Figure emblématique du cyclisme français, Raphaël Géminiani, surnommé "le grand fusil" ou encore "Gem", s'est éteint le vendredi 5 juillet 2024 à l'âge de 99 ans. L'Auvergnat aura marqué l'histoire de ce sport et restera à jamais une légende du Tour de France. C'était une figure emblématique du cyclisme français.
Les obsèques de Raphaël Geminiani, décédé à 99 ans, avaient lieu le mercredi 10 juillet à Clermont-Ferrand. Un dernier adieu au Clermontois, légende du cyclisme, le jour même où le Tour de France passait par l'Auvergne. La Ville de Clermont-Ferrand a baptisé la tribune du stade Marcombes rénové, tribune Raphaël Géminiani, en son honneur. Presqu’un an après sa disparition à 99 ans, une cérémonie de dévoilement de plaque a été organisée le jour du centenaire de sa naissance. L'Essentiel: la tribune du stade Philippe Marcombes a été renommée tribune Raphaël Géminiani en hommage au célèbre cycliste clermontois, le jour de ce qui aurait été son centième anniversaire.
Lors de la cérémonie, son fils Jean-Louis a exprimé sa gratitude envers la mairie et a partagé son regret de ne pas avoir plus de souvenirs de la première visite de son père au stade en 1951. Jean-Louis Géminiani a déclaré : "En 51, j’étais tout petit, bébé, et je n’ai aucun souvenir de mon premier passage. C’est dommage parce que cela devait être un moment intense à vivre. Je me souviens d’un article dans lequel, il disait que la traversée de Clermont avait été un grand moment. Il en avait plein les cannes, mais ça l’avait poussé quand même j’imagine." Il a ajouté : "C’est un bel hommage pour ses 100 ans. C’est sûr qu’il aurait bien aimé être là pour participer."
Jean-Louis Géminiani a souligné l'attachement de son père à sa ville natale : "Clermont était sa ville. Une fois qu’il a arrêté sa carrière, il a eu pas mal de commerces. Il était né à Clermont, y avait passé sa jeunesse et il revenait dès qu’il pouvait. Il y a eu un petit épisode d’une dizaine d’années où il était sur la Côte d’Azur, dans le Var. Mais il est revenu dès qu’il a pu. Clermont était vraiment sa ville et il s’y plaisait." Il a également noté la reconnaissance du nom de son père : "Geminiani ça fait tilt dans la tête des gens. Mais cela faisait surtout tilt il y a 30 ou 40 ans, mais c’était une autre génération. De toute façon cela a toujours été ça. On m’a toujours posé la question… 300 000 fois « Vous êtes parent avec Le grand fusil » ?"
Quarante-huit Tours de France au compteur. Ce seul chiffre illustre l’importance qu’a eue Raphaël Géminiani dans l’histoire du cyclisme français. Grande figure du cyclisme d’après-guerre, l’Auvergnat, né le 12 juin 1925 à Clermont-Ferrand, est décédé de vieillesse. « C’était une grande figure, un homme formidable qui avait le sens de la répartie », a salué le patron du Tour de France, Christian Prudhomme. En tant que coureur, l’un des plus valeureux d’une époque dorée pour ce sport, puis en tant que responsable d’équipe, l’un des premiers à avoir introduit les marques extra-sportives dans le peloton des années 1960.
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Surnommé "le grand fusil" pour ses attaques sèches, Raphaël Géminiani a aussi été directeur sportif de grands noms du cyclisme comme Jacques Anquetil ou encore Eddy Merckx. Reconnu pour sa hargne et sa ténacité à vélo, Raphaël Géminiani était un attaquant infatigable, et ses accélérations répétées lui valent le surnom de "Grand Fusil". Personnage haut en couleur, volubile, ses contemporains lui accordent un sens aigu de l’amitié. Après sa carrière de coureur cycliste, il devient directeur sportif, cette année-là de l’équipe Café de Columbia-Varta.
Coureur passe-partout (vainqueur du GP de la montagne au Tour et au Giro), indifférent à la météo, le fils d’émigrés romagnols ayant fui le fascisme était emporté et impétueux. C’était là un trait de caractère à l’origine de son surnom : le « grand fusil ». Explication de l’intéressé : « En 55, Louison (Bobet) avait connu des difficultés. Il était inquiet au point que je me mis en devoir de le rassurer : “ Te biles pas, lui avais-je dit, je vais te mettre des coups de fusil là-dedans. ” Reconnaissant, Bobet avait ensuite lâché devant un journaliste : “ Ah ! Sacré grand fusil. ” J’avais trouvé mon nom de guerre. »
Il découvrit le Tour de France juste après la guerre en 1947, et devint tout de suite incontournable, avec une gueule et une gouaille d'acteur qu'on ne pouvait oublier. Il avait le sens de la formule qui plaisait aux journalistes, comme quand il racontait le Tour de France 1950 frappé par la canicule : « Quand on ouvrait les portes du camion frigorifique, les cuisses de poulet venaient toutes seules. Geminiani au milieu des spectateurs lors du Tour 1953. Les deux hommes étaient rivaux depuis leurs débuts, quand ils se disputaient le Premier Pas Dunlop, mais Geminiani avait compris par la suite qu'un rôle d'équipier de luxe lui convenait mieux que celui d'un leader raté. Il se réconcilia donc avec Bobet mais quitta la France pour s'engager avec la prestigieuse équipe Bianchi en 1952 pour se mettre au service Fausto Coppi qui remporta le Giro cette année-là.
Mais il avait compris depuis longtemps que sa popularité était plus importante que son palmarès, il avait même osé utiliser son prénom pour s'associer à la marque d'apéritif Saint-Raphaël pour financer son équipe, ouvrant ainsi la porte au sponsoring qui signait la fin des équipes nationales et régionales sur le Tour de France. Raphaël Geminiani en jaune sur le Tour 1958, entre Jacques Anquetil et Charly Gaul. Directeur sportif des plus grands Raphaël Geminiani a été un précurseur, il allait ainsi courir en Afrique là où peu de coureurs s'aventuraient mais où les juteux contrats proposés valaient bien plus que certains critériums en France. Ça avait failli lui coûter la vie, en janvier 1960, il attrapa avec Fausto Coppi qui l'avait accompagné en Haute-Volta (aujourd'hui le Burkina Faso), le paludisme. L'Italien succomba quand l'Auvergnat sortit du coma.
Coureur durant douze saisons, il passa derrière le volant des voitures pour diriger des équipes (Saint-Raphaël, Ford, Bic…) et mener à la victoire dans le Tour Jacques Anquetil, par trois fois, puis Lucien Aimar en 1966. Il mit un terme à sa carrière quelques mois plus tard et devint directeur sportif des plus grands noms du peloton comme Jacques Anquetil durant la majeure partie de sa carrière, Jean Stablinski, Lucien Aimar, Rudi Altig et aussi Eddy Merckx sur sa fin de carrière. Il dirigea aussi Joaquim Agostinho, les Colombiens Fabio Parra et Lucho Herrera ou encore Stephen Roche.
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Ah, Anquetil ! « Tout nous opposait au début, racontait-il en 2018 en présentant un livre évoquant sa relation avec l’inoubliable champion normand, quintuple vainqueur du Tour. Et finalement, on s’est entendu comme rarement, dans le cyclisme, il y a eu un tandem aussi fort. Lui avait confiance en moi et moi j’avais confiance en lui. »
En 1954, il lance sa propre équipe, Saint-Raphaël Géminiani, avec ses propres vélo. Il devient alors directeur sportif de Jacques Anquetil, qu’il va “diriger” durant toute sa carrière. Les deux hommes ont beaucoup travaillé le contre-la-montre, en étudiant les positions et le poids ou en jetant, empiriquement, quelques bases d’aérodynamique. En 1977, Raphaël Geminiani dirige la dernière saison d’Eddy Merckx, le Canibale et demeure directeur sportif jusqu’à la fin de la saison 1986.
Dans sa retraite des environs de Clermont-Ferrand, Géminiani aimait égrener les souvenirs. Le Tour le plus marquant ? « Celui de 47. On était tous à redécouvrir une nouvelle épreuve. La fête était totale. Il n’y avait pas de télévision ni de voitures, pas de concurrence. Il n’y aura jamais autant de monde sur les routes. »
Le plus grand champion du Tour ? « Eddy Merckx, car on est bien obligé d’associer à ses cinq succès, les cinq autres réalisés sur le Giro. Derrière lui, je placerais Jacques Anquetil et Bernard Hinault à égalité. »
Le « campionissimo » Fausto Coppi ? « Il était surnaturel, le coureur le plus complet que j’aie jamais connu. J’ai eu la chance d’être son coéquipier en 52 et ça m’a foutu le moral en l’air ! Il avait une vie monacale. Toujours dans le noir, à descendre les escaliers un par un. Il semblait éternel tant sa personnalité a inspiré des générations de cyclistes.
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Sa voix résonne encore, de ses débats interminables, de ses coups de gueule légendaires, de ses souvenirs qu'il racontait avec véhémence. « Gem » était aussi connu sous le sobriquet de « grand fusil » qu'il traînait depuis sa carrière où sa silhouette longiligne faisait fureur dans les pelotons. Il était à la fois un immense grimpeur mais aussi un baroudeur intraitable qui n'avait peur de rien. La richesse de sa carrière ne se traduit pas seulement à travers son palmarès, il fut surtout le rival puis l'allié de Louison Bobet mais aussi l'équipier de Fausto Coppi, puis le directeur sportif historique de Jacques Anquetil et celui d'Eddy Merckx sur sa fin de carrière.
Souvent présent sur les courses, notamment sur le Tour de France et sur les épreuves auvergnates, il n’a jamais rechigné à donner son avis - éclairé - sur le sport cycliste. Il a d’ailleurs signé de nombreux articles, notamment dans les pages de France-Soir. Et puis, il organisera activement, dans les années 2000, sa propre épreuve cyclosportive, La Raphaël Géminiani. Élu au conseil municipal de Pérignat-sur-Allier (63), entre 1995 et 2001, il s’était éloigné “des affaires” depuis près de 10 ans. Vivant dans un EPHAD, il a été hospitalisé, début juin.
Jean Bobet, crut voir en Geminiani un ' Talleyrand du vélo ', au motif qu'il ' s'accomod[ait] de tous les règnes (Coppi, Bobet, Rivière, Anquetil, Merckx...) Plus justement, ce fils d'immigrés italiens cachait un Murat, c'est-à-dire un hussard spontané, chaleureux, courageux et populaire, servi par une insolente santé. Celle-ci lui permit d'enchainer douze Tours de France en treize saisons professionnelles, et d'aller guerroyer crânement dans cinq Giri d'Italie.
Compétition | Résultats |
---|---|
Tour de France | 7 étapes remportées |
Tour de France | Deux podiums : 2e en 1951, 3e en 1958 |
Tour de France | Meilleur grimpeur en 1951 |
Championnat de France | Champion en 1953 |
Dans la galerie qui raconte l'histoire du cyclisme, le portrait de Raphaël Geminiani figure en bonne place. D'une part parce qu'avant de devenir un directeur sportif avisé, il a été un excellent coureur, vainqueur de nombreuses courses, signant de grands exploits et figurant plusieurs fois aux places d'honneur de "La Grande Boucle" ; d'autre part parce qu'il est de cette galerie l'une des figures les plus attachantes, par son caractère passionné, sa malice, son langage richement fleuri et, de l'avis de tous, son sens de l'amitié.
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