L'approvisionnement en eau a toujours été un problème majeur dans l'histoire de nos villages et de nos villes. Pourtant, l'eau était indispensable à la vie.
Nos ancêtres puisaient leur eau dans les rivières, les fontaines et les abreuvoirs. Les châteaux avaient leur puits, tout comme les abbayes. En cas de troubles, les habitants et les animaux se resserraient d’abord autour du puits seigneurial ou monacal. On connaît le rôle de défrichement et de mise en culture des monastères toujours édifiés près des sources d’eau abondante.
La culture et l’élevage nécessitaient de grandes quantités d’eau. La sécheresse causait des famines dès que les champs, les animaux domestiques si nombreux, les chevaux, sans parler des êtres humains, manquaient de cette eau si précieuse.
Au 13e siècle, des canonistes en viennent même à considérer que si quelqu’un vole de la nourriture ou de la boisson « à cause de la nécessité de la faim, de la soif... Le Moyen Age a inventé le moulin à eau et à vent. Il a contribué à épargner la peine des hommes et à assurer un meilleur rendement.
Les maires ou autres responsables des villes se sont toujours souciés de cet approvisionnement en eau. Les forêts étant abondantes, beaucoup de sources étaient captées avec force difficultés. On retrouve souvent dans les fouilles archéologiques, des fragments de conduits en poterie, parfois en plomb, beaucoup plus coûteux, qui alimentaient les fontaines, les abreuvoirs ou les réservoirs publics précieusement recouverts de bâches pour limiter évaporation et pollution.
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Ce n’est guère que sous le règne de François Ier que les historiens trouvent des traces écrites de ces travaux d’adduction. Les lettres patentes royales attestent l’importance de ces travaux, leur coût élevé. Les « fontainiers » sont des personnages respectés...
Quand une ville est pourvue en eau par ces travaux, les habitants paient chaque année un impôt pour l’entretien des fontaines et des canalisations. Ils rechignent souvent à payer cette eau, surtout lorsqu’elle n’arrivait plus ou mal, en raison de la vétusté des réseaux qui s’embourbent ou de travaux mal faits.
Les porteurs d’eau avaient alors la charge d’aller puiser dans les fleuves et rivières, en principe en amont des villes... Si les moyens d’adduction d’eau progressent avec le temps, les besoins d’eau augmentent toujours et deviennent critiques dans les villes. Seules les maisons hollandaises ont alors des puits en Europe.
Les porteurs d’eau sont un des exemples de ces « petits métiers » des grandes villes, célèbres pour leurs « cris ». Les habitants les reconnaissent soit au bruit de leurs outils ou instruments (aiguiseurs de scies, violoneux, chaudronniers), soit à leurs cris spécifiques annonçant leur fonction (ramoneur, « tireur » de dents, ressemeleur de souliers) ou ce qu’ils vendent (des huîtres, du poisson, du lait, du vin et bien entendu, de l’eau !).
Au Moyen Age déjà, le prévôt Etienne Boileau recensa cent vingt métiers de rues ! Mais il faut une oreille exercée pour s’y reconnaître dans cette cacophonie. « Jamais ne cesseront de crier parmi Paris jusqu’à la nuit ».
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Un manuscrit français du 14e siècle nous montre déjà un porteur d’eau avec deux seaux. Mais il est une représentation encore plus ancienne (vers 1230), qui revêt un caractère symbolique. Parmi les quarante-deux vitraux offerts à la cathédrale de Chartres par les corps de métiers de la ville, figurent celui donné par les porteurs d’eau, à la partie basse du vitrail de sainte Marie-Madeleine.
« A l’eau... L’aspect pittoresque de ces métiers a attiré peintres et graveurs. Chacun a sa tenue appropriée. Le porteur a toujours deux seaux de hêtre recouverts d’un morceau de bois rond qui empêche l’eau de flotter. Ces seaux d’une douzaine de litres chacun sont attachés par des crochets à un cerceau rigide qui maintient les seaux à distance du porteur à peu près à mi-cuisses. Une sangle de cuir, dite « bretelle », passée derrière son cou supporte le tout. C’est un rude métier que de porter l’eau à domicile en montant les étages !
Paris avait au 18e siècle vingt mille porteurs d’eau, presque tous originaires d’Auvergne. « Dès la fin du 17e les migrants du Massif central avaient colonisé Paris. Robustes, ils assuraient des travaux durs et fatigants que les Parisiens boudaient. » En outre, le métier ne nécessitait pas un gros investissement en matériel pour ces hommes aux modestes ressources.
Il y avait trois catégories : ceux à sangle qui s’approvisionnaient aux fontaines publiques depuis qu’il leur a été interdit de puiser l’eau dans la Seine ; ceux qui traînaient eux-mêmes un tonneau monté sur deux roues et ceux dont le tonneau était traîné par un cheval. Tout porteur d’eau paie à la ville un droit par hectolitre et a un numéro d’ordre délivré par la police. Il achète sa clientèle qui paie par abonnement, en règle générale.
Le porteur a d’autre part une obligation absolue : celle d’avoir toujours ses seaux pleins la nuit pour combattre les incendies, si fréquents et dévastateurs. Tous les habitants se mobilisent alors pour faire la chaîne. Les moyens sont dérisoires...et les villes brûlent.
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La seconde partie du 19e siècle verra se développer une autre activité des porteurs d’eau : la baignoire à remplir dans les appartements parisiens. Le livreur transporte des seaux d’eau chaude sur une charrette, les monte à l’étage, redescend chercher l’eau froide dans la cour. « Il n’a pas le droit de rester dans l’appartement pendant le bain et se repose sur le palier ».
Les Parisiens moins aisés fréquentent les bains publics. A la fin du Second Empire, la profession périclite. Les « Auvergnats » vont se convertir en « bougnats », vendeurs de charbon très demandés.
Qu’en est-il dans les autres pays que la France ? La situation est à peu près la même en Italie, en Autriche, en Allemagne. A Londres, un poème datant de 1420 raconte l’histoire d’un pauvre vendeur qui n’a jamais eu un sou pour acheter ce qu’il vendait ! Ces marchands ambulants s’appellent communément « costermongers » (marchands de pommes côtelées, sans doute très appréciées). Ils ont la réputation d’être aussi bruyants que ceux de Paris.
Les marchands des rues resteront en très grand nombre à Londres, puisqu’on les estime à près de cinquante mille personnes, y compris femmes et enfants, sous le règne de Victoria. Les boutiquiers continuaient à ne pas toujours regarder d’un bon œil ces petits colporteurs des rues vendant l’utile comme le superflu à des clients qui n’avaient même pas à se déranger ! Les Images d’Epinal les montrent encore en activité jusqu’à la Première Guerre mondiale. Et la clochette d’un aiguiseur de couteaux ne résonne-t-elle pas encore parfois dans les rues ?
En 1861, l’écrivain anglais Anthony Troloppe a, le premier, employé cette expression « Hewers of wood and drawers of water » en parlant des Canadiens français auxquels il prédisait un avenir peu reluisant.
Au 17e siècle, Paris compte environ sept cent mille habitants : Force leur est de s’approvisionner aux fontaines qui sont devenues des véritables édifices (alimentés par les aqueducs). Celles-ci sont alimentées par les eaux de la Seine, fortement polluées par les déchets de toutes sortes provenant surtout des abattoirs et des teintureries. Les bains publics populaires sont installés dans la Seine, qui n’est pas curée. On se blesse les pieds sur les détritus et tessons. Ce n’est pas du tout le confort des bains antiques !
Prendre un bain à domicile est un luxe. L’hygiène laisse fort à désirer. L’arrivée d’eau autant que son évacuation est difficile. Les habitants sont entassés dans des maisons étroites, aux tuyaux d’eaux usées qui se bouchent sans cesse et inondent les étages. Alors on vide les seaux par la fenêtre ! La corporation des vidangeurs s’épargne la peine de transporter les eaux usées et les immondices hors de la ville et les jette avant le jour dans les égouts et caniveaux qui se déversent dans la Seine...
Le Moyen Age, on le sait, vivait sous le régime des corporations aux règles très précises. Les « boutiquiers » étaient groupés par rues ou par quartiers. Ils n’appréciaient guère les marchands ambulants qui avaient une clientèle très populaire... et à domicile !
Métier | Description |
---|---|
Fontainiers | Personnages respectés chargés de la construction et de l'entretien des fontaines et canalisations. |
Porteurs d'eau | Responsables de l'approvisionnement en eau, puisant dans les rivières et les fontaines pour livrer à domicile. |
Vidangeurs | Chargés d'évacuer les eaux usées et les immondices hors de la ville. |
Aiguiseurs de scies, violoneux, chaudronniers | Artisans dont le bruit des outils permettait de les identifier dans la cacophonie urbaine. |
Ramoneurs, tireurs de dents, ressemeleurs de souliers | Artisans dont les cris spécifiques annonçaient leur fonction. |
Marchands ambulants | Vendeurs d'huîtres, poisson, lait, vin et autres produits, concurrençant les boutiquiers. |
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