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Jusqu'à récemment, les murs de la salle de garde des internes de l'hôpital psychiatrique Sainte-Anne (GHU de Paris) arboraient une fresque obscène, vulgaire et sexiste, mettant en scène une bacchanale de médecins avec des phallus démesurés, des poitrines exubérantes, des viols explicites et des orgies. À quelques kilomètres de là, à l'hôpital Beaujon (Clichy), d'autres fresques à caractère pornographique ornaient aussi les murs de la salle de garde des internes.

Depuis plusieurs années, des associations féministes et des voix dans le milieu médical s'élevaient contre ces dessins crus, violents, à l'humour douteux. On se souviendra notamment de la victoire de l'association Osez le féminisme, qui avait obtenu l'effacement d'une fresque représentant un viol collectif dans la salle de garde du CHU de Clermont-Ferrand en 2015.

Une Circulaire Ministérielle pour Mettre Fin aux Fresques Sexistes

Le 17 janvier 2023, comme l'ensemble des établissements hospitaliers en France, le GHU de Paris et l'hôpital Beaujon ont reçu une instruction ministérielle leur demandant de retirer leur fresque à caractère pornographique et sexiste. Ce décret s'inscrit dans le cadre d'une « politique de tolérance zéro et d'engagement total face aux situations de maltraitance, de harcèlement et de violences morales ou sexuelles à l'encontre des étudiants en santé ».

Une circulaire du 17 janvier 2023 qui s'en prend aux fresques dites "carabines" exposées dans les salles de garde des internes, les médecins étudiants, dans les hôpitaux publics depuis le début du XXe siècle. Un texte qui estime que ces fresques ont un caractère pornographique et sexiste et qu'il faut les retirer dans l'année après une concertation avec les "parties prenantes locales".

Pour le ministère, il s'agit de protéger les étudiants du secteur de la santé. La circulaire précise que "la survivance des fresques peut-être considérée comme un agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant".

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Remplacer les Fresques Pornographiques : Un Défi Créatif

Mais au lieu de supprimer ces fresques « folkloriques », comme les décrit Claire Jaffre, ces deux hôpitaux, parmi d'autres, ont fait le choix de les remplacer par des fresques inclusives, reprenant les codes carabins, en excluant toute approche sexiste et pornographique. Selon un décompte de l'Agence France-Presse, vingt-cinq à trente salles de garde en Île-de-France et quelques sites en région étaient concernés.

« Nous avons alors réfléchi à un projet artistique intelligent, qui respecte l'injonction ministérielle, et porté par la communauté médicale. Nous avons alors fait appel à un illustrateur : Good-Bye Hippocrate*. »

Good-Bye Hippocrate : Un Artiste au Service de l'Inclusion

Good-Bye Hippocrate, de son prénom Jean-Michel, est dessinateur, mais aussi urgentiste. À 41 ans, ce Bayonnais vit aujourd'hui de sa passion, tout en gardant son activité médicale, et a déjà collaboré par le passé avec l'hôpital Beaujon autour d'illustrations destinées aux soignants. Quand Nathalie Pons-Kerjean, pilote de ce projet artistique, lui a proposé cette nouvelle collaboration, il n'a pas hésité : « J'avais carte blanche. J'ai pu faire exactement ce que je voulais, même travailler sur la nudité. C'était un peu schizophrénique, puisque je devais aller dans le sens de l'histoire, tout en gardant une forme de tradition carabine. »

Pendant près d'un an, le dessinateur a travaillé sur ses œuvres, en détournant notamment la fresque du plafond de la chapelle Sixtine de Michel-Ange ou en dessinant l'hôpital lui-même et les médecins qui y travaillent. Dans un univers assez poétique, très coloré, géométrique, bourré de références mythologiques, Good-Bye Hippocrate a rendu un bel hommage à l'ensemble du corps médical, et de manière respectueuse.

« C'était un superbe challenge. Je suis très heureux d'avoir pu rendre l'hôpital moins inhospitalier, avec des messages féministes et écologistes. » Le 17 octobre dernier, les œuvres de Good-Bye Hippocrate ont été inaugurées en présence du corps médical. « C'est une très belle réussite, souligne Nathalie Pons-Kerjean. Même les plus réfractaires ont finalement été séduits. »

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Virgen : Une Touche Psychédélique et Humoristique à Sainte-Anne

À Sainte-Anne, face au « témoin d'une époque révolu », raconte Claire Jaffré, qui a fait partie du jury de pilotage du projet, « nous souhaitions faire revivre cette salle de garde en portant des valeurs inclusives, féministes et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. » Mais il restait très important pour les médecins de garder l'esprit humoristique de la fresque. « Nous voulions garder cette dimension ludique, en proscrivant tout aspect dénigrant. Oui, une ère se tourne. Mais ça n'empêche en rien la créativité », souligne Florence Patenotte, directrice de la communication du GHU.

Après un appel à projets, c'est Virginie Gaubert, alias Virgen, qui a été choisie pour réaliser une nouvelle fresque. Elle a échangé avec les équipes de l'hôpital, qui souhaitaient que les personnages de l'œuvre murale soient des personnalités de Sainte-Anne - a contrario de l'hôpital Beaujon, où les personnages sont fictifs - Virgen a pu se lancer dans la création de son œuvre « psychédélique ».

« Je travaille beaucoup avec les couleurs exubérantes et j'ai pu apporter un caractère humoristique, voire irrévérencieux à la fresque, en respectant une forme de réalisme lié aux personnalités », détaille Virginie Gaubert. Sur cette fresque « paritaire et moderne », « aux couleurs vitaminées, éclatantes », on peut par exemple voir un interne perdre littéralement la tête ou le Pr Raphaël Gaillard, chef du pôle hospitalo-universitaire psychiatrie Paris 15, qui sort du sol, une hache dans la tête.

Et comme à l'hôpital Beaujon, la fresque, inaugurée le 26 avril dernier, a été très bien accueillie par la communauté médicale, malgré quelques réticences. « Mieux encore, depuis qu'elle a été inaugurée, les internes semblent réinvestir la salle de garde », souligne Jean-Del Burdairon, ancien interne de l'hôpital Sainte-Anne.

Préservation de la Mémoire et Réactions Mitigées

La mise en place de ces fresques est cependant loin d'avoir fait l'unanimité dans les salles de garde. Des pétitions ont été lancées et des figures de la profession ont fait savoir leur opposition. Dans une démarche de souvenir et de mémoire, les deux hôpitaux ont décidé d'archiver les anciennes fresques. « Nous ne souhaitions pas être dans un phénomène de table rase, de censure mais plutôt d'évolution », justifie Jean-Del Burdairon. « Effacer ce pan d'histoire aurait pu heurter », ajoute Florence Patenotte. In fine, comme le raconte Nathalie Pons-Kerjean : « Nous allons de l'avant, sans renier le passé.

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Le docteur Marion Delpont, chirurgienne au CHU Lapeyronie de Montpellier, figure au centre de la fresque de l'internat de l'hôpital Lapeyronnie, peinte par l'artiste graphiste Jacques Lucchino il y a une dizaine d'années, un Déjeuner sur l'herbe de Manet revisité à la sauce grivoise. "C'est un honneur pour moi d'avoir été choisie pour être dans la fresque, et en bonne place puisque je suis au centre, je suis la star !" Une scène de partouze, cunnilingus par ci, sodomie par là, "c'est vrai que c'est très particulier ces fresques, c'est bien pour cela qu'elles ne sont pas affichées dans le hall de l'hôpital !" Pour la chirurgienne, il s'agit surtout d'un défouloir, d'un exutoire, "une sorte de catharsis" pour s'extraire d'un quotidien difficile fait de moments tragiques, "on nous reproche de la pornographie et du sexisme, mais c'est surtout de l'humour."

Philippe Cathala, le président départemental de l'ordre des médecins, réfute les accusations de pornographie, "ce n'est pas fait pour exciter des hommes et les femmes, ces fresques mettent en avant de façon allégorique le triomphe de la vitalité sur ce qui fait le quotidien des médecins, c'est-à-dire la maladie et la mort.

À Montpellier, les internes semblent bien décidés à défendre leurs fresques, celles de Lapeyronie, Saint-Eloi ou encore La Colombière. "Ça fait partie de notre patrimoine, selon le Dr Marion Delpont, laissez nous tranquille, c'est le message que je veux faire passer. Moi je vis ça comme une intrusion, une police des moeurs qui viendrait fouiller dans nos placards pour voir si on n'aurait pas des ouvrages subversifs. C'est très violent."

La Culture Carabine : Un Système Patriarcal et Misogyne ?

Tribune. Nous, associations et collectifs de patientes, syndicats de professionnel.les de santé, dénonçons le climat misogyne, homophobe et raciste qu’instaure la culture carabine au sein des services hospitaliers et auprès des patientes. Si nous reconnaissons les difficultés inhérentes à ces professions et la nécessité d’organiser des moments conviviaux, il nous est insupportable de constater qu’ils servent de prétextes pour piétiner inlassablement la dignité des femmes et des personnes homosexuelles et racisées. La culture carabine, propre à la médecine française, s’inscrit bien dans la continuité du système patriarcal. Cela est d’autant plus insupportable que cette ambiance carabine misogyne se traduit par des violences sexistes et sexuelles au sein de la profession et contre les patientes.

D’après une étude de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), la moitié des étudiantes en médecine déclarent avoir subi des remarques sexistes lors de leurs stages et 40 % d’entre elles y ont été victimes de harcèlement sexuel. Comment pouvons-nous encore penser que la culture dans laquelle chaque interne évolue et doit se conformer pour faire corps n’a aucun impact sur sa pratique de la médecine ? Si entraide il y a, elle est au bénéfice des agresseurs. La culture carabine sert la justification des violences sexistes et sexuelles en minimisant leur ampleur et en cultivant l’omerta pour réduire au silence les victimes.

Conjuguées à des hierachies fortes, un management toxique et un esprit de corps féroce, cette culture carabine nourrit la culture du viol et l’omerta dans la médecine. Le caractère patriarcal de la médecine s’analyse aussi au regard de son histoire, celle d’un savoir sur les corps qui lui confère un grand pouvoir, longtemps confisqué et interdit aux femmes.

Évolution Historique des Fresques Carabines

Inconnues du public, les salles de garde de nos hôpitaux sont l’écrin des fresques carabines, tradition bicentenaire unique au monde. Leur avenir semble scellé : le gouvernement souhaite sonner le glas de cette pratique artistique, réduite à peau de chagrin depuis quelques années. Si d'aventure, il vous était possible de franchir les portes des salles de garde, ces lieux dédiés aux repas, au repos et à la distraction des internes, un détail vous interpellerait sans doute : les murs y sont habillés de peintures graveleuses.

Initiées au début du XIXe siècle, ces décorations murales n'ont, dans un premier temps, rien d’obscène et représentent les valeurs de la médecine selon les canons académiques. À la fin du siècle, elles évoluent vers la caricature, qui connaît son âge d’or. La dimension licencieuse n’apparaît qu’au moment de la libération sexuelle des années 1960 et s’accentue au fil des ans pour revêtir un caractère grivois. Elles sont aujourd'hui le fruit d’une nébuleuse d’influences, aussi bien cinématographiques, historiques, qu’issues de l’univers de la bande dessinée et de la pop culture.

De même, les références aux chefs-d'œuvre de l’histoire de l’art abondent, renouvelant par le prisme de la parodie les peintures de Jérôme Bosch, Léonard de Vinci, Michel-Ange ou Jacques-Louis David. Autre élément symptomatique de ces priapées : y sont souvent ajoutées des blagues concupiscentes ou des réflexions suggestives. Ces graffitis ne sont pas sans rappeler les fresques pornographiques qui ornaient les lupanars, les tavernes et les bains publics de Pompéi, elles aussi marquées par des inscriptions égrillardes. Enfin, si la plupart sont réalisées par des médecins ou de jeunes élèves des Beaux-Arts, quelques-unes sont signées des plus grands noms.

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