Une banderole déployée lors d'une soirée d'intégration d'étudiants en médecine à Tours a suscité l'indignation générale. Le dessin réalisé sur une banderole par des étudiants en troisième année de l’université de médecine de Tours a fait le tour des réseaux sociaux.
Nos confrères de France Bleu Touraine ont révélé l’existence de cette banderole très embarrassante. La banderole a été déployée sur les quais de Loire, lors d’une soirée étudiante organisée une semaine plus tôt. Elle mettait en scène une femme nue, inconsciente, dans un gigantesque verre à cocktail, avec un pénis qui éjacule au-dessus d'elle.
Sous le dessin, une légende en lettres noires : GHBites. Un jeu de mots douteux avec l’acronyme GHB, surnommé « la drogue du violeur ». La banderole est portée par des jeunes hommes et des jeunes femmes costumés en vert et rose, des étudiants en médecine à Tours.
Inscrite en première année de médecine, Alexane découvre tout juste la photo de la banderole que des étudiants de l'université de Tours ont déployé lors d'une soirée, la semaine dernière. "Franchement, je n'ai pas les mots, c'est choquant". Une banderole en forme de dessin, représentant une femme nue, inconsciente et plongée dans un énorme verre de cocktail, alors qu'un pénis éjacule au-dessus d'elle. Tout en bas, l'inscription "GHBites" est écrite, en référence au GHB, surnommé "la drogue du violeur".
"Ça ma saoule, parce qu'il y a des avancées féministes, mais, une fois encore, on essaye de les remettre en cause et d'hypersexualiser la femme", poursuit Alexane. Son amie, Anaë, acquiesce : "je trouve ça honteux. On dénigre la gente féminine. Ce type de banderole, ça ne devrait pas exister, ça ne devrait pas être imprimée." Un peu plus loin une autre étudiante, sur le chemin du restaurant universitaire, déplore quant à elle "une culture du viol décomplexée".
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La banderole a été déployée lors d'une soirée étudiante, le long des quais de Loire. - Capture d'écran Instagram"Il faut connaître un peu l'histoire des carabins"Cette soirée, les trois jeunes femmes n'y sont pas allées car elle était réservée aux promotions plus anciennes. Il s'agissait d'une soirée d'intégration, organisée par les étudiants en troisième année de médecine pour ceux de deuxième année, "dans l'unique but de se rencontrer et de créer des affinités", nous dit-on du côté de la fac.
Comme le veut la coutume, les aînés s'étaient réunis en équipes. Chacune d'elles tenait une banderole, censée représenter son identité, pour que les cadets se dirigent dans celle qui leur correspondait le mieux.Or, dans bien des cas, on y voit des dessins à caractère sexuel. À l'image de ces fresques sexistes ou pornographiques, longtemps présentes en salles de garde d'hôpitaux.
Anna*, en troisième année de médecine, assure qu'il s'agit d'une "tradition", mais elle ne cherche pas à justifier ce qu'il s'est passé. "Il faut connaître un peu l'histoire des carabins. Les carabins, c'étaient ceux qui enterraient les gens atteints de la peste. Pour relativiser et sortir de toute cette horreur, ils se lâchaient un peu et riaient du sexe et de la mort. Aujourd'hui, ça se perpétue. Mais forcément, il y a des choses qui passent et d'autres moins. Là, je ne suis pas sûre que le message véhiculé soit pertinent."
Anna fait notamment référence au contexte dans lequel cette banderole a été déployée. Nous sommes en plein procès des viols de Mazan et à peine six mois après la condamnation d'un ex-interne de Tours pour agressions sexuelles sur des étudiantes.
La polémique a rapidement pris de l'ampleur. Le conseil de la faculté de médecine de Tours a adopté à l'unanimité une motion demandant à l'association des carabins de Tours de se dissoudre et de libérer ses locaux. Ce lundi 3 février, la sanction est tombée pour les Carabins de Tours.
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Cette décision du conseil fait suite au scandale de septembre dernier. Au cours d'une soirée d'intégration organisée par les Carabins, des étudiants en médecine avaient déployé une banderole sexiste sur laquelle on pouvait voir le dessin d'une femme entièrement nue, inconsciente et plongée dans un verre à cocktail, surplombée d'un pénis duquel s'échappaient des gouttes de sperme.
La photo de la scène avait largement circulé sur les réseaux sociaux et provoqué un tollé sur la toile. D'autant que le scandale intervenait en pleine affaire Gisèle Pélicot, droguée et violée par son propre mari et 51 autres hommes.
Dans un communiqué envoyé à la presse ce mardi 4 février, le président de l'université a dit prendre "acte de cette décision" et la soutenir. "Ces dérives jettent un discrédit sur l'ensemble de la communauté universitaire."
Les regards sont fuyants, devant la faculté de médecine de Tours. Un jeune homme, en première année, accepte de s'exprimer. Il se dit "choqué". "Ce n'est pas l'esprit qu'on devrait avoir en médecine", assure-t-il. "Ce n'est pas quelque chose de sain pour soi et pour les autres", ajoute l'étudiant, considérant que "ça ne donne pas envie" de participer à ce genre de soirées.
Pourtant, certains ne semblent pas voir le problème avec la fameuse banderole. "Je ne suis pas choqué dans le sens où je sais que c'est l'esprit en médecine, que c'est déjà arrivé, que ça arrive et que ça arrivera sûrement encore", tente un autre étudiant en médecine à Tours, au micro de France 3.
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L'université aussi s'est exprimée, condamnant la banderole, ainsi que d'autres actes de violences sexuelles signalées lors de la même soirée. Dans une lettre ouverte, l'ACT "condamne fermement tout acte dégradant et toutes les violences sexistes et sexuelles ayant pu avoir lieu au cours de cette soirée".
L'association assure avoir été "impliquée dans la sécurisation de cet évènement", mais concède que ses "actions de prévention n'ont pas permis d'empêcher la survenue d'agissements inacceptable". L'ACT affirme vouloir "coopérer" avec l'université "et les instances concernées afin que les responsables de ces violences assument les conséquences de leurs actes".
Suite à cette affaire, l'Université de Tours a mis en place un plan de 27 actions pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Parmi les mesures, une grande part concerne une plus forte sensibilisation de l'ensemble des étudiants de l'Université sur les violences sexistes et sexuelles. Cela passera donc par une campagne de prévention, et par la volonté de libérer la parole via des professionnels précise Philippe Roingeard, le président de l'Université.
"On a créé une cellule d'écoute étudiante unique, approuvée en Conseil d'administration le 7 juillet 2025 et co-construite avec des étudiantes et étudiants. C'est une façon d'avoir une forte réactivité. Cela permet d'interagir notamment avec des associations comme France Victimes."
La faculté de médecine inaugure à la rentrée pour les étudiants en 2e et 3e année, une unité de formation obligatoire sur la prévention des risques en milieu festif bien-sûr, les risques liés à la soumission chimique, l'excès d'alcool, les piqûres, le parcours pénal d'une victime et sa prise en charge.
L'université compte aussi serrer la vis sur l'organisation des soirées et évènements organisées par les associations étudiantes. Depuis fin mars, toutes les associations de médecines sont suspendues. Elles reprendront toutes leurs activités dès la rentrée, sauf pour deux d'entre elles, après l'obtention d'une labellisation par l'Université et la signature d'une charte de régulation des soirées festives.
Pour tout évènement, il y aura un meilleur contrôle désormais. "Les représentants des associations prendront rendez-vous avec le service de santé étudiant qui évaluera leur projet. Ce sera un formulaire précis à remplir, avec une évaluation des risques. En fonction de ça, le service et l'Université donneront leur accord ou non", précise Véronique Abasq, vice-présidente en charge de la santé, du handicap et de l'accompagnement social des étudiants". Des contrôles inopinés des soirées seront également organisés et la liste des événements organisés sera transmis à la préfecture.
Une instruction pénale a été ouverte lundi 24 mars sur des «infractions de bizutage», et notamment des VSS, a annoncé jeudi le parquet.
«J’ai ouvert lundi une enquête pénale préliminaire sur les infractions de bizutage, atteintes sexuelles, violences aggravées», avait indiqué mercredi la procureure de la République de Tours, Catherine Sorita-Minard, sur X. «La police judiciaire de Tours va mener les investigations», ajoutait-elle.
Mme Sorita-Minard a précisé jeudi à l’AFP qu’une «vingtaine d’étudiants en médecine» étaient concernés, «dont des étudiantes». «La notion d’atteintes sexuelles est une notion générique qui englobe les viols et les agressions sexuelles», a-t-elle détaillé, ajoutant que «des fellations sont évoquées comme ayant été pratiquées en public lors de soirées d’intégration».
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