Née Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle le 29 octobre 1930, Niki de Saint Phalle, tire son nom d’artiste d’un surnom donné par sa mère. Avant de devenir une figure majeure de l'art contemporain, elle débute sa carrière comme mannequin entre 1948 et 1950 chez Vogue, Harper’s Bazaar, ainsi que d’autres magazines français et américains. En 1953, elle est forcée d’interrompre sa formation théâtrale pour cause de dépression grave. Après la naissance de son second enfant en 1955, son identité artistique commence à véritablement s’imposer. Elle part à Madrid et Barcelone et y découvre l’univers d’Antoni Gaudí.
L'exposition En joue! Assemblages & Tirs (1958-1964) à la Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois met en lumière une période clé de son travail, celle où elle intègre le mouvement du Nouveau Réalisme.
Sous l’impulsion d’Yves Klein et Pierre Restany, le Nouveau Réalisme, déjà présent dans les années 1950 fait l’objet d’une déclaration commune en 1960 rendant officielle l’existence de ce mouvement. Cette dernière est premièrement signée par Yves Klein, Pierre Restany, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely et Jacques de la Villegé. Les caractéristiques de ce mouvement comprennent l’utilisation d’objets du quotidien et d’objets jetés.
L’idée est de rendre l’objet banal extraordinaire et de donner un second sens aux objets après usure. Cela permet selon les artistes de ce mouvement de s’interroger sur la société de consommation en plein développement en France et dans le monde entier à cette époque. La notion de performance et de gestes artistiques est aussi importante. C’est ce que met en oeuvre Niki de Saint Phalle, la seule femme de ce groupe d’artistes dans son oeuvre Tir de 1961.
De fait, l’exposition s’articule autour d’une époque charnière au cours de laquelle Niki Mathews prend son nom d’artiste - Niki de Saint Phalle - et passe d’une pratique de l’assemblage pur à une pratique « active » qui la mène à la réalisation de ses fameux « Tirs ».
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En 1961, Niki est conviée par Jacques Villeglé à participer au Salon Comparaisons. L’œuvre qu’elle y présente, Portrait de mon Amour - tentative d’exorcisation d’un amant insistant - est un assemblage sur panneau réalisé à partir d’une chemise volée à ce dernier et d’une cible figurant sa tête sur laquelle le public est invité à tirer des fléchettes. Il s’agit de la première action publique de Niki, de son premier « Tir ».
Niki raconte elle-même que, voisinant sa pièce, se trouvait une grande oeuvre blanche de Bram Bogart : c’est en la voyant que l’artiste aura l’idée de « faire saigner la peinture ». Elle se met frénétiquement au travail et convie quelques jours plus tard Pierre Restany à assister à une séance de tir à la carabine sur tableaux. Elle est immédiatement intégrée par le critique au mouvement des Nouveaux Réalistes. Il l’invite également à réaliser sa première exposition personnelle à Paris.
C’est ainsi que Niki présente pour la première fois ses « Tirs » en public lors de l’exposition « Feu à Volonté » à la galerie J, en présence de Leo Castelli, Jasper Johns, Bob Rauschenberg et de nombreux autres acteurs majeurs de la scène artistique de l’époque. La carrière internationale de l’artiste est alors lancée avec notamment des expositions à Los Angeles (Dwan Gallery), Amsterdam (Stedelijk Museum) et New York (Iolas Gallery).
Entre 1961 et 1963, Niki de Saint Phalle réalise une série de tableaux intitulés Tirs, que l'on peut qualifier de performances. Sur une planche de bois, elle accroche toutes sortes d'objets, des poches d'encre ou de peinture, des capsules de shampoing, parfois même des œufs ou des tomates. Le tableau ainsi constitué est recouvert de plâtre : l'artiste tire à la carabine sur les poches de couleur, qui coulent sur le plâtre et créent une œuvre originale, un "tableau surprise".
Ce processus de création, qui laisse une grande place au hasard en laissant couler la peinture, n'est pas sans rappeler la technique du dripping de Jackson Pollock, artiste qui compte parmi les influences de Niki de Saint Phalle. Ces tirs sont d'abord réalisés avec ses amis, puis en public et les spectateurs eux-mêmes sont invités à participer et à faire "saigner la peinture".
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Les Tirs sont des tableaux préparés fixés sur une planche, composés de morceaux de plâtre, de tiges contenant des œufs et des tomates, des berlingots de shampoing et des flacons d’encre. « Un assassinat sans victime. J’ai tiré parce que j’aimais voir le tableau saigner et mourir« . C’est ainsi que Niki de Saint Phalle évoque les « Tirs » qu’elle réalise entre 1961 et 1963, un dispositif de douze actions spectaculaires que l’artiste met en place avec Jean Tinguely.
Elle utilise les tirs pour dénoncer des injustices. Niki traite de la crise des missiles de Cuba dans le tableau-tir King Kong dans lequel le monstre gigantesque s’approche d’une ville bombardée. Elle intègre alors le cercle des « nouveaux réalistes », jouant le rôle de médiatrice entre les avant-gardes française et américaine.
À l'origine des Tirs, on trouve Portrait of my Lover, un premier tableau-assemblage composé d'une chemise et une cravate volées à son amant, et d'une cible figurant sa tête, sur laquelle les spectateurs étaient invités à jeter des fléchettes.
Ces premières œuvres sont non seulement féministes et engagées (en tirant sur ces tableaux, elle tire sur les injustices sociales que subissent les femmes à l'époque), mais également autobiographiques et salvatrices (Son père l'a violée alors qu'elle avait onze ans ; par le tir, elle cherche à se réparer de la violence subie).
Chaque étape de cette carrière naissante est représentée dans l'exposition par des pièces majeures qui l’ont jalonnée depuis les « paysages-assemblages » miniatures de 1958, le Portrait de mon amour et le Grand Tir - Séance de la Galerie J de 1961, le fameux Pirodactyl over New York (dernier grand Tir assemblage réalisé en 1962), les « études » de 1963 pour le grand King Kong aujourd’hui au Moderna Museet de Stockholm, ou encore les Cœurs et les Cathédrales qui montrent le retour de la narration dans cette oeuvre singulière.
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Ce premier moment magique (il y en aura de nombreux autres dans sa longue carrière) dure cinq années fulgurantes. Ce sont celles qui sont présentées dans l'exposition au moment de la sortie de la première biographie officielle en langue française de Niki de Saint Phalle par Catherine Francblin.
Œuvre | Année | Description |
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Paysages-assemblages miniatures | 1958 | Premiers assemblages de Niki de Saint Phalle. |
Portrait de mon amour | 1961 | Assemblage avec une cible pour fléchettes, première action publique. |
Grand Tir - Séance de la Galerie J | 1961 | Première exposition personnelle de Niki de Saint Phalle à Paris. |
Pirodactyl over New York | 1962 | Dernier grand Tir assemblage. |
King Kong | 1963 | Tableau-tir traitant de la crise des missiles de Cuba. |
Au-dessus des gratte-ciel de New York, un grand oiseau plane. Va-t-il attaquer la ville ? C’est un Pirodactyl, moitié dinosaure moitié reptile. « Niki a inventé le mot, qui est sans doute une déformation de dinosaure ptérodactyle », explique Catherine Francblin, auteur d’un livre sur l’artiste, sorti en octobre. Cette œuvre est l’aboutissement d’une recherche commencée un an auparavant.
« Niki avait une croyance magnifique en l’art pour changer la vie », conclut Catherine Francblin.
En 1959, l’artiste prend connaissance d’artistes américains tel Willem de Kooning, Jackson Pollock, Robert Rauschenberg et Jasper Johns. Une part de son adolescence rebelle persiste dans ses œuvres tout comme son caractère engagé. Niki écrit et illustre un livre en 1987 pour la prévention du sida dénommé AIDS: You Can’t Catch It Holding Hands (Sida: tu ne peux pas l’attraper en tenant la main). L’artiste est également féministe et lutte contre la domination patriarcale. Une de ses œuvres les plus représentatives par son approche parfois désignée comme choquante est Elle-une cathédrale.
Le couple de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely est devenu emblématique. Les deux artistes font souvent l’objet de rétrospectives communes. Les sculptures mécanisées sont animées par les jets d’eau fonctionnant dans un circuit fermé. La fontaine est commandée par le maire contemporain de Paris, Jacques Chirac aux deux artistes. Cette commande se fait dans une dynamique des années 1980 en faveur de la création artistique contemporaine monumentale.
Passionnée d’ésotérisme, les 22 sculptures représentent les Arcanes majeurs du Tarot. Comme pour toutes ses sculptures à grande échelle, elle plaque du béton et du polyester sur une structure en métal, le tout recouvert d’une mosaïque de céramique, verre ou plastique. À partir de 1983, toutes les céramiques sont fabriquées sur place.
À l’entrée du Jardin, Niki écrit en italien une forme de testament dans lequel elle exprime son amour de l’art italien et l’importance de sa rencontre avec les créations de Gaudí. De même, elle parle de ses motivations, de la difficulté d’édifier un tel chef-d'œuvre et du cheminement intérieur que cela lui a permis de fournir. Une de ses volontés les plus profondes aborde l’ouverture au public. Les œuvres étant fragiles et nécessitant des soins précis et régulier, le site ne doit pas être ouvert toute l’année. Elle ajoute également qu’elle ne souhaite pas qu’il y ait de visite guidée afin de laisser le spectateur libre de s’imprégner du lieu.
Bien que Niki de Saint Phalle ait réalisée d’autres sculptures monumentales, cette idée de Jardin est unique dans sa création. Les projets se rapprochant le plus du Jardin des Tarots ont été réalisés par d’autres artistes tel de Park Güell de Gaudí ou encore le Parc des Monstres à Bomarzo par Pier Francesco Orsini.
Pour réaliser cette œuvre, elle ouvre le feu sur une toile enduite de plâtre et recouverte d’objets. Des poches remplies de peinture sont disposées sur la surface. Dès lors que les balles percent les bulles, les couleurs s’échappent et se rependent sur la toile. Un clin d’œil à la technique du dripping de Jackson Pollock, que Niki de Saint Phalle admirait beaucoup. Elle le dit elle-même “La peinture était la victime” mais “Qui est la peinture ? Papa ? Une de ses citations les plus célèbre est d’ailleurs : “J’ai eu la chance de rencontrer l’art parce que j’avais, sur le plan psychique, tout ce qu’il faut pour devenir terroriste.
Née en France dans une famille d’aristocrates, elle passe son enfance aux Etats-Unis, dans un climat de racisme. À l’âge de 19 ans, elle se marie avec Harry Mathews. Ils s’installent à Paris. À 23 ans, elle subit des crises nerveuses graves. Elle est hospitalisée à Nice, où elle reçoit une série d’électrochocs. L’art devient un outil thérapeutique. Elle divorce et se lie avec des artistes vivant à Paris. Elle s’installe avec Jean Tinguely, fils d’ouvrier, qui a des engagements politiques très à gauche.
Elle fait partie du groupe des Nouveaux-Réalistes, fondé par Yves Klein un an avant. Ce mouvement est une nouvelle approche de la réalité, un recyclage poétique de l’espace urbain. Les nouveaux réalistes utilisent des palissades, des barils ou même des détritus dans leurs œuvres.
D’abord mannequin, puis peintre, sculptrice et réalisatrice, Niki de Saint Phalle est connue pour des œuvres à la fois provoquantes, colorées, parfois dénonciatrices mais aussi pleines d’espoir. Femme profondément indépendante et révoltée, toute sa vie et son œuvre n’auront de cesse de dénoncer les injustices. Mère de deux enfants, ce n’est qu’à plus de soixante-ans, qu’elle révèlera dans un livre adressé à sa fille, les viols et l’inceste qu’elle a subis par son père alors qu’elle n’était encore qu’une jeune adolescente. Cet épisode, découvert tardivement par le grand public, permettra d’expliquer véritablement nombre de ses œuvres et de ses combats.
Née dans l’aristocratie française et éduquée dans une institution religieuse, elle va rapidement se rebeller, refuser les conventions qu’on lui impose, se lever contre les inégalités et les injustices et rejeter la place de femme au foyer que lui prédestinait ce milieu. À 18 ans elle va s’enfuir avec le poète Henry Matthews avec lequel elle aura ses deux enfants.
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