La baïonnette est une arme blanche apparue au XVIIe siècle, conçue pour être fixée au canon d'un fusil, devenant ainsi un équipement essentiel pour le combat d'infanterie.
On attribue l'invention de la baïonnette aux paysans de Bayonne, qui, en manque de munitions lors d'une révolte dans les années 1660, attachèrent des couteaux de chasse au bout de leurs bâtons. Bien que séduisante, cette version ne doit pas occulter le fait que, dès le début du XVIIe siècle, les mousquetaires à pied avaient déjà introduit des lames dans le canon de leurs mousquets.
Une autre théorie suggère que son origine remonte au "baionnier", un archer français maniant un couteau court. Quelle que soit son origine, les premières baïonnettes apparaissent dans les armées françaises dans les années 1640. Le régiment Royal-Artillerie en fut doté en 1671.
Elles étaient alors de simples lames d'une trentaine de centimètres de long, directement insérées par une poignée cylindrique dans le canon des mousquets. Ce modèle à manchon permettait aux tireurs de se protéger lors des corps à corps lorsque l'ennemi s'approchait à moins d'une centaine de mètres, la zone de tir utile du mousquet, mais ne pouvait remplacer les piquiers, chargés de protéger les tireurs.
L'introduction du fusil, qui remplaça le mousquet sous Louis XIV, augmenta la cadence de tir, mais ne résolut pas le problème de la protection des tireurs. C'est l'intuition de Vauban, qui s'en ouvrit à Louvois en 1687, de penser à adopter un système qui n'obstruait pas le canon. Ainsi naquit le principe de la baïonnette à douille, composée d'une lame droite avec une base coudée rattachée à une douille cylindrique.
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Le coude laissait libre l'axe du canon, permettant de recharger sans gêner le passage de la main ou de la baguette. Cette innovation augmenta les possibilités de tir tout en permettant au tireur d'assurer sa défense. Une circulaire de novembre 1689 ordonna d'en équiper l'infanterie française. Tous les fantassins et les dragons furent désormais équipés d'armes à feu. Les piquiers, devenus inutiles, disparurent du règlement militaire de 1703.
La baïonnette se diffusa rapidement en Europe : son usage contribua à la victoire des jacobites sur les forces soutenant Guillaume d'Orange à Killiecrankie (1689). Fortement associée à l'attaque, comme le rappela au XVIIIe siècle le feld-maréchal russe Souvorov déclarant : « La balle est folle, mais la baïonnette est une brave ! », la baïonnette avait l'avantage d'économiser les munitions ; elle faisait figure d'arme des braves puisqu'elle engageait un combat au corps à corps.
Elle requérait un entraînement spécifique, afin d'acquérir des automatismes. Les tactiques militaires s'adaptèrent, en théorisant les charges et défenses groupées ; c'est le cas de l'usage de la baïonnette comme épée courte, avec notamment le Baker rifle qui équipa l'infanterie britannique jusque dans les années 1840.
L'introduction du fusil rayé à partir de 1854 ne mit pas fin à la baïonnette, mais conduisit à en développer un usage multifonctionnel, tel le modèle Sawback adopté par la Prusse en 1865 qui permettait d'utiliser la lame pour découper les barbelés et couper du bois. La Grande-Bretagne se dota d'un modèle similaire en 1869.
Se diffusant dans les armées, la baïonnette vit aussi apparaître de nouvelles formes de combat. Au cours de l'ère Meiji, les Japonais développèrent une technique de combat particulière, le juken jutsu.
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La baïonnette rentra dans le quotidien du soldat et trouva une place de choix dans l'argot militaire. Les surnoms affectueux, comme la « Rosalie », côtoyèrent des expressions plus réalistes comme « l'aiguille à tricoter les côtes » ou, pendant la Grande Guerre, le « tire-boche ». « Aller à la fourchette » désigna les charges à la baïonnette, de même qu'un soldat qui embrochait un adversaire lui faisait « une Rosalie à la boutonnière ».
Toutes ces expressions disent l'importance de la baïonnette dans l'équipement, l'entraînement et le quotidien du fantassin. Mais il est à noter que la part qu'elle occupe effectivement dans les combats n'est pas à la hauteur de sa place dans l'imaginaire. Ainsi, au cours de la période 1792-1815, la baïonnette n'est responsable que de 4,5 % des blessures connues chez les vétérans français.
Bien qu'installée dans une guerre de tranchées, la Première Guerre mondiale voit encore son usage lors des montées à l'assaut. Le jeune capitaine Charles de Gaulle est ainsi blessé à la cuisse par baïonnette en 1916 dans le secteur de Douaumont.
Cependant, le mythe des charges à la baïonnette est encore à relativiser. Le fusil Lebel flanqué de sa baïonnette mesure 1,83 m, ce qui le rend difficile à manier. De plus, une fois plantée dans le corps de l'ennemi, elle n'est pas aisée à retirer, ralentissant la progression et exposant dès lors le combattant.
La baïonnette Rosalie est un accessoire indissociable du poilu. Cette arme évocatrice de l'horreur et de la cruauté des combats est l'un des symboles de la grande guerre. C'est un chansonnier, amuseur public, Théodore Botrel, qui trouve le premier ce surnom affectueux de Rosalie.
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Si les paroles de la chanson associent gaîment cette Rosalie à la beauté d'une femme, la réalité est tout autre. L'arme est indissociable du fusil sur lequel elle est fixée : un fusil de type LEBEL qui permet un tir à répétition et dont les balles peuvent atteindre 450 mètres.
En 1914, la doctrine de guerre française insiste entre autres sur le combat au corps à corps. L'art de la baïonnette est même enseigné et pratiqué comme un sport lors de compétitions d'escrime disputées en public. Contrairement à ses homologues anglais ou allemands, la Rosalie n'est pas conçue comme une simple lame mais comme une pique cruciforme, extrêmement pointue. Il s'agit clairement de tuer.
Dans l'environnement confiné des tranchées, la Rosalie, difficile à manœuvrer, finit par montrer rapidement ses limites. Son importance dans les combats décline au fil du conflit. Les poilus la remplaçant progressivement lors des opérations dites de « nettoyage des tranchées » par des couteaux.
La lame au départ de section ronde était rendue cruciforme par forgeage à chaud, c’était pour l’époque une innovation. Sa conception est le résultat d’études réalisées au cours de la guerre civile américaine et la guerre franco-prussienne qui a démontré que les sabres-baionnettes de type Chassepot modèle 1866, sauf dans des mains d’experts, étaient rarement efficaces en cas de combat rapproché.
Le crochet destiné en théorie à briser la baïonnette de l’ennemi est aussi utilisé pour former les faisceaux à trois fusils baïonnette fixée au canon.
Les lames étaient marquées en théorie d’un petit poinçon de contrôle qualité et de la marque d’acceptation militaire appelée Contrôleur Poinçons (tampons des contrôleurs). Il y avait trois types différents de marques d’acceptation utilisées : Directeur de Manufacture, Contrôleur Généraux Principaux et Contrôleur de 1ère, 2ème et 3ème Classe.
Le fourreau utilisé avec les premières baïonnettes à soie courte est en tôle d’acier reliée par brasure, ce mode de fabrication a été utilisé jusqu’en 1893.
La poignée de cette variante, modifiée à partir de mai 1890, est maintenue à la soie grâce à un écrou à deux ergots. La lame d’aspect identique au modèle à soie courte est munie d’une soie longue avec extrémité filetée.
Au cours de la grande Guerre, les trois manufactures d’armes Nationales ont du faire appel à l’industrie privée pour la fourniture de certaines pièces (lames, pommeaux, croisières). Des lames ont également été rencontrées avec les codes suivants: (P, SG, SC, C&P, CF, GR, MP, etc ….) et des poignées ont également été rencontrées avec un B et M. entrelacés.
Le fourreau utilisé avec la baïonnette à soie longue, peut être en tôle d’acier brasée ou à partir de 1893 fabriqué par emboutissage ceci afin d’améliorer la solidité du corps. En 1903, est publiée au BMO une circulaire relative à l’utilisation de rivets de fourreaux de trois tailles différentes afin de compenser l’ovalisation des trous lors de la remise en état (jeu) du ressort.
Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, l’armée française a commandé des centaines de milliers de baïonnettes, de ce fait les usines d’armement Nationales ont dû prendre des mesures pour maintenir le rythme. En fonte grise d’acier, utilisée à partir du 20 juillet 1917, mais très rarement rencontrée.
Le fourreau utilisé avec la baïonnette 1886-15, peut être en tôle d’acier brasée ou à partir de 1893 fabriqué par emboutissage ceci afin d’améliorer la solidité du corps. Il arrive de rencontrer des baïonnettes modèle 1866, 1886-15 dont la lame a été raccourcie aux alentours de 35 cm. Dans la majorité des cas, ces armes raccourcies sont des armes qui ont été appointées, fournissant ainsi un poignard de tranchée fort convenable.
La fabrication du fusil Lebel s’arrête avec la fin de la Première Guerre mondiale, mais sa carrière continue et on le retrouve encore durant la Seconde Guerre mondiale aux mains des unités de réserve principalement, les troupes d’actives étant équipés du modèle 07-15 ou du fusil modèle 16.
Après 1918, les formes sont réglementées. Les armées occidentales donnent leur préférence aux baïonnettes courtes. La dernière charge à la baïonnette de l'armée française se déroule en février 1951, lors de la guerre de Corée, face aux Chinois.
Le développement de l'arsenal militaire, avec la généralisation de la grenade, pouvait laisser penser que la baïonnette allait disparaître du quotidien des fantassins. Il n'en est rien, l'arme se perfectionnant même. Les baïonnettes modernes sont équipées d'une gouttière concave qui en réduit le poids et qui permet de laisser rentrer l'air dans la blessure, facilitant ainsi le retrait de la lame. M9, mise en place en 1984, en est une des manifestations. Son fourreau peut être utilisé comme pince coupante pour sectionner le fil barbelé.
La Tranchée des baïonnettes constitue l’un des mythes de la Première Guerre mondiale. Après-guerre, les fouilles permettent la découverte de 21 corps de soldats français. Quatorze ont été identifiés et enterrés à la Nécropole de Fleury devant Douaumont.
Pour beaucoup le mythe persiste, et pour d’autres il est remis en cause. Notamment, car aucun corps n’aurait été retrouvé en position verticale. Quoi qu’il en soit, la légende des « Tranchées de baïonnettes » montre surtout à quel point la Grande Guerre a marqué de manière presque indélébile l’imaginaire collectif.
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