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L'expression "partir la fleur au fusil" est une allusion ironique à la Première Guerre mondiale, une guerre que l’on croyait facile, gagnée d’avance. Les soldats partaient alors au front « la fleur au fusil », certains de rentrer rapidement dans leur foyer. Et puis les mois et les années passèrent, les souffrances, les mutilations, la mort… L’expression renvoie à cette idée d’enthousiasme naïf, d’ardeur mêlée d’illusions. Elle est également employée avec seulement l’idée de « ça recommence ». Elle fut déclinée après la Seconde Guerre mondiale en « c’est reparti comme en quarante ».

Avec la guerre moderne et la conscription qu'inventa la France, avec le mythe révolutionnaire de la nation en arme et de la Patrie en danger, il fallut bien obtenir l'assentiment des masses d'où le mythe construit mais pas totalement imaginaire des soldats partant la fleur au fusil.

Pour comprendre le contexte de cette expression, il est essentiel de se plonger dans l'atmosphère de l'époque.

Contexte Historique et Culturel

Au début du XXe siècle, l'idée de guerre était souvent romantisée. La succession rapide de deux guerres mondiales, le déchaînement de la violence, la bombe et le génocide, a eu raison pour quelques décennies, du désir de guerre qui apparut longtemps comme ce qui était politiquement ce qu'il fallait prioritairement éviter. La construction européenne se fit dans ce contexte : elle est fille de la guerre.

En 1914 : La Grande Illusion, Jean-Yves Le Naour écrit que « l’annonce de la mobilisation a plongé le pays dans la sidération et la tristesse ». Pourtant, chez une grande partie des intellectuels français, l’enthousiasme semble l’emporter sur toute autre considération, beaucoup y voyant une forme de régénération pour le pays.

Il y a des intellectuels de droite et de gauche, ils ne sont pas monolithiques, mais incontestablement nous avons assisté avant-guerre à une poussée du nationalisme dont Charles Péguy est un bon exemple : lui, l’ancien dreyfusard, en vient à considérer qu’il faudrait fusiller Jaurès le jour de la mobilisation.

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L’horreur a eu raison des discours et la boue des tranchées a définitivement sali le mythe glorieux de la guerre qui avait cours avant 1914. La désillusion qui en résulte, couplée à la révolution de 1917 qui ébranle le vieux monde, crée une onde de choc à l’origine d’une radicalisation révolutionnaire des intellectuels.

Le 2 août 1914, partant au front, confiant, le lieutenant Charles Péguy dit à l’un de ses camarades : « Tu les vois, mes gars ? Avec ça, on va refaire 93. » La guerre pour laquelle ils partent, « hussards de la République » ou bohèmes, dont ils rêvent, chasseurs à cheval et dragons (Bernanos, Bertrand, Dullin), est celle des soldats de l’An II ou grognards de l’Empire. Chevaux, casques à cimier et queue de cheval, plumet, pantalon garance, fourragère, guêtres, sabre au clair, épée, cavalcades …

14-18 marque l’entrée en guerre des intellectuels : la plupart de ceux en âge de porter les armes sont mobilisés et 15% des écrivains combattants français et allemands sont des engagés volontaires. Ils paient un lourd tribut - du tout premier, le pacifiste Jean Jaurès, à la veille de la mobilisation, au poète Wilfried Owen tué à quelques jours de l’Armistice, à l’engagé Guillaume Apollinaire chantre de la guerre, enterré le 11 novembre 1918.

Placés dans des situations exceptionnelles, il voit l'occasion de se révéler à lui-même. Et ceci est valable identiquement pour le combattant, le civil et pour le politique : il suffit de se rappeler les Justes ou tout simplement les résistants pour comprendre que la guerre offre à chacun l'opportunité que le quotidien ne présente jamais de situations si tranchées, si caricaturales que précisément il a l'opportunité de se dépasser et de se révéler à lui-même.

L'impact de la Grande Guerre sur la perception de la guerre

La Première Guerre mondiale a profondément transformé la vision de la guerre. L’élan patriotique initial s’est vite éteint, sauf pour Barrès qui le claironne durant toute la guerre. L’expression va-t-en-guerre, l’héroïsme d’un autre temps, passent peu à peu à la désillusion, puis à l’engagement pacifique, internationaliste.

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Les témoignages des soldats, souvent poignants, ont contribué à démystifier la guerre. On prend des notes qu’on rédigera plus tard si l’on survit : G. Duhamel, Pergaud, Genevoix très fin observateur. Ecrire l’inouï et l’injustifiable de la guerre, tel l’infirmier Cocteau dans ses poèmes, qui célèbre son ami Roland Garros abattu en plein vol, ou plusieurs poètes anglais, dont Owen, ou l’officier Von Unruh qu’enivre « le parfum de métal » des explosions, Apollinaire pour lequel les fusées offrent une forme éclatée, des images et des sensations inconnues.

La fleur comme symbole

Les fleurs ont souvent été utilisées comme symboles dans différents contextes historiques. D’autres fleurs, les bleuets, ont aussi incarné la Grande Guerre. À partir de 1916, ils sont adoptés par l’arrière en signe de soutien aux jeunes soldats, surnommés « les bleuets ».

Voici quelques exemples notables :

  • Le lotus: Les bouddhistes voient en cette fleur sacrée une métaphore de la condition humaine.
  • Les roses (rouge et blanche): La guerre des Deux-Roses en Angleterre, où les Lancastre (rose rouge) et les York (rose blanche) s'opposaient.
  • Le chrysanthème: Utilisé par les hippies aux États-Unis comme symbole de paix lors des manifestations contre la guerre du Vietnam.
  • Les giroflées des murailles: Fleurs sauvages cueillies par un soldat pour Georges Clemenceau, symbolisant le lien entre le front et l'arrière.
  • L'iris: Selon une légende, Clovis doit son salut à un buisson d’iris jaunes des marais qui borde la rivière et l’aurait caché.
  • Le muguet: Le maréchal Pétain veut faire oublier ce symbole subversif: à la place des églantines, il choisit le muguet.

Quand la guerre inspire le langage

«Battre la chamade», «un rhume carabiné», «tirer au flanc»... Le vocabulaire de la guerre ne cesse d’inspirer nos expressions. Les expressions françaises fleurissent notre langage. Nous ne cessons d’en employer pour vivifier notre propos. D’où viennent-elles? Si leurs origines sont aussi variées qu’amusantes, la guerre est depuis la nuit des temps une source d’inspiration inaltérable.

Voici quelques exemples notables :

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  • Passer l’arme à gauche: Fréquemment employée pour décrire le passage du monde vers l’au-delà, le ministère des Armées avance deux théories sur son origine.
  • A brûle-pourpoint: L’emploi de cette expression remonte au XVIe siècle.
  • Ne pas faire long feu: Cette dernière renvoie au caractère éphémère d’une chose.
  • Prendre la poudre d’escampette: En temps de guerre, quand les soldats fuyaient, leurs chevaux soulevaient la poussière de leurs sabots, ce qui peut expliquer l’emploi du mot «poudre».

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