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Les trois dernières semaines ont été éprouvantes pour les Américains qui sont attachés à la démocratie. Le désastreux débat de Joe Biden a enclenché une déferlante d’informations, de nombreux experts estimant que celui-ci avait déjà perdu la partie. Passons sur le fait que ces mêmes experts estimaient impossible une victoire de Trump en 2016, ou même un retour en politique de celui-ci après les évènements du Capitole.

Tentative d'assassinat de Donald Trump

Ce week-end, on a franchi un nouveau cran dans l’horreur, lorsqu’un tireur isolé a tenté d’assassiner Donald Trump pendant son meeting à Butler, en Pennsylvanie. Le 13 juillet dernier, alors qu’il se trouvait dans la ville de Butler (Pennsylvanie) pour y donner un meeting, Donald Trump a frôlé la mort. L’ancien président américain qui vient d'apprendre une excellente nouvelle pour sa campagne avant l’élection qui se tiendra à l’automne, a été victime d’une tentative d’assassinat : une balle l’a touché au niveau de l’oreille, avant qu’il ne soit évacué par son service de sécurité.

Plus d’un mois après avoir été victime d’une tentative d’assassinat en Pennsylvanie, Donald Trump a repris les meetings en plein air... Une attaque et une évacuation spectaculaires, qui ont donné lieu à d’impressionnantes images. Mercredi 21 août, le candidat républicain, qui a récemment diffusé de fausses images laissant penser qu’il avait le soutien de Taylor Swift, a pris part à son premier événement de campagne en extérieur depuis sa tentative d’assassinat. Lorsque Donald Trump est monté sur scène à Asheboro (Caroline du Nord), les citoyens ont pu observer que de grands panneaux en verre pare-balles avaient été disposés autour de lui. Un dispositif d’ordinaire réservé au président et au vice-président. Sur les toits aux alentours, des snipers supplémentaires avaient également été mis en place pour anticiper tout incident. Désormais, le USSS devrait également avoir davantage recours à des drones, afin de localiser un tireur potentiel, alors que de tels engins n’avaient pas été déployés en Pennsylvanie.

L’attaque dont Donald Trump a fait les frais mi-juillet a bouleversé son épouse, Melania. Un épisode troublant que l’ex-président en personne a évoqué lors de son passage dans l’émission The Ingraham Angle, diffusée le 29 juillet sur Fox News. Lors de l’échange, il a assuré que sa femme avait été traumatisée par sa tentative d’assassinat. Il a indiqué qu’elle avait pensé qu’il était mort, au moment où il s’est couché derrière son pupitre pour éviter les balles. "[Elle] pensait que le pire était arrivé, a-t-il observé. Elle ne peut même pas en parler, ce qui est normal, car cela signifie qu’elle m’apprécie ou qu’elle m’aime." Cette attaque, l’ancienne Première dame y avait fait allusion dans un communiqué publié au lendemain des faits : "Lorsque j’ai vu cette balle violente frapper mon mari, j’ai réalisé que ma vie et celle de [notre fils] Barron étaient au bord d’un changement dévastateur." "Je suis reconnaissante envers les courageux agents des services secrets et des forces de l’ordre qui ont risqué leur vie pour protéger mon mari, avait-elle ajouté.

Réactions politiques et accusations

Aussitôt, les républicains ont saisi l’opportunité de rendre les démocrates responsables de cet évènement. Comme le sénateur de Floride, Rick Scott qui a jugé « que le tireur fou avait été inspiré par la rhétorique de la gauche radicale ». La députée de Géorgie Marjorie Taylor Greene, a quant à elle écrit que « les démocrates et les médias étaient responsables du sang versé aujourd’hui ». Tous ces discours incendiaires ont été prononcés avant même que les autorités n’identifient le tireur présumé : Thomas Matthew Crooks, âgé de 20 ans, était inscrit au registre des républicains et avait fait un don minime à un groupe lié aux démocrates.

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Par ailleurs, les enquêteurs tentent toujours de déterminer le mobile de son acte. En d'autres termes, avant que le moindre détail ne soit connu, les républicains ont exprimé leur certitude que les démocrates et les médias étaient responsables. Comme toujours, souligne Jason Stanley, professeur de philosophie à Yale, dans une analyse pour Zeteo, les normes sont différentes pour les démocrates et pour les républicains : « Pendant des années, les républicains ont tenu des propos incendiaires à l'encontre de l'ancienne présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. Lorsque Paul Pelosi, le mari de Nancy Pelosi âgé de 82 ans, a été frappé à la tête avec un marteau par un extrémiste de droite, cela a été une source d'amusement et de plaisir pour certains Républicains, y compris Trump lui-même », et les alliés de Trump ont lancé des théories de conspiration farfelues. Hier comme aujourd'hui, les normes démocratiques continuent à n'être respectées que par un seul côté de l’échiquier.

Conséquences politiques potentielles

«Les conséquences politiques de cette tentative d'assassinat seront immenses». Les éditorialistes se sont empressés de voir cet évènement come le signe infaillible de la victoire prochaine de Donald Trump. « Le sang transforme Trump en martyr et rallie les républicains à lui », note ainsi Politico, qui ajoute : « L'incident a servi à renforcer l’un des piliers de l'image de Trump : la force ». Le stratège politique Steve Schmidt, ancien républicain, s'est fait l'écho du même raisonnement en écrivant: « Les conséquences politiques de cette tentative d'assassinat seront immenses et profiteront à Donald Trump, qui vient d’affronter les balles avec le même charisme que Theodore Roosevelt ».

Notons toutefois que, malgré la tentative d’assassinat, Roosevelt avait perdu l’élection. Mais le pire est certainement ce démocrate de haut rang anonyme qui a déclaré à Axios que « tout le monde s’était résigné à un second mandat Trump ». Les tentatives d'assassinat jouent un rôle terrible dans l’histoire politique américaine, mais elles ne valent pas victoire. Certes, Ronald Reagan a été réélu haut la main en 1984, trois ans après qu’on ait tenté de l’abattre, mais les candidatures de Teddy Roosevelt et de Gerald Ford (qui a perdu face à Jimmy Carter en 1976, malgré deux tentatives d'assassinat) n'ont pas offert d’avantage évident.

Personne ne sait ce que les élections du mois de novembre nous réservent, et les sondages peuvent conduire à des interprétations fausses, au-delà de la pure indication de tendance. Une donnée reste toutefois imprévisible : l’homme d’affaires de 78 ans ne respecte pas toujours ces dispositifs. Ainsi, en Caroline du Nord, il a provisoirement délaissé la protection des vitres pour faire une accolade à une femme présente parmi les supporters.

L'imprévisibilité de Trump et les stratégies d'Hillary Clinton

Hillary Clinton décide de parer à toute éventualité. Avec une faible marge d'avance sur son adversaire dans les sondages, Hillary Clinton n'aura pas droit à l'erreur pendant le débat de ce lundi soir. Contre un adversaire aussi imprévisible que Donald Trump, la candidate démocrate a pensé à tout, en commençant par étudier une à une les affirmations souvent hasardeuses de son opposant, afin de pouvoir les démonter le moment venu, selon la chaîne CNN. Rien d'étonnant de la part de cette candidate réputée pour sa connaissance poussée des dossiers.

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Plus original est ce florilège d'analyses psychologiques et d'anecdotes méthodiquement constitué depuis des mois par ses équipes, pour cerner au mieux la personnalité de son adversaire. Avec une idée en tête d'après le New York Times: pointer les mensonges de Donald Trump sur le plateau ne lui suffira pas à prendre l'avantage. Pour les démocrates, il faudra le faire sortir de ses gonds en direct et prouver qu'il n'a pas le tempérament attendu du président de la première puissance mondiale. Difficile toutefois de déstabiliser l'ex-star de télé-réalité, très à l'aise devant les caméras et maître dans l'art de la réplique assassine. Alors la diplômée de Yale et ses équipes ont bûché comme jamais pour tenter de déceler, sous cette carapace de confiance inébranlable et de fanfaronnades outrancières, les fragilités à exploiter chez son rival.

Pendant des heures, rapporte CNN, les têtes pensantes de sa campagne ont disséqué les prestations de Donald Trump lors des débats pour la primaire républicaine. En étudiant plus particulièrement ses moments d'agitation, notamment lors de ses échanges avec son ex-rival Ted Cruz. Le style Hillary pour cette échéance? Prendre des notes quand son adversaire s'exprime, le regarder droit dans les yeux, rester calme et attentive en évitant toute réaction ostentatoire. Face au bouillonnant républicain, son attitude sur le plateau sera particulièrement scrutée.

Quand et comment interrompre son adversaire sans avoir l'air inutilement agressive? Une stratégie semble s'être imposée au cours de ses nombreuses sessions de répétition avec ses conseillers: laisser parler Donald Trump et le prendre en flagrant délit de mensonge ou de distorsion des faits, plutôt que d'essayer d'occuper la parole, explique le New York Times. La candidate se doit d'apparaître détendue et maître d'elle-même. Son principal point faible reste son image de femme rigide et irritable, même si elle a profité de ses répétitions pour décompresser, en s'autorisant des plaisanteries et des sarcasmes impensables sur un plateau de télévision. Ses conseillers lui ont aussi rédigé quelques piques à l'attention de son adversaire. Des formules destinées à marquer les esprits, qu'elle devra mettre en oeuvre avec assez de naturel pour en préserver l'effet. Quelques pistes sont ainsi évoquées par le quotidien américain. Si Donald Trump, par exemple, clame de nouveau son admiration pour Vladimir Poutine, elle devrait s'appuyer sur le héros du parti Républicain pour lui répondre.

Analyse psychologique et électorale de Trump

La question posée ici est plutôt celle de savoir pourquoi il a été élu, avec une confortable majorité, et avec un solide noyau électoral en sa faveur. Et j’exclus immédiatement l’explication, intellectuellement paresseuse et un brin méprisante, selon laquelle ceux qui l’ont élu sont stupides, incultes, red neck, issus du patriarcat blanc, racistes, complotistes et fascisants. Je fais l’hypothèse que l’élection de Donald Trump est le produit d’un mouvement de fond dans la société américaine, mouvement dont il est le produit et qu’il a su incarner, non pas tant grâce à sa personnalité, mais souvent malgré sa personnalité.

La majorité de ses électeurs ne se font aucune illusion sur le côté fantasque, imprévisible et souvent superficiel, sur les sujets qu’il aborde. Commençons par deux constats. Premier constat, alors qu’il n’avait cessé d’augmenter tout au long du XXème siècle, le niveau de vie, celui des classes moyennes, qui forment une large majorité de la population, n’a cessé de décroître depuis, avec une pente accentuée à partir des années 2010. Le consommateur épanoui, icône de l’American way of life, avec un bon emploi, rémunérateur, une maison bien équipée, une voiture puissante, n’existe pratiquement plus. L’Américain moyen aujourd’hui doit se restreindre sévèrement, souvent simplement pour survivre. Son plaisir de vivre ne trouve plus de point d’appui économique.

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Le deuxième constat est que le psychisme de nombreux Américains a été envahi, disons, ces quinze dernières années, par une angoisse sans nom, qui a pris des formes diverses, qui s’est exprimée à travers de nombreux affects, dont le moindre n’est pas la tentation de basculer dans des « paradis artificiels », comme en témoignent les centaines de milliers de morts par overdose, notamment d’opioïdes. Au delà des drogues et de l’alcool, c’est une véritable épidémie, meurtrière, de ce que Peter Turchin appelle les « morts par désespoir » (dans son remarquable ouvrage : Le chaos qui vient, élites, contre-élites, et la voie de la désintégration politique, Le cherche midi, 2024). Les femmes, longtemps et universellement écartées de ce schéma d’auto destruction, l’ont rejoint, à égalité.

Ces deux constats s’appuient sur nombre de données objectives. La taille moyenne des Américains, par exemple, longtemps la plus haute du monde, a désormais cessé d’augmenter (contrairement à celle des habitants de la plupart des autres pays occidentaux). L’espérance de vie des classes moyennes a baissé. En six ans, de 2014 à 2020, elle a perdu 1,6 année. En termes de santé mentale, la situation est catastrophique. La « détresse extrême », indicateur de la dégradation massive du « bien-être subjectif », a doublé de 1993 à 2019.

Un mouvement de fond a touché la société américaine, en son cœur, celui de ses travailleurs, de l’immense majorité de sa population. Il est si profond et si puissant qu’il a conduit une partie de l’élite américaine (qui, globalement, s’est enrichie pendant cette période, soutenue tour à tour par les Républicains et les Démocrates) à virer de bord. Comment caractériser ce puissant courant qui s’est levé et a bousculé non seulement la politique américaine et bientôt peut-être sa culture toute entière, mais aussi la politique internationale ?

C’est à ce point du raisonnement qu’il faut se souvenir des contributions de Freud, et de la psychanalyse, à la compréhension de la culture et de la dynamique des sociétés. Pour Freud, l’humanité, l’homme et sa capacité de faire-société, est née d’une opération de restriction pulsionnelle, notamment de ses pulsions d’agression, dont il ne peut pas se séparer, mais qu’il peut, par contre, réprimer. Pour sortir de l’animalité qui nous guette en permanence, il nous faut donc nous empêcher de ce que nous commettrions naturellement : le meurtre, la violence, l’inceste, le viol, l’agression. Nous n’arrivons à faire société, à vivre, qu’en retournant contre nous, pour en épargner les autres, cette pulsion d’agression qui pousse sans fin, mais, du coup, en nous sentant coupable de l’éprouver et d’avoir ne serait-ce que l’intention de l’exercer.

La société américaine est particulièrement concernée par ce mécanisme de restriction pulsionnelle. Toute son histoire, depuis l’état de violence initiale dans laquelle elle s’est trouvée au départ de la colonisation de l’Amérique du Nord (domination des bandes criminelles, génocide des indiens, larges territoires soumis à la loi du plus fort), a été marquée par la progression laborieuse de cette restriction des pulsions d’agression. La tentative récurrente de purger la culture de la vengeance, comme organisatrice des rapports sociaux, en est un des signes les plus manifestes.

Les dernières avancées de la culture qui étaient portée par l’idéologie des élites économiques, médiatiques, universitaires et en partie politiques (surtout démocrates), allaient dans le sens d’exiger encore plus de restrictions dans le domaine de la morale et des mœurs quotidiennes : l’expression de la sexualité mise sous surveillance, la virilité protectrice comme mode d’expression tempérée de la capacité d’agression dévalorisée, voire délictualisée, la masculinité découplée de la biologie. En un peu plus d’une décennie la société américaine a produit, sur toutes les bases qui viennent d’être décrites, un immense et pesant « surmoi culturel », comme dit Freud, dont on ne compte plus les interdictions qu’il édicte.

L’immense emprise du sentiment de culpabilité qu’il génère est vécu, par les élites qui sont à l’origine de ce surmoi culturel, comme si puissant qu’il valorise les comportements vertueux, dont Freud a bien décrit le mécanisme d’emballement. Lorsqu’une société en vient à pratiquer trop avant la restriction pulsionnelle, elle fait peser un poids très lourd sur les épaules de tous, qu’ils fassent partie de l’élite, ou des classes travailleuses. Lorsque s’abat, sur ces dernières, d’autres soucis, comme la baisse du revenu, les difficultés à se soigner, à se loger, la difficulté à trouver un plaisir à vivre, ces classes travailleuses se trouvent déjà en position insupportable de restriction tout azimut.

En ajoutant à cela l’apologie de l’immigration, non seulement pour continuer encore plus à peser sur les salaires pour les faire baisser, mais pour faire la promotion du remplacement des anciennes populations, coupables, par de nouvelles, vertueuses par nature puisque présentées comme « victimes ». Le Parti démocrate en a fait sa politique. A l’insupportable restriction économique qui frappent les classes moyennes de plein fouet, à la culpabilité accumulée pour purger le pays d’une violence toujours résurgente, les Démocrates et les élites universitaires ont ajouté l’insupportable exigence d’une révolution vertueuse des mœurs. C’était trop, et cela ne pouvait durer.

A trop comprimer le psychisme de l’Américain, dans un contexte de restriction des plaisirs de la consommation, l’explosion était inévitable. Le premier homme politique, et ici ce n’est pas le moindre, qui est passé par là et qui a promis la fin de ces exigences de renoncement pulsionnel, devait être élu d’office, quelque soit sa personnalité, et encore mieux s’il montre l’exemple d’un déchaînement personnel. A regarder de près son programme et ses premières décisions, Trump ne fait rien d’autre que d’appeler, tous azimuts, à la fin des restrictions à la fois économiques et pulsionnelles.

Voilà ce que Freud nous permet de comprendre : la promesse de réduction de l’angoisse que génère le renoncement et la vertu fait gagner les élections.

Indicateurs de détresse sociale aux États-Unis
Indicateur Période Évolution
Espérance de vie des classes moyennes 2014-2020 Diminution de 1,6 année
"Détresse extrême" (bien-être subjectif) 1993-2019 Doublement

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