Avec Tir groupé (1982), Jean-Claude Missiaen signe un polar français qui rend hommage au genre tout en évitant les écueils du manichéisme.
Carine, après un dîner avec son ami Antoine, est sauvagement agressée dans le train de banlieue par trois jeunes délinquants, menant à sa mort. L’inspecteur Gagnon est chargé de l’enquête, tandis qu’Antoine sombre dans le désespoir.
Jean-Claude Missiaen, critique et attaché de presse, passe à la réalisation avec ce film, reprenant la figure du justicier popularisée par Charles Bronson. Il injecte une dose de violence brute, rappelant des scènes marquantes comme celle de La bête tue de sang-froid. Le film est dédié à Jean Gabin, soulignant l'hommage au cinéma policier français.
Paris est un personnage à part entière, avec des scènes tournées dans différents quartiers, des lieux touristiques comme Montmartre aux zones plus sordides comme Barbès. L'effet carte postale voulu tranche avec l'action plus sombre.
Missiaen oppose deux générations d’acteurs : Gérard Lanvin, fougueux, et Michel Constantin, incarnant un policier classique dépassé par la nouvelle criminalité. Le vieux briscard oppose le code d’honneur des anciens mafieux à la folie de la jeune délinquance.
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Le script de Missiaen parvient à faire croire qu’il suit le sentier balisé de la série noire pour mieux en dévier le cours. Certes, Gérard Lanvin finit par accomplir sa mission, mais son geste n’a rien d’héroïque ou de chevaleresque. Il conclut au contraire une odyssée déplorable où seule la violence a droit de cité. Le constat est finalement plus amer qu’autre chose.
Jean-Claude Missiaen évite donc le piège du film à connotation fasciste, tout en signant une œuvre carrée et resserrée comme seule la série B est capable d’offrir.
Le réalisateur s’appuie sur le charisme de Gérard Lanvin, parfait en jeune chien fou, qui trouvait là son premier vrai grand rôle en tant que vedette à part entière. Si l’acteur était déjà apparu dans des œuvres importantes comme Une semaine de vacances, Le choix des armes et Une étrange affaire, il était toujours soutenu par une grande star en haut de l’affiche. Dans Tir groupé, il porte bien l’intégralité du film sur ses jeunes épaules, étant quasiment de tous les plans, si l’on exclut ceux de l’agression initiale. Il est ici secondé par la douce Véronique Jannot qui n’a malheureusement qu’un rôle très court à défendre. Parmi les agresseurs, on remarque une fois de plus le charisme de Roland Blanche, mais aussi des plus jeunes Jean-Roger Milo et Dominique Pinon.
Antoine (Gérard Lanvin), fripier aux puces de Clignancourt, rencontre sur son lieu de travail Carine (Véronique Jannot), vendeuse dans une parfumerie de luxe, venue lui acheter un blouson. Très vite ils vivent une relation amoureuse passionnée. Un soir, alors qu’Antoine doit laisser Carine rentrer par le train de banlieue chez ses parents à Enghien, il lui offre un camée en gage d’amour. Au cours de son voyage, devant des témoins médusés mais incapables de réagir, Carine est sauvagement agressée par trois loubards fous furieux ; elle ne réchappera pas à cette extrême brutalité et son père la retrouve morte à l’arrivée. Les trois voyous parviennent à s’enfuir. Antoine est anéanti par cette perte !
Stagiaire au théâtre puis journaliste et attaché de presse très apprécié, Jean-Claude Missiaen, qui nous a quitté en 2024, était également un grand cinéphile qui avait baigné dans le cinéma américain des années 40 et 50, notamment le western et le film noir, genres qu’il connaissait par cœur et auxquels il parsème son film d’hommages, notamment l’affiche de Vera Cruz qui trône dans le logement d’Antoine. Pas étonnant qu’en passant derrière la caméra il ait voulu témoigné son admiration pour ces films qui avaient illuminé sa jeunesse ainsi que pour les films policiers français puisque son premier long métrage est dédié à Jean Gabin.
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On a souvent à l’époque voulu associer Tir Groupé à cette vague de 'Revenge Movie' qui avait trouvé son apogée aux USA avec la franchise des Death Wish initiée par Michael Winner avec Charles Bronson dans le rôle de celui qui, devant l'impuissance des institutions avait décidé d'être lui-même juge, jury et bourreau. Or c’est plutôt à Anthony Mann (Les Affameurs) et Fritz Lang (The Big Heat ; Rancho Notorious) à qui Missiaen se référait en écrivant cette histoire de vengeance tirée de faits réels, celle d’un homme aveuglé par la haine qui décide de faire justice lui-même en tuant les voyous ayant assassiné sa compagne.
Il en va de même pour l’essai réussi de Missiaen, assez nuancé même si beaucoup de critiques de l’époque ont voulu mettre en avant le contraire. Missiaen essaie de nous immerger dans la peau d’un homme complètement anéanti par la perte d’un être cher sans qui il s’imagine mal continuer à vivre heureux, et de nous faire comprendre ses réactions que par ailleurs il n’excuse pas. Comme il le dit lui-même lors d’un entretien que l’on retrouve sur le Blu-ray de la collection Nos années 80 édité par Studiocanal, il s’interdit toute glorification de l'auto justice, cherchant juste à comprendre les motivations d'Antoine, le désir viscéral de se faire justice et le point de non-retour dans lequel il s’engouffre, son geste final n’ayant rien de chevaleresque ou d'héroïque, au contraire constituant un amer point d’orgue à une odyssée désolante où seule la violence aura eu droit de cité. Dommage que les producteurs n’aient pas voulu conserver la fin souhaitée par Missiaen qui était beaucoup plus limpide à ce propos ; final que l’on peut en revanche découvrir en bonus au sein du même Blu-ray.
Dans le rôle d’Antoine, à la fois fort et vulnérable, un Gérard Lanvin à qui le film permettra de prendre son envol en tant que tête d’affiche même s’il s’était déjà fait remarquer à quelques reprises, outre son fameux chevalier blanc dans Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine de Coluche, déjà mémorable dans Une semaine de vacances de Bertrand Tavernier ou Une Étrange affaire de Pierre Granier-Deferre, des rôles alors assez introvertis.
Si le schéma du film s’avère simple (parfois simpliste) et linéaire (ponctué cependant de flashbacks romantiques), si les personnages sont dessinés à grands traits, Tir Groupé s'est toujours voulu avant tout un exercice de style respectant des codes bien identifiables et au sein duquel sont invoqués nombre de films avec quelques références et clins d’œil qui parfois n’aboutissent qu’à des séquences graphiques moyennement convaincantes et notamment celles rappelant Orange mécanique avec ombres chinoises un peu grossières lors de scènes de violence, que ce soit le coupage d’un doigt dans les couloirs du métro ou la casse de voitures vers le canal St Martin.
Hormis ces quelques fautes de goûts, la mise en scène de Missiaen s’avère très efficace que ce soit dans les moments bruts ou au contraire romantiques. Son ami Michel Constantin dans la peau d’un commissaire désabusé, plus très en phase avec son époque, permet de rendre hommage au polar français. Quant à Véronique Jannot qui cartonnait alors à la télévision dans la peau de Joëlle Mazart, elle s’avère assez convaincante, les affectueuses relations qu’elle eut avec son partenaire sur le tournage se ressentant à l’écran. Le cinéaste les ayant ainsi laisser improviser une bonne partie de leurs scènes, ces dernières se révèlent d’une grande justesse d’autant plus aussi qu'avant de devenir comédien, Gérard Lanvin, comme Antoine, fut vraiment fripier aux puces de Clignancourt, et ayant toujours dit que ce personnage lui ressemblait beaucoup.
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Remarquablement aidé par une superbe photographie de Pierre-William Glenn, celui-là même qui a encouragé Missiaen à passer derrière la caméra, par une excellente utilisation des décors urbains, que ce soit ceux du Paris pittoresque ou moderne voire de la périphérie (la tuerie finale de Saint Denis par exemple), ainsi que par une très belle bande originale jazzy de Hubert Rostaing (qui prend même des accents à la John Barry lors du générique de début), Tir Groupé est un polar aussi brutal que romantique (la superbe ballade nocturne à Beaubourg), carré et sans fioritures, qui s’avère également à postériori un intéressant document sur une époque au cours de laquelle l’insécurité croissante dans les grandes villes commençait déjà à s’inviter dans le débat, en même temps qu'une peinture du Paris by Night des 80's gangrenée par une montée de la violence et l’apparition d’une nouvelle criminalité que l’inspecteur a encore du mal à cerner.
Sorti en septembre 1982, Tir groupé a rencontré un joli écho en salles avec 1 344 411 spectateurs sur tout le territoire. Une très belle performance qui a ouvert bien des portes au réalisateur et a confirmé le potentiel commercial de Gérard Lanvin.
Malgré très peu de moyens techniques et financiers, en à peine 30 jours de tournage, le réalisateur nous délivre une série B efficace et dégraissée qui ne s’embarrasse pas de psychologie, un solide et âpre western urbain assez stylisé qui obtint trois nominations aux Césars et qui fit un carton au box-office.
Tir Groupé ne doit pas être réduit à sa célèbre séquence d’agression dans le train véritablement impressionnante et sordide ; il mérite d’être redécouvert en oubliant les polémiques qui ont entouré sa sortie et qui n’étaient peut-être pas légitimes.
Pour son premier long-mètrage derrière la camèra dont il signe ègalement le scènario, Jean-Claude Messiaen multiplie avec ce "Tir groupè" les sèquences marquantes! En effet, personne n'oubliera la scène by night du train de banlieue opposant l'èmouvante Vèronique Jannot aux loubards Roland Blanche, Jean-Roger Milo et Dominique Pinon ou ce regard que porte Gèrard Lanvin à Michel Constantin dans le final! Avec son sens de la ville et de ... l'approche artistique est consubstantiellement enrichie par leur connaissance historique et encyclopédique du 7ème art. A l'orée des années 1980, il accède à la mise en ...
Année de sortie | Nombre de spectateurs |
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1982 | 1 344 411 |
tags: #tir #groupé #dvd #technique