Dans un coin reculé des Landes, coincé entre pins et plages, s’étale un site dont on parle peu, et dont les voisins savent qu’il vaut mieux ne pas trop s’approcher : la DGA Essais de missiles, à Biscarrosse. Sur le papier, c’est un "centre d’essais techniques", ce qui sonne presque administratif. Créé dans les années 1960, au moment où la France s’équipait de sa propre dissuasion nucléaire, ce centre dépend aujourd’hui de la Direction générale de l’armement (DGA).
DGA Essais de missiles est implanté à Saint-Médard-en-Jalles (33), Biscarrosse (40) et Toulon (83). Placé sous l’autorité de la Direction Technique de la Direction Générale de l’Armement (DGA), DGA Essais de missiles, avec ses 3 sites, réalise des essais en vol de missiles stratégiques, des essais de systèmes d’armes instrumentés (missiles, torpilles, drones, …) des essais de sousensembles de missiles en milieux aérien, terrestre, marin et sous-marin.
Il ne se contente pas de vérifier que les missiles volent droit. On y teste tout : missiles balistiques, tactiques, systèmes embarqués. Le site s’étend sur plus de 15 000 ha entre Biscarrosse Plage et Mimizan, l’équivalent d’une petite ville effacée de la carte pour laisser place à des pas de tir, des radars, des antennes, et quelques abris pour ingénieurs bien concentrés. Derrière le rideau de pins, ce centre possède un arsenal d’infrastructures unique en Europe.
Afin de mettre en commun les compétences des meilleurs experts dans le domaine balistique, le CEL a fusionné en 2005 avec le Centre d’essais de Méditerranée, installé près de Toulon dans le Var, donnant ainsi naissance au Centre d’essais des Landes Méditerranée (CELM). Complété par un troisième site en Gironde, le CELM fait partie depuis le 1er janvier 2010 de la DGA (Direction générale de l’armement) Essais de missile.
Les essais et expertises interviennent durant toutes les phases de vie des programmes d’armements : des études amont, développements, qualifications, évaluation de la durée d’emploi en conditions opérationnelles jusqu’au retrait de service. Le site Landes de DGA Essais de missiles permet aussi l’entraînement des forces armées avec des tirs réels de missiles sur des cibles représentant une menace, et dans un environnement totalement sécurisé, réaliste ou simulé. Le site de Biscarrosse dispose de moyens fixes de trajectographie, d’observations optiques et optroniques, de télémesures et de télé-neutralisation, des moyens d’essais et de mesures mobiles. Les stations de mesures du site Landes couvrent la façade Atlantique et sont complétées par le bâtiment d’essais et de mesures MONGE pour des essais longue portée.
Lire aussi: Missile chinois et Polynésie
Ce samedi 18 novembre, en début de soirée, le premier tir d’essai d'un missile balistique stratégique M51.3 a été vu dans les Landes, non sans créer beaucoup de réactions. Le ministère des Armées tout comme son ministre Sébastien Lecornu, ont annoncé ce samedi 18 novembre le « premier tir d’essai réussi du missile balistique stratégique M51.3 » depuis la DGA Essais de missiles de la base de Biscarrosse dans les Landes.
Peu après 19h, une boule lumineuse a été aperçue dans le ciel des Landes, mais aussi en Gironde, selon plusieurs témoignages sur les réseaux sociaux. Une longue traînée blanche a été aperçue dans le ciel de la Nouvelle Aquitaine, dans la soirée de ce samedi 19 novembre. Le tir du missile balistique 51.3 du ministère des Armées, depuis Biscarrosse, a inquiété une partie de la population ce samedi 18 novembre 2023. Les images sont impressionnantes. Alors que la nuit venait de tomber sur la Nouvelle-Aquitaine, de nombreuses personnes se sont interrogées sur l’origine d’un surprenant faisceau lumineux, visible jusqu’en Italie. Il s’agissait en fait d’un tir de missile balistique stratégique M51.3 opéré par des militaires depuis une base de l’armée française située à Biscarrosse : le Centre d’essais des Landes (CEL).
Face à la menace grandissante des missiles hypersoniques, le ministère des Armées a lancé la modernisation de notre défense sol-air. C’est un premier pas important qui a été franchi, ce mardi midi dans les Landes, pour l’avenir de la défense sol-air française. À Biscarrosse, le centre de la Direction générale pour l’armement (DGA) Essais de missiles avait rendez-vous avec l’opération Mercure, soit le premier tir d’essai du système de défense antiaérienne SAMP-T de nouvelle génération. Un test majeur pour cet ambitieux programme d’armement franco-italien que Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, a suivi en direct depuis la salle de commande de ce site où sont également supervisés les tirs de développement du missile M51, le missile de la dissuasion nucléaire.
Dans le détail, la manœuvre du jour s’est articulée autour d’un lanceur de missiles et de son radar. Lesquels étaient installés à bonne distance sur la plage qui borde le centre d’essais. Pour l’occasion, une zone de 50 km sur 200 km avait été neutralisée et interdite à toute navigation aérienne et maritime. Aux alentours de 12 h 15, la DGA a lancé le compte à rebours. Et envoyé deux cibles dans les airs, selon un scénario de menace présenté comme « opérationnel ». En quelques secondes, le temps d’apercevoir, sur grand écran, la flamme du missile quitter son lanceur et la cible était détruite, concluant une séquence qui a demandé plusieurs mois de préparation et la mobilisation de quelque 150 personnes. Au-delà de cette interception réussie, ce sont surtout ces quelques secondes de vol, à la vitesse vertigineuse de Mach 4,5, que les analystes de la DGA vont désormais décortiquer afin de poursuivre leur développement.
Surtout, cette arme illustre les enjeux du moment, comme il l’a rappelé : « Si on met beaucoup d’argent pour moderniser notre défense sol-air, c’est parce que de grands pays comme la Corée du Nord, l’Iran ou la Fédération de Russie mettent, eux, beaucoup de moyens pour moderniser leurs systèmes agressifs, avec des missiles longue portée plus rapides, parfois plus furtifs et avec des capacités de distance beaucoup plus grandes. »
Lire aussi: Analyse des spécifications des missiles balistiques russes
C’est à cette menace des missiles hypersoniques que le SAMP-T de nouvelle génération doit répondre : « Ce qu’on jouait ce mardi, c’était de tenir le calendrier », appuyait le ministre des Armées. Les premières livraisons au profit de l’armée de l’air devraient donc avoir lieu courant 2026. Au total, 12 systèmes ont été commandés. Et le ministre des Armées est convaincu de leur potentiel à l’export : « La plupart des pays européens ont dû acheter américain pour protéger leur ciel.
Toujours selon cette fiche de présentation, le premier essai de missile tactique menée depuis la région landaise a eu lieu en mars 1964. « Six décennies plus tard, 9 000 essais ont été réalisés sur le site de Biscarrosse », apprend-on également. Le missile tiré ce samedi peut en effet contenir jusqu’à dix charges nucléaires en même temps, pour viser différentes zones.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’armée française, qui souhaite développer son arsenal militaire, décide de tirer pleinement parti de l’immensité du territoire algérien, sur lequel elle est implantée depuis 1830. Mais les Accords d’Évian, signés le 18 mars 1962 par les représentants du gouvernement français et du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), sonnent la fin des expérimentations françaises dans le Sahara. L’armée française peut continuer d’utiliser ses bases militaires jusqu’en 1967, date à laquelle elle devra quitter le territoire algérien.
Anticipant la fermeture de leurs bases militaires dans le Sahara, les autorités militaires françaises se lancent à la recherche de nouveaux sites pour poursuivre leurs expérimentations. Pour certains domaines requérant des conditions particulières, l’armée est obligée de s’installer à l’autre bout du monde. Les lancements de fusées seront effectués à Kourou en Guyane française à partir de 1964, tandis que les essais nucléaires auront lieu en Polynésie française à partir de 1966.
Pour éviter les complexités logistiques engendrées par l’installation de bases de l’autre côté du globe, la France souhaite tester ses missiles en métropole. Elle finit par jeter son dévolu sur Biscarosse, une petite commune littorale des Landes située à une quarantaine de kilomètres au Sud d’Arcachon. Village reposant essentiellement sur la sylviculture et l’élevage jusqu’à la fin du XIXe siècle, Biscarosse devient la capitale française de l’hydraviation dans les années 1930 grâce à l’ingénieur et industriel toulousain Pierre-Georges Latécoère. Ce dernier décide d’y installer des ateliers de montage d’hydravions ainsi qu’une base aéronautique, depuis laquelle de célèbres aviateurs décolleront, dont Antoine de Saint-Exupéry et Jean Mermoz. La base Latécoère, d’où partent plusieurs lignes de la compagnie Air France, joue un rôle de premier plan dans le développement du transport de courrier international en hydravion.
Lire aussi: Enjeux du nouveau tir de missile nord-coréen
Le site de Biscarosse présente de nombreux avantages, géographiques et logistiques, pour le nouveau CEL. Le centre bénéficie également de la proximité d’acteurs étatiques et industriels clés du secteur, parmi lesquels le Camp FTA (Forces terrestres antiaériennes) de Naouas, les fabricants de systèmes de propulsion pour missiles ArianeGroup et Roxel, tous deux installés à Saint-Médard, ainsi que le Centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine installé au Barp, placé sous la tutelle du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). La base de Biscarosse est aménagée à partir de 1962 afin de pouvoir débuter les essais le plus tôt possible.
Fondée en 1959 et basée à Saint-Aubin-de-Médoc (Gironde), la Société d'étude et de réalisation d'engins balistiques (SEREB) est chargée de concevoir la base de lancements balistiques qui permettra de préparer et d’effectuer les essais dans toutes sortes de milieux (aérien, terrestre, marin et sous-marin), notamment avec des missiles sol-sol balistiques stratégiques (SSBS) et les missiles mer-sol balistiques stratégiques (MSBS). Le premier essai de missile tactique a lieu en mars 1964. La création du centre d’essais représente une formidable opportunité pour Biscarosse et ses alentours, l’activité locale bénéficiant amplement des activités militaires. De nombreux employés du centre viennent rapidement s’installer dans la commune, provoquant une importante croissance démographique. La population de Biscarosse double en seulement six ans, passant de 3 000 habitants en 1962 à plus de 7 000 en 1968.
Il ne s’agit pas seulement d’appuyer sur un bouton et de voir si ça explose. Il faut suivre, mesurer, analyser, comprendre, recalculer, et recommencer. Les ingénieurs ne sont pas seuls dans leur coin. La DGA travaille main dans la main avec le CNES, MBDA, ArianeGroup, l’armée de l’air, la marine et les forces spatiales.
L’un des plus célèbres produits testés à Biscarrosse : le missile balistique M51, fleuron de la force océanique stratégique française. On ne parle pas ici d’une roquette artisanale. Le centre n’a rien d’un terrain de jeu. Chaque tir représente plusieurs millions d’euros d’investissement, des années de développement, et une partie de la souveraineté militaire française. Le missile M51, pour ne citer que lui, coûte environ 50 millions d’euros l’unité. Ces essais permettent aussi à la France de rester indépendante dans un domaine où les États-Unis et la Chine verrouillent l’accès à leurs propres technologies.
Le site ne sert pas uniquement la dissuasion nucléaire. Il valide aussi des programmes civils comme les composants d’Ariane, ou les futurs missiles hypersoniques européens, capables de dépasser Mach 5, soit plus de 6 000 km/h. Dans les bâtiments de contrôle, les ingénieurs planchent désormais sur des armes à énergie dirigée, des simulations intégrant l’intelligence artificielle, ou des tests pour contrer les menaces de missiles intercontinentaux. Les nouveaux types d’armement exigent des outils de test encore plus précis. On simule les tirs avant même de tirer, à l’aide de jumeaux numériques. On modélise les effets de l’humidité, des vents, des perturbations électromagnétiques. Et surtout, on prépare l’intégration de la cybersécurité dans le suivi des tirs. Le site se modernise. Garder un tel site sur le sol national, c’est aussi se garantir une autonomie stratégique rare. Peu de pays disposent encore d’un couloir de tir de 400 km dans l’océan. Les autres font appel à des prestataires étrangers.
La Marine nationale a réalisé son premier double tir simultané de missiles visant une même cible à terre à Biscarrosse (Landes) le 18 avril dernier. Ce tir, réalisé avec le soutien du missilier français MBDA, a été qualifié d'ambitieux par la Marine nationale. Il a été réalisé "dans des conditions humaines et matérielles identiques à celles rencontrées en opération".
Cet exercice est une première que la Marine et la DGA Techniques navales ont tenue à faire connaître à un large public. Sur les réseaux sociaux, un véritable clip avec une musique digne des films d'action, a été publié pour dévoiler ce test."La difficulté d'un tir comme celui-là est d'arriver à coordonner à la fois l'objectif et l'heure d'arrivée sur objectif des missiles tirés à des endroits très différents. Les deux porteurs étaient à des centaines de kilomètres l'un de l'autre", explique à BFMTV le commandant Sébastien Perruchio, porte de la Marine nationale.
L'objectif de cette démonstration est clairement de faire connaître cette capacité de combat collaboratif qui permet de frapper à la fois vite et très précisément."C'est une manière de montrer à la fois sa force à la population française, aux armées françaises, et aux pays qui pourraient constituer une menace", indique Patrick Dutartre, général de l'armée de l'Air et de l'Espace.
Cet essai est le second d'une série qui vise à coordonner une importante puissance de feux. Le 23 avril, le porte-avions français Charles-de-Gaulle et la frégate Chevalier Paul ont tiré "avec succès" deux missiles antiaériens Aster lors d'un entraînement. La frégate a neutralisé une menace aérienne à grande distance à l'aide d'un missile antiaérien Aster 30. Le porte-avions a de son côté tiré un Aster 15. Ces deux missiles sont ceux utilisés en mer Rouge contre les attaques de drones de la part des rebelles yéménites Houthis.
D'ailleurs, les tirs "ont été conduits dans un environnement reproduisant une situation aéronavale proche de celle pouvant être rencontrée en opérations", a précisé le ministère des Armées dans un communiqué.
Toutefois, l’existence de ce site n’est pas sans poser quelques tensions locales. Des associations environnementales, des riverains, ou certains élus pointent les nuisances sonores, les risques pour la biodiversité, ou le secret qui entoure les campagnes de tir. Ce qui est sûr, c’est que les tirs ne sont jamais annoncés à l’avance. Le site de Biscarrosse est à l’image de la posture militaire française : discret, autonome, et ambitieux. À l’échelle européenne, aucun autre pays ne dispose d’un tel éventail de moyens d’essais terrestres et maritimes. Les projets à venir incluent l’ouverture partielle à des coopérations européennes, notamment pour les missiles du programme SCAF ou les futurs engins spatiaux civils. Derrière le rideau d’arbres et de silence, c’est une partie de la capacité d’autonomie stratégique française qui s’exerce chaque semaine.
tags: #tir #de #missile #landes #armée #française