Son camp, Jean Ziegler l'a choisi depuis longtemps. Son engagement est même l'œuvre de toute une vie. A l'université de Genève d'abord, où il a formé des générations de sociologues à la pensée critique. A l'ONU ensuite, où il a travaillé sans relâche à l'éradication de la faim au nom de la dignité des peuples. Dans ses livres enfin, par lesquels il n'a cessé de dénoncer les mécanismes d'assujettissement des peuples du monde.
A partir de ses expériences de terrain et de son travail critique, Jean Ziegler a constitué le trésor de guerre que voici, présenté dans une édition entièrement refondue, plus de trente ans après la première. Comment penser le monde et le transformer ? Quels sont les outils analytiques à notre disposition pour y parvenir ? Choisir son camp, oui.
Trente ans après la parution du célèbre manuel de « sociologie d’opposition » de Jean Ziegler « Retournez les fusils », on peut espérer qu’il est encore aujourd’hui possible de faire de la sociologie tout en assumant franchement et sans complexe sa fonction de dévoilement et de dénonciation des dysfonctionnements sociaux qui sont autant de violences faites aux groupes les plus fragiles de la société.
Si pour de nombreux sociologues en chambre, la sociologie s’est bien rangée dans la fade analyse des nouvelles structures du capitalisme postindustriel, heureusement que ce n’est pas le cas pour tous. En tout cas, avec les Pinçon-Charlot, la sociologie est redevenue ce qu’elle n’aurait jamais perdu de vue: un sport de combat. Dans son dernier ouvrage, La violence des riches (éd. Zones), le couple de sociologues déambulateurs décortique «la mécanique de domination» s’exerçant depuis le haut de l’échelle sociale. Une violence économique et symbolique que les auteurs jugent redoublée par la crise, et dont les terrains sont l’usine comme la ville, la rue comme le petit écran.
Sans oublier les mots utilisés par l’adversaire comme la « guerre de classes » qui cessent ici d’être des concepts tabous pour retrouver une nouvelle jeunesse conceptuelle fraîche et impertinente.
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Monique Pinçon-Charlot : Parce que la violence dans les rapports sociaux s’est beaucoup aggravée avec cette nouvelle phase du capitalisme, le néolibéralisme, dans laquelle la finance prend le pas sur la politique. Les sphères publiques et privées s’intègrent de plus en plus. L’effet sur les gens est désarmant. Le sentiment dominant est que les marchés commandent, que les agences de notation sont souveraines, que tout cela est naturel et que l’on n’y peut rien.
Vous évoquez le concept de «violence symbolique». Monique Pinçon-Charlot : Il s’agit d’une timidité sociale, d’une forme de honte, qui empêche d’aller voir le haut de la société. Michel Pinçon : C’est remarquable avenue Montaigne, près des Champs-Elysées. Vous y trouvez des magasins de haute couture. Un jour, dans le quartier, nous avons vu un couple regarder une vitrine. Il s’agissait d’enseignants de Nantes en voyage de noces. La femme dit adorer les beaux vêtements.
Michel Pinçon : Il s’agit bien d’une classe sociale dont les membres sont conscients de leur appartenance. Ils se regroupent notamment dans les grandes cercles comme l’Union interalliée ou le Jockey Club. L’une de leurs techniques est la cooptation : ils savent très bien qui appartient au groupe ou non.
Michel Pinçon : L’expérience récente est très négative pour les classes défavorisées. Après deux années d’avancées sensibles, Mitterrand avait déjà fait le choix de la rigueur en 1983. Les socialistes ont alors joué un grand rôle dans le basculement vers le néolibéralisme, avec des ministres tels que Pierre Bérégovoy.
Monique Pinçon-Charlot : La charge des dominants est tellement lourde qu’elle entraîne un mélange paradoxal de consentement et de non-acceptation. Ce sentiment est appuyé par la stigmatisation des catégories populaires, décrites en ennemi intérieur : les pauvres seraient assistés, fraudeurs, trop chers… Bref, ils auraient tout faux. Et leurs porte-parole sont systématiquement taxés de «populisme».
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Monique Pinçon-Charlot : Il est essentiel, et consiste à faire passer les riches pour des bienfaiteurs, les ouvriers comme des «charges». Il y a une entreprise de corruption du langage, une escroquerie linguistique, qui passe souvent par des oxymores comme «flexisécurité» ou «croissance négative». Ce procédé néolibéral corrompt profondément le cerveau. La pensée critique est largement absente des plateaux de télévision.
Monique Pinçon-Charlot : Dans notre livre, nous décrivons des comparutions immédiates au tribunal. Il s’agit souvent de jeunes ayant commis des larcins, parfois avec violence. Cela relève d’une certaine forme de délinquance et c’est répréhensible. Mais pour eux, c’est la peine plancher, la prison ferme, alors qu’il vaudrait mieux leur confier des travaux d’intérêt général. De même, la contestation sociale est de plus en plus criminalisée. On casse l’emploi des salariés en les tenant dans une ignorance anxiogène et paralysante. Puis on condamne sévèrement leurs actions.
Revenons au débat qui a suivi la projection du film: le film « La Sociologie est un sport de combat » qui veut nous faire réfléchir aux armes que le sociologue peut éventuellement fournir. Quelles sont-elles ? Est-ce qu’elles servent ? Est-ce qu’elles peuvent être utilisées par ceux à qui elles sont destinées ?
Frédéric Neyrat constate qu’à certains moments du film, cette approche n’est pas évidente : » La reprise des armes n’est pas toujours aussi automatique « . C’est sur ce plan que Frédéric Neyrat aimerait qu’il y ait débat : Qu’est-ce que la sociologie par rapport au militant ? Quelle est cette figure de l’intellectuel qu’évoque Bourdieu ?
Frédéric Neyrat donne un exemple par rapport à un travail qu’il a fait : « Au niveau de l’ANPE, une politique de mise au pas des chômeurs devient de plus en plus forte, notamment dans le cadre du nouveau contrat PARE , fondé sur un examen préalable de la compétence. Ce discours sur la compétence a été justifié par des experts. On peut montrer, à partir d’une contre expertise, à quels intérêts il obéit ».
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Un intervenant estime que ce film est un document exemplaire qui nous montre le sociologue en pleine activité. Comment l’idée va-t-elle subir des évolutions ? Quelles sont les étapes d’une réflexion ? Comment accéder à un moment donné au jugement ? Les hésitations du sociologue dans sa façon d’appréhender le réel Bourdieu est vrai. Il est juste, ça dérange, ça nous sensibilise à cette sociologie. Il est près de tout le monde : des militants, des immigrés, des chômeurs, des gens qui sont en colère, des gens bien assis dans leur position sociale.
Un intervenant dit que Bourdieu a éclairci beaucoup de choses, mais il trouve qu’il y a quelque chose d’assez ancien dans son travail. Il cite alors Fernand Pelloutier , un syndicaliste du début du siècle, qui disait que les ouvriers avaient besoin d’apprendre la science de leur malheur, c’est à dire connaître les mécanismes de nos propres oppressions. Bourdieu est dans ce prolongement-là.
Mais cet intervenant veut surtout aborder la question de l’anti intellectualisme qui a rongé le mouvement ouvrier, question très présente dans le film de Pierre Carles. Pour lui, cette défaite intellectuelle dans laquelle nous vivons aujourd’hui en est la conséquence. Il a pris de multiples formes dans l’ensemble du mouvement ouvrier, aussi bien syndical que politique au sens large.
F.Neyrat revient sur une situation du film où on voit des gens qui agressent Bourdieu, au cours d’une réunion publique, dans un quartier populaire de Mantes La Jolie, avec des arguments anti-intellectuels. Or ces gens ne sont pas en situation de domination totale. Ce sont des travailleurs sociaux qui revendiquent le monopole de la parole légitime et la transmission de la parole légitime du quartier.
Quand Bourdieu dénonce cet anti-intellectualisme là, il s’attaque à l’anti intellectualisme de certains organismes militants. Après, que des gens en situation de domination pure fassent preuve d’anti-intellectualisme, c’est effectif. Mais c’est un sentiment mêlé parce qu’en même temps on va pousser le gamin à l’école et même si on s’y prend mal, on va tenter de lui donner les moyens.
Un intervenant ne croit pas que l’anti-intellectualisme du mouvement ouvrier soit une affaire de pourcentage d’enfants du monde ouvrier devenus des suppots du capitalisme, pour la bonne raison qu’à l’échelle du XXe siècle, peu d’enfants d’ouvriers ont eu la possibilité d’atteindre des études supérieures, notamment sur la première moitié du siècle.
Il fait donc une hypothése : l’anti-intellectualisme est dû au fait qu’il y ait eu des intellectuels qui critiquaient les lignes politiques de certaines organisations, partis, ou syndicats. Frédéric Neyrat répond que l’anti-intellectualisme dans les organisations militantes était le fait d’intellectuels, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Il était le fait de gens qui étaient responsables de partis et quelle que soit leur origine initiale, ils avaient fait l’école du parti, ils avaient quitté l’usine depuis 20 à 30 ans, ils avaient une formation intellectuelle très poussée.
Un intervenant répond que ces intellectuels qui faisaient de l’anti-intellectualisme étaient efficaces parce qu’ils avaient un soubassement. Il donne l’exemple de l’agrégé de droit, responsable socialiste qui va faire un discours du genre : « Les intellectuels, il y en a trop, etc… » Ca retentit parce que dans la salle, il y a 60% de la base ouvrière qui se sent en connivence avec ces propos.
Il y a une alliance extraordinaire entre l’intellectuel apparatchik, surdiplômé qui va faire un beau discours d’anti-intellectuel et la grande masse d’une salle qui, elle-même, est laissée souvent dans une sorte de crasse intellectuelle délibérée pour écraser les petites fractions contestataires.
Une intervenante estime qu’il n’y a pas besoin qu’un fils d’ouvrier devienne cadre supérieur pour qu’il y ait une coupure avec le monde ouvrier. Même s’il ne devient qu’employé, pour utiliser une catégorie sociologique, cette coupure aura lieu.
Un intervenant trouve malheureux que la recherche intellectuelle, la recherche de culture, de formation, fasse des jaunes. Par contre comme disait Bourdieu, l’anti-intellectualisme a été une des plaies de la classe ouvrière, au XXe siècle. Pour lui, la classe ouvrière existe toujours, contrairement à ce qui est dit. On peut partir sur de nouvelles bases pour la ré-intellectualiser.
Les enfants d’une classe ouvrière intellectualisée n’auront pas forcément envie de devenir des jaunes s’ils sont fiers de leur origine, dans la mesure où il y aurait un but,qui serait d’améliorer la société. A la fin du XXe siècle, on croyait dans l’ascenseur social, on pensait que le capitalisme allait s’en sortir à peu près en faisant des places. A ce moment-là, il y avait un consensus. On pouvait être ouvrier, être au parti communiste et avoir envie que ses enfants aient de meilleurs conditions en faisant des études.
Mais maintenant, on n’en est plus là. Il faut que la classe ouvrière s’intellectualise. Les classes apparaissent statistiquement. Un intervenant revient sur l’idée du fils d’ouvrier qui arriverait à franchir des étapes et des difficultés, et qui deviendrait intellectuel. Celui-ci va être en divorce avec sa classe initiale parce qu’on a tellement enjolivé cette classe d’arriviste, la classe de l’intellectuel, la classe des bourgeois. Il devient alors un déraciné.
Comment aller au-delà du schéma manichéen ? Comment dire à un intellectuel qui a réussi, malgré tant de difficultés, que sa réussite ne rime à rien car il est devenu un déraciné. Un intervenant pense que Bourdieu a réagi à cette question de la classe ouvrière et des intellectuels d’une manière très forte, parce que ça lui correspond. En effet, dans le film, il explique qu’il est fils d’un paysan qui est devenu facteur. Il a fait ses études en étant boursier à une époque où il y avait les héritiers et les boursiers.
Bourdieu donne l’exemple que l’intellectuel a bien une marge de manœuvre. Un intervenant est touché par la sagesse et la simplicité de Bourdieu que révéle ce film, qui lui a semblé très court. Le sociologue y dit des choses qui lui ont peut-être nécessité un travail très long et très profond mais il les dit simplement et d’une façon intelligible à tous.
Dans le titre, il y avait « la sociologie » et il y avait aussi « est un sport de combat ». Il faut penser à ça. Un intervenant trouve intéressant ce débat sur « intellectuel - pas intellectuel », mais il trouve qu’il n’y a pas que cela dans ce film, sur Bourdieu et son travail. Il aimerait insister sur sa façon de regarder la société autrement.
Quand il parle des coûts de la société, il a tellement raison ; on est d’accord mais on oublie cette vision et on se laisse entraîner jour après jour par le matraquage : la violence des banlieues ! Oui c’est des voyous! Oui, ils brûlent les voitures ! Faut les foutres en taule! Faut leur taper dessus! Et on arrive à trouver normal qu’il y ait des terrorismes à une autre échelle et on va foutre des bombes sur l’Afghanistan.
On a toujours cette vision de l’économie immédiate, du confort immédiat. On perd cette analyse qu’il nous explique assez bien sur tous ces phénomènes. On va prendre en compte la pollution quand elle touche tout le monde mais toujours avec une longueur de retard. Qu’on soit intellectuel ou pas, qu’on se lave la tête et les yeux en sortant de là ! Qu’on arrête de regarder le monde comme on essaye de nous faire croire qu’il devrait être.
Ca me paraît évident que les problèmes de banlieues sont dus à une injustice sociale parce qu’ils sont les délaissés et que la société dominante marche très bien comme ça, et, de temps en temps, on remet des coups de peinture. Un autre intervenant pose deux questions. D’abord il y aurait une espèce d’évidence, un présupposé dans tout ce qu’il a entendu : il y aurait encore des classes. Ensuite, dans le film, par deux fois, Bourdieu semble rencontrer les limites de la sociologie. Il emploie alors le mot « métaphysique ».
Au début du film, un animateur de radio lui demande à quoi servent les inégalités. Il répond que c’est un problème métaphysique. Frédéric Neyrat : A quoi sert la domination ? C’est difficile de répondre rapidement à ce genre de question. Surtout avec la spécificité d’une émission de radio où le journaliste reproduit tous les travers des journalistes les plus médiatiques. Il pose des questions et demande des réponses extrêmement courtes, de la même façon que Poivre d’Arvor ou un autre quand il font venir un invité.
Sur l’existence des classes : elles apparaissent statistiquement. Cela se manifeste par les inégalités de position, la reproduction de ces inégalités et de ces positions, de génération en génération. Un intervenant se dit frappé par la tension de Bourdieu pendant ce film. Il est comme dans une position de créateur. Aussi, cet intervenant se pose la question suivante : quel type de militantisme Bourdieu est-il en train de mettre en œuvre ou veut-il créer ?
Il trouve que Bourdieu se sent responsable de quelque chose. Dans le film, il est mis en abyme devant des publics qui ne sont pas habituellement les siens. C’est à nous de tirer la leçon de ce film en nous disant : quel type de militantisme peut-on faire à partir d’une parole savante ? Là, cette parole est un peu hésitante, contrairement à ses livres qui sont bien construits, où tous les mots sont bien pesés.
Un intervenant dit qu’en écoutant le discours de Bourdieu, il a pensé à Noam CHOMSKY. Aux Etats-Unis, Chomsky agit, critique, dérange. En tant que linguiste il est difficilement accessible, mais dans le domaine de la politique, il est percutant et il utilise le langage comme une arme. Bourdieu ou Chomsky sont des dépoussiéreurs d’idées, de pensées. Ce sont des dérangeurs. C’est suffisant. Militer c’est aussi ne pas tourner en rond, ne pas sombrer dans une routine, dans une sclérose.
Un autre intervenant voit Bourdieu comme un penseur de l’aliénation, davantage que comme un penseur de la libération. Il est bien ancré dans une tradition intellectuelle, peut-être bien française, où l’intellectuel pense pouvoir tout cerner, pouvoir tout comprendre. Il se positionne comme un guide quand il lance à ces éducateurs de banlieues : il faut isoler l’ennemi du peuple, vous êtes le peuple, vous n’avez pas à vous bagarrer entre vous… Mais il ne veut pas qu’on se méprenne sur ce qu’il dit.
Un intervenant revient sur la comparaison faite avec Sartre à propos de l’engagement. Sartre, c’était l’engagement, des engagements successifs, parfois contradictoires. Donc, ça n’est pas du tout Bourdieu. Chomsky et Gunther Grass, ça serait déjà mieux. Bourdieu est entre les deux. Il est moins politique que Chomsky mais plus que Gunther Grass. Tous les trois sont honnis par la majorité des intellectuels au service des...
Jean Ziegler. « Connaître l’ennemi, combattre l’ennemi », telle était l’injonction de Jean-Paul Sartre. C’est la tâche de l’intellectuel, mais aussi de tout démocrate : faire l’effort d’étudier le capitalisme financier globalisé dans ses moindres stratégies, confronter celles-ci à l’intérêt général, choisir son camp, rallier les mouvements sociaux.
La dictature du capital financier globalisé qui asservit aujourd’hui l’humanité non plus… Nous vivons dans un ordre cannibale du monde : toutes les cinq secondes un enfant en dessous de 10 ans meurt de faim, presque 1 milliard d’êtres humains sont mutilés par une sous-alimentation grave et permanente, alors que d’immenses richesses s’accumulent dans les mains d’une mince oligarchie quasi toute puissante.
Selon la Banque mondiale, en 2014, les 500 plus puissantes sociétés privées transcontinentales, tous secteurs confondus, ont contrôlé 52,8% du produit mondial brut. Ces « gigantesques personnes immortelles », comme les appelle Noam Chomsky, échappent à tout contrôle étatique, syndical, social, etc. Elles fonctionnent selon un seul principe : celui de la maximalisation du profit dans le temps le plus court. Contre cet ordre absurde et meurtrier, les États eux-mêmes, surdéterminés par les oligarchies du capital financier, sont impuissants.
Aujourd’hui, « faire ce qu’on veut et vouloir ce qu’on fait est devenu quasiment impossible » soulignez-vous. Ces trente ans écoulés ont vu l’effondrement du bloc soviétique, dont l’influence couvrait la moitié de la planète, l’unification économique du monde, le tsunami du néolibéralisme qui a dévasté l’idée de l’État-providence, privatisé le monde, tenté d’anéantir les politiques publiques, d’enchaîner les pays dépendants de l’hémisphère sud.
En vertu des « lois naturelles » de l’économie, dites-vous, le but de toute politique est la libéralisation complète des mouvements de capitaux, marchandises et services. Oui, c’est le grand succès de l’idéologie néolibérale que de réussir à faire croire que l’économie obéit à des « lois naturelles », que la privatisation et la libéralisation, autrement dit la suppression de toute forme de contrôle public, crée le terrain favorable à l’expansion de l’économie, que la pauvreté des uns et l’extrême richesse des autres découlent d’une fatalité contre laquelle toute résistance serait vaine, que c’est à l’apogée de l’expansion que se fait « naturellement » la redistribution…
En Europe, on commence à se rendre compte du danger mortel de cet « emballage » idéologique. Le désespoir qu’il provoque, oui. Racisme et xénophobie d’un côté, sentiment d’exclusion et d’apartheid de l’autre.
Toute unité républicaine vaut mieux que l’extrême-droite au pouvoir. Mais elle ne peut pas durer sans changement profond de la société, de l’économie, de la politique, sans retour de la souveraineté populaire. Telle qu’elle est jusqu’à ce jour, c’est sans espoir. Un antisémitisme nauséabond monte en France. Mais aussi dangereux, au moins à égalité, est l’anti-islamisme.
Entre le gouvernement soi-disant socialiste et un grand nombre de Français d’obédience musulmane, le contrat social, le lien de confiance sont fragilisés. C’est sur le terreau de la misère que prospère le monstre djihadiste. Alors que peut, que doit faire le gouvernement français ? Essayer, par des investissements sociaux massifs, de briser l’isolement et la misère économique des millions d’habitants des banlieues sordides, dont une importante partie sont des musulmans.
La société civile planétaire, cette mystérieuse fraternité de la nuit, oppose à la dictature du capital financier globalisé une résistance fractionnée mais efficace. Elle est composée par une myriade de mouvements sociaux, locaux ou transcontinentaux : tels Via Campesina, qui organise, du Honduras jusqu’en Indonésie, 141 millions de petits paysans, métayers, éleveurs nomades, travailleurs migrants, Attac, qui tente de maîtriser le capital spéculatif, Greenpeace, Amnesty international, les mouvements de femmes, etc. Tous ces mouvements organisent patiemment le front planétaire du refus. Je suis persuadé qu’en Europe aussi l’insurrection des consciences est proche. Il n’y a pas d’impuissance en démocratie. La conscience de l’identité entre tous les hommes est une force révolutionnaire. La nouvelle société civile planétaire n’obéit ni à un comité central ni à une ligne de parti.
Les USA , cad les lobbies de Washington et Wall Street et City de Londres, colonisent l Europe , cad les lobbies qui siegent et decident a Bruxelles .. La, en terme de colonialisme , les ferments revolutionnaires ne peuvent que germer. Parce que le desir de souverainete , c est vouloir etre maitre dans sa maison. C est federateur a tous les niveaux opprimes , c est a dire tous , sauf les colons ..
Bien sur , sortir de l euro et/ou de cette Europe capitaliste , ce sont les peuples qui decident . Theoriquement , la loi europeene l empeche ou le permet sur le papier ( a ce propos l article 50 n a t il pas un delai de 2 ans avant son application possible , il me semble l avoir lu ¿) mais c est oublie la force populaire . Rien n est fige dans ce cas .. le peuple souverain fait loi … mais la , c est deja un processus revolutionnaire de rejet .
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