Les Pistolets en plastique nous plonge dans un monde où la violence captive et où le vrai et le faux tendent à se confondre. Après Oranges sanguines, Jean-Christophe Meurisse, le chef de file des Chiens de Navarre, poursuit sa satire au vitriol de notre société. Il nous la peint ici friande de faits divers, de préférence sanglants, à travers l’histoire de Paul Bernardin, double à peine déguisé de Xavier Dupont de Ligonnès.
L’intrigue se tisse à partir de trois fils parallèles qui vont, peu à peu, se rejoindre.
Se déploie ainsi toute une galerie de portraits, mettant en scène des personnages aussi bouffons qu’inquiétants, qui tendent un miroir grossissant à notre goût pour le sensationnel, à notre fascination voyeuriste, en même temps qu’à notre propension à banaliser la violence. Rien de neuf, finalement, depuis C’est arrivé près de chez vous, le faux documentaire belge de Belvaux, Bonzel et Poelvoorde.
Ici sont mis au premier plan deux enquêtrices un peu simplettes qui, sur le lieu des crimes, se répandent en commentaires sur la déco ; des policiers danois au comportement surréaliste face à des policiers français incapables ; deux médecins-légistes déplorant le goût du public pour les serial killers héros des séries de Netflix ; un suspect colérique qui perd les pédales, une voisine qui débite un interminable monologue raciste.
Les Pistolets en plastique pose la question des raisons de l’attraction qu’exerce le crime sur beaucoup d’entre nous mais aussi celle du vrai et du faux, de la violence et de sa représentation. Entre le vrai Bernardin et le faux - Michel Uzès - qu’y a-t-il de commun ? Notre entendement est-il si débile qu’il nous conduise, contre toute évidence, à prendre le faux pour le vrai et à ignorer le vrai quand il se présente à nous ?
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Quant au spectacle de la violence, a t-il une fonction autre que celle de satisfaire nos instincts les plus bas ? Et ne contribue-t-il pas à sa dangereuse banalisation ? Ou, au contraire, a-t-il une valeur cathartique ? Exorcise-t-il nos terreurs ? Mieux, nous évite-t-il de passer à l’acte ?
La mise en abyme de la représentation de la violence dans Les pistolets en plastique nous incite à nous interroger sur l’utilité du spectacle sanglant, grand-guignolesque, qu’il nous offre et que son outrance tourne à la dérision. N’y a-t-il pas une forme d’hypocrisie à flatter le goût du spectateur pour la violence alors même qu’on prétend la dénoncer ? Mais tous les pistolets ne sont pas en plastique…
La rupture que marque la sobriété glaçante de la scène du meurtre familial nous rappelle brutalement à la réalité : plus de grand-guignol, mais une tragédie tout entière concentrée dans les gestes, les regards, le bruit des détonations.
Les Pistolets en Plastique est moins, comme on a pu le lire, un film sur l’affaire Dupont de Ligonnès qu’un film sur la France dont a accouché cette affaire. Un homme vient de massacrer sa famille : le pays est sur les dents. Entre un danseur de country dénoncé par erreur à l’aéroport comme le coupable en fuite, un duo de mémères enquêtrices amatrices éprises de justice sauvage, et la cavale du véritable meurtrier en Argentine, l’auteur d’Apnée reconstitue un éventail de conséquences de l’horreur, et déploie un continuum de conflits et de violence qu’il filme comme une sorte de partouze nationale.
Tout l’hexagone est électrisé par le crime : qu’on s’en indigne, qu’on s’en indiffère, qu’on en soit injustement accusé ou qu’on l’ait soi-même commis, on n’échappera pas à son empire, c’est-à-dire à une sorte de spirale collective de sado-masochisme. Le crime, ou plutôt le true crime - c’est-à-dire le récit et la religion du crime -, fonctionne comme un accélérateur de pulsions dans lesquelles Meurisse plonge avec une voracité de cartooniste.
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Le réalisateur explique : "C’est ce que j’aime : le mélange. Ce que je n’aime pas : rester dans un registre unique. Je veux que tout soit tendu, aussi bien dans la narration que dans la forme. On ne sait pas sur quel pied danser. On va de l’absurde à l’horreur, on est dans le rire du pire, entre tragédie et comédie de manière permanente."
Avec Les Pistolets en plastique, le réalisateur et metteur en scène Jean-Christophe Meurisse s’amuse à son tour de notre fascination morbide pour les faits divers. Dans la pure continuité du décapant Oranges Sanguines, le film joue avec le feu, pousse les limites du politiquement correct, sur fond de comédie noire.
Personnage | Acteur | Description |
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Paul Bernardin | Laurent Stocker | Un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. |
Léa | Delphine Baril | Enquêtrice web obsédée par l’affaire Bernardin. |
Christine | Charlotte Laemmel | Enquêtrice web obsédée par l’affaire Bernardin. |
Michel Uzès | Gaëtan Peau | Un homme arrêté par erreur et pris pour Paul Bernardin. |
En définitive, Les Pistolets en Plastique est une bonne comédie absurde qui traite de thèmes importants et actuels. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, la chute est inévitable.
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