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Jean-Christophe Meurisse transforme l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès en farce trash dans Les Pistolets en plastique. L’affaire Dupont de Ligonnès inspire à Jean-Christophe Meurisse une farce noire sur une France assoiffée de violence, alternant le jouissif et le stérile.

Le film est moins un film sur l’affaire Dupont de Ligonnès qu’un film sur la France dont a accouché cette affaire, comme on a pu le lire.

Tout l’hexagone est électrisé par le crime : qu’on s’en indigne, qu’on s’en indiffère, qu’on en soit injustement accusé ou qu’on l’ait soi-même commis, on n’échappera pas à son empire, c’est-à-dire à une sorte de spirale collective de sado-masochisme. Le crime, ou plutôt le true crime - c’est-à-dire le récit et la religion du crime -, fonctionne comme un accélérateur de pulsions dans lesquelles Meurisse plonge avec une voracité de cartooniste.

Synopsis et Thèmes

Léa et Christine sont obsédées par l'affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. La police est sur les dents. Xavier Dupont de Ligonnès se la coule douce en Argentine. Pardon, pas XDDL, mais Paul Bernardin, soupçonné d’avoir assassiné sa femme et ses trois enfants et de les avoir enterrés sous sa terrasse, qui a disparu sans laisser d’adresse.

Alors qu'elles partent enquêter dans la maison où a eu lieu la tuerie, les médias annoncent que Paul Bernardin vient d'être arrêté dans le Nord de l’Europe… D’ailleurs, le policier qui survient à son tour sur l’écran jette un coup d’œil rapide vers un passager sur un vol qui le mène à Copenhague, croyant reconnaître l’affreux criminel qui a assassiné femme et enfants dans sa demeure bourgeoise. Un suspect est arrêté à l’aéroport de Copenhague. Évidemment, il n’a rien à voir avec tout ça.

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Entre un danseur de country dénoncé par erreur à l’aéroport comme le coupable en fuite, un duo de mémères enquêtrices amatrices éprises de justice sauvage, et la cavale du véritable meurtrier en Argentine, l’auteur d’Apnée reconstitue un éventail de conséquences de l’horreur, et déploie un continuum de conflits et de violence qu’il filme comme une sorte de partouze nationale.

Évidemment, on se souvient de ce pauvre voyageur en Angleterre qui avait été injustement confondu avec Dupont de Ligonnès et avait été embarqué dans une incommensurable fièvre médiatique. Il n’y a pas de mystère, Les Pistolets en plastique reprend la fameuse affaire d’infanticide et de féminicide sur un mode résolument absurde et décalé.

Analyse du Film

Au début, évidemment, un carton prévient que tout cela relève de la pure fiction. Les doigts dans la prise, Jean-Christophe Meurisse (Oranges sanguines) se croit tout permis, et d’abord de s’emparer sans vergogne de ce célèbre fait divers. Le film part dans tous les sens. C’est son mérite.

Les séquences virevoltent comme des cartes à jouer aux mains d’un champion de poker. À la morgue, Jonathan Cohen disserte devant un cadavre sur la fascination des gens pour les séries horrifiques. Dans un avion, une passagère enceinte (Nora Hamzawi) décrit dans le détail ses épisiotomies. Romane Bohringer prend le large en famille avec armes et bagages.

On sait depuis Oranges sanguines que Jean-Christophe Meurisse se rêve comme le sale gosse du cinéma hexagonal, n’hésitant pas à pousser le plus loin possible les curseurs de l’outrance pour brosser un portrait satirique de la société française. Avec Les Pistolets en plastique, le cinéaste persiste et signe en s’inspirant cette fois-ci de l’affaire Dupont de Ligonnès, qu’il déplie en plusieurs trames narratives : la première suit deux enquêtrices amatrices lancées à la recherche du tueur de Nantes, une autre l’arrestation d’un faux coupable et la dernière se focalise sur l’exil de de Ligonnès en Argentine.

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Si le point de départ saugrenu intriguait, il ne sert finalement que de prétexte pour resservir le même programme qu’Oranges Sanguines : une succession de séquences étirées qui confondent comédie et hystérie, en mêlant regard ricanant sur la France périphérique, explosion gratuite de violence, sketches d’humoristes en vogue arbitrairement intégrés à l’ensemble (Vincent Dedienne, Nora Hamzawi, Aymeric Lompret, Jonathan Cohen succèdent à Blanche Gardin - on a tout de même vu plus punk que de débaucher la moitié des chroniqueurs de France Inter), le tout fondu dans une esthétique boursouflée (ralentis, regard caméra, travelling à rallonge, etc.) rythmée par de la variété française (Dalida remplace Barbara).

Ce bric-à-brac pourrait être simplement pénible s’il ne se révélait pas par endroits détestable. Au-delà du grotesque, Jean-Christophe Meurisse vise aussi à installer une forme de malaise qui pose davantage question. En témoigne une séquence particulièrement longue, où les deux détectives en herbe rencontrent une voisine de de Ligonnès qui se met à débiter un interminable monologue d’injures racistes et homophobes. À la fois convenu et paresseux, le « gag » invite à se moquer de la France moyenne (il récidive par la suite, avec un voisin au visage déformé à la Elephant Man). Il est difficile de ne pas voir dans l’étirement de cette tirade une forme d’autosatisfaction un peu crasse à l’idée de choquer le spectateur.

Cette tendance à la provocation facile et puérile atteint son acmé avec la reconstitution aberrante de la tuerie, qui tombe comme un cheveu sur la soupe vers la fin du film.

Réception et Impact

Marqués par une multitude d’événements, ces Pistolets en plastique disent assez notre encombrante passion pour le mal. Ils le font dans un éclat de rire grinçant, en dehors de tout conformisme. La farce paye. Cela ne faiblit pas une seconde. On regarde le résultat d’un œil surpris, ravi.

Une troupe d’acteurs semble folle de joie de se retrouver au générique, fût-ce pour une brève apparition. L’ennemi public numéro un conserve son mystère. On ne pensait pas qu’il inspirerait un jour une comédie aussi loufoque. Le cynisme le dispute à l’absurde.

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Indiscutablement, Les Pistolets en plastique regorge de comédiens très habitués au genre comique et à la farce. Le film semble construit sur une série de saynètes qui se suivent mais ne permettent pas d’approfondir la personnalité des deux personnages principaux. On mesure bien qu’il se n’agit pas du but du cinéaste ; mais du coup, le récit se fige dans une tonalité assez éphémère, pour ne pas dire désinvolte. Les individus que l’on voit sur l’écran semblent arrachés à une scène de théâtre, passent et disparaissent avec le sentiment d’une certaine amertume. Seules les deux femmes qui enquêtent sur les traces de Bernardin constituent le fil conducteur d’un récit inégal.

À l'instar d'Oranges sanguines, l'humour est tranchant ! C'est drôle, original, inventif, absurde. Ça ne ressemble à rien d'autre. Interrogeant la fascination pour le morbide, les apparences trompeuses et les jugements hâtifs qui en découlent, une comédie absurde et noire qui ne se retient pas et fonctionne plutôt bien dans son ensemble, en particulier grâce à son casting, malgré un dernier tiers qui m'a moins convaincu et embarqué. Une œuvre assez drôle et impertinente, mais finalement moins surprenante et impactante que son prédécesseur.

Distribution

  • Laurent Stocker (Paul Bernardin)
  • Delphine Baril (Léa Blanchard)
  • Charlotte Laemmel (Christine Valet-Dubreuil)
  • Gaëtan Peau (Michel Uzès)
  • Nora Hamzawi (La femme enceinte)
  • Jonathan Cohen (Johnny le légiste)

Fiche technique

  • Réalisation : Jean-Christophe Meurisse
  • Scénario : Jean-Christophe Meurisse
  • Image : Javier Ruiz Gomez
  • Décors : Hervé Redoules
  • Son : Lucas Héberlé
  • Montage : Flora Volpelière
  • Musique : Thibault Deboaisne
  • Production : Marine Bergere, Antoine Blesson, Romain Daubeach, Nicolas Descalles
  • Sociétés de production : Mamma Roman, Kick'n Rush
  • Distributeur : Bac Films
  • Date de sortie : 26 juin 2024
  • Durée : 1h36

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