldal a une façon particulière de descendre la carabine de son dos. Une technique qui lui permet de gagner quatre à cinq secondes sur tous ses adversaires. Ce dimanche, il était prêt aussi rapidement que d'habitude mais a lâché ses cinq balles en cinq secondes.
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Pour pouvoir adopter cette routine unique sur le circuit, Uldal a aussi fait appel à 3D Athletics, entreprise spécialisée dans la conception de matériel sportif dont le directeur n'est autre que Clément Jacquelin, frère d'Émilien. Il a également collaboré avec Athletics 3D pour adapter sa carabine, optimisant ainsi ses manipulations et l'intégration des chargeurs. Clément Jacquelin, le dirigeant d'Athletics 3D, explique que le design de la carabine d'Uldal vise à minimiser la prise au vent et à gagner du temps sur la manipulation du chargeur.
Le Norvégien a ainsi pu adapter certaines pièces de sa carabine afin d'optimiser certaines manipulations, notamment l'intégration des chargeurs. Pour cela, Uldal a tout changé. À commencer par son installation sur le pas de tir. "Il fait passer sa carabine sous son bras, et non pas par-dessus, détaille notre consultant Loïs Habert. Ensuite, il tient sa carabine en l'air avec la main droite et y intègre les chargeurs avec la main gauche. Et c'est comme cela qu'il parvient à lâcher sa première balle avant les autres."
Cette approche novatrice soulève des questions sur la prise de risque. L'équipe allemande, traditionnellement axée sur la précision, se retrouve face à un dilemme. Le Slovène avait déjà introduit le concept de "tir à risque", affirmant qu'un biathlète moderne doit privilégier un tir rapide, un risque total et une attaque complète. Un changement radical est-il possible ou souhaitable ? Les processus de tir sont répétés des centaines de fois, et toute modification comporte des risques et nécessite du temps. Cependant, cette volonté de prendre des risques pourrait faire toute la différence dans un sport où chaque fraction de seconde compte.
La vitesse est plus souvent un ennemi de la réussite et pour les meilleurs biathlètes du monde, blanchir un maximum de cibles est plus important que de grappiller quelques secondes sur l'installation. "Le défi, ce serait qu'il arrive à nous battre sur un dernier tir où ça compte", a lancé le Français actuellement classé quatrième au classement général de la Coupe du monde. Uldal a en effet privilégié sa méthode lors de tirs avec moins d'enjeux.
La technique d'Uldal pourrait-elle devenir la nouvelle norme dans le biathlon ? Si certains concurrents observent attentivement, peu semblent prêts à l'adopter immédiatement. Loïs Habert souligne que la manière dont Uldal tient sa carabine peut entraîner des crispations, alors que le relâchement est généralement privilégié. De plus, il est essentiel d'évaluer l'impact global de cette technique, et pas seulement le temps de tir.
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Éric Perrot, tout en reconnaissant la rivalité amicale avec Uldal, souligne que la vitesse ne doit pas se faire au détriment de la précision. Il souligne que "le défi, ce serait qu'il arrive à nous battre sur un dernier tir où ça compte". Ce, même si la technique pourrait aussi avoir un impact psychologique lors des tirs en confrontation.
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