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Lorsqu’on s’apprête à rencontrer François Damiens, il faut s’attendre à tout. À rire, évidemment, tant cet acteur martyrise nos zygomatiques depuis 25 ans avec ses fameuses caméras cachées et quelques joyeuses comédies.

À se retrouver également parfois dans une émotion plus contenue, sur des sujets moins légers. Car malgré son rire à mille autre reconnaissable, c’est bien dans des comédies dramatiques qu’il a conquis le public français (et belge) : La Famille Wolberg (2009), La délicatesse (2011) Suzanne (2013), Les Cowboys (2015), et, évidemment, La famille Bélier en 2014 qui lui offrit une nomination au César du meilleur acteur en 2015.

À être surpris et attentif aussi tant François Damiens manie la métaphore et les comparaisons comme personne, au point parfois de se perdre et de dire, dans sa barbe, “ça ne veut rien dire que je viens de dire là”.

Des caméras cachées mémorables en Corse

À peine arrivé sur l'Ile de Beauté, François Damiens se lance dans des caméras cachées mémorables et piège des quidams. A peine arrivé sur l'Ile de Beauté, François Damiens piège des quidams.

Derrière une caisse, au comptoir d'une parapharmacie ou d'une armurerie, au guichet d'un aéroport, dans la peau d'un boucher ou d'un moniteur de plongée : de Bastia à Ajaccio, l'humoriste endosse différents rôles pour pousser ses victimes au-delà de leurs limites et faire hurler de rire les téléspectateurs.

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Un acteur aux multiples facettes

Vous voilà avec deux gros films quasiment en même temps : Le Bonheur des Uns… (en salles depuis le 9 septembre) et Mon Cousin (à l’affiche le 30 septembre). On image que c’est assez jouissif… Exactement !

Quand on m’a proposé le film de Daniel Cohen (Le Bonheur des Uns…, ndlr) avec ce casting là, très éclectique, le sujet m’a fait rire, d’entrée de jeu. J'avais déjà joué avec les trois partenaires, Vincent (Cassel, ndlr), Florence (Foresti, ndlr) et Bérénice (Béjo, ndlr). La situation du film est très contemporaine.

J’ai très vite compris que cela n’allait peut-être pas intéressé tout le monde (165.000 entrées en dix jours), mais je n’ai jamais assez essayé de faire des films qui allaient intéresser tout le monde. Le meilleur moyen de se planter est de fabriquer ce qui se vend au lieu de vendre ce que tu as fabriqué.

Ici, en l’occurrence, on est dans une certaine couche de la société et il faut y avoir son art, c’est comme ça. Ça parle de ça, de la jalousie, de la réussite, de la notoriété, de l’entourage qui change. Mais est-ce que c’est l’entourage qui change ou est-ce nous qui changeons ? On ne le sait jamais vraiment.

Un bateau en pleine mer ne peut pas savoir si il est à marée haute ou à marée basse, il faut qu’il touche la cote pour savoir. Et ça peut faire des dégâts quand on se trompe dans les marées parfois.

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Collaboration avec Vincent Lindon

Pour Mon Cousin, j’avais très envie de travailler avec Jan (Kounen, ndlr). On avait failli tourner ensemble il y a cinq ans, au dernier moment cela ne s’était pas fait. Nous sommes restés en contact. J’aime son univers, sa personnalité. C’est quelqu’un de très doux, très gentil, très délicat et extrêmement doué.

Et puis je voulais travailler avec Vincent (Lindon, ndlr). On a une énergie complètement différente, des personnalités opposées. Je me suis dit que ça pouvait donner un duo intéressant de faire coexister malgré eux deux personnages comme ça. Et puis on est aussi différent dans la façon de travailler.

Cela a pu être compliqué à certains moments pour Jan Kounen car on n’avance pas à la même vitesse… Enfin non, ce n’est pas la bonne image… Je dirais que je suis plus instinctif que Vincent, qui est besogneux, dans le contrôle, la maîtrise. C’était particulier.

Au début du tournage, c’était compliqué visiblement entre vous… Oui, de parts et d’autres. Vincent avait du mal avec moi et moi avec lui. Pour finir, il a juste fallu faire ce qu’il faudrait faire à chaque fois dans la vie : se parler, s’expliquer. On s’est compris, il y avait du respect mutuel et on est reparti tout droit.

Sinon je n’aurais pas fait cinq semaines de tournée avec lui. Il y a moyen de trouver des excuses quand même ! rires Et puis le scénario était riche et très bien écrit. Je n’aime pas les scénarios qui sont écrits juste pour faire rire. Au bout d’un moment c’est le chien qui se mange la queue.

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À travers une comédie, on peut faire passer pas mal d’informations. Le personnage de Vincent perd sa vie à la gagner et le mien fait le baba cool alors qu’il est rentier. Donc c’est vachement facile dans ces cas-là, on peut prendre le temps d’offrir des plantes à tout le monde…

Cette scène est assez drôle en effet dans le film… C’est gênant pour le personnage de Vincent. Quand il doit présenter son cousin qui n’est pas du tout comme lui, il sent qu'il est tout de même apprécié par les autres, du coup il doit se dire que lui n’est pas très apprécié… Il vous prend pour un fou, un peu malade…

C’est souvent un peu comme ça dans la vie je pense. Quand on a affaire à quelqu’un de complètement différent, on se dit que c’est l’autre qui est débile. Mais pour moi, il est aussi débile que moi. C’est le genre de personnage qui donnerait tout ce qu’il a pour avoir plus de pouvoir, plus d’argent et à côté de ça il ne regarde plus sa femme, c’est tout juste s’il sait qu’il a des enfants. Il a déjà 50 sociétés, il veut juste la 51è.

Je suis souvent épaté par des gens comme ça dans la vie. Ils arrivent à 70 ou 80 ans, ils sont toujours dans cette quête-là : “Ah j’aimerais bien avoir un hélicoptère et puis un bateau pour le poser et un deuxième hélico pour quand j’ai des potes qui viennent et on mettrait 25-30 jet skis derrière, ce serait…” Ça n’en finit jamais.

J’enfonce des portes ouvertes, mais s'il n'y avait que ces gens-là qui étaient heureux, pas grand monde le serrait sur la Terre. Vous, si j’ai bien suivi, c’est le bateau votre rêve ? Un voilier oui. En 2018, vous disiez vouloir avoir un bateau pour “prendre le large et mieux revenir”. On en est où ? rires

Un rêve de liberté

J’avais envie, et j’ai toujours envie, de partir. Je trouve que sur la Terre, à un certain moment, il commence à y avoir beaucoup de lois, de plus en plus de règlements. On nous explique tout ce que l'on peut pas faire. À un moment, il faudra plutôt qu’on nous explique ce que l’on peut faire… J’aime l’idée d’être en mer car il y a beaucoup moins de lois.

Il faut être responsable et de nos jours il faut essayer de responsabiliser les gens plutôt que de mettre des lois dans tous les sens. Ça les infantilise. Et par définition, l’humain, et je m’inclus dedans, quand il y a une loi il a envie de la contourner. Très peu gens suivent strictement les lois, on les fouille un peu. Et ce voilier alors, il est là ?

Ouais ouais ouais, ça arrive ! J’attends que les enfants grandissent un peu et puis après, tout doucement, on va y aller. Vous disiez que vous vouliez faire ça par “peur de vous lasser” ? Du métier ou de la vie globale ? Ah non non, pas dans la vie globale. J’adore ma vie, j’adore mon métier aussi. Mais j’ai l’impression que la vie s’accélère comme l’eau du bain. (sic)

Je n’ai pas envie de me retourner à 70, 80 ans ou plus tard, j’espère, et me dire “ah j’aurais voulu faire ça, ça, ça…”. J’ai envie de faire tellement de choses… Il ne faut pas tourner trop de films non plus car une fois que l’on a lassé les gens, c’est fini. C’est comme quand on a trop mangé, dix minutes après on a toujours trop mangé quoi.

Faire ce métier avec parcimonie est pas mal, j’aurais toujours plus de plaisir à le faire. Et allez chercher le bonheur sur l’eau, ce n’est pas plus mal non plus Vous iriez où ? Ah bah je ferai le tour !

Le succès et la reconnaissance

Aujourd’hui, vous pouvez-vous le permettre de faire ce tour du monde. Vous avez fait plus de 40 films et vous avez le luxe de pouvoir choisir. Je ne sais pas si vous êtes “bankable” mais on peut faire reposer un film ou une partie d’un film sur vous aujourd’hui… Ce n’est surtout pas à moi de le dire.

Il y a très très peu d‘acteurs sur lesquels on peut miser. Je ne sais pas si je fais partie des acteurs qui garantissent des entrées… Je ne pense pas. Les films qui marchent très bien, ce sont souvent des accidents. C’est un concours de circonstances.

Un film, il peut passer à côté de l’objectif vingt fois pendant sa préparation : une mauvaise date de sortie, un mauvais feeling entre les acteurs, le réalisateur qui perd le contrôle, une affiche pas vendeuse, une mauvaise promo, un scénario qui s’enlise, un mauvais montage… Donc… En tout cas, je ne me suis jamais considéré comme quelqu’un de “bankable”. Et puis si on commence à parler de soi en disant ça, il est temps d’arrêter.

C’est une grande chance, oui. J’ai la chance de dire si j’y vais ou pas, de prendre le temps, de m’arrêter, de rencontrer, de proposer… C’est déjà un vrai luxe de faire ce métier, et c’est vrai que de pouvoir avoir son destin en mains, c’est très confortable.

Mon Ket et l'expérimentation

Vous allez faire un autre film, après Mon Ket en 2018 ? Le film n’a pas hyper bien marché (265.000 entrées en France). On est déçu quand ça ne prend pas vraiment ? Je ne l’ai pas fait pour faire des entrées.

Je rêvais d’amener la caméra cachée dans une fiction, que les gens jouent dans un film de cinéma sans le savoir. Ce n’est pas fréquent. C’était expérimental. C’est une des périodes de ma vie que j’ai préféré car j’adore le travail en équipe. Je retravaillais avec toute mon équipe de caméra cachée depuis 20 ans, qui est la même, à la personne près.

Les amener au cinéma, c’était jouissif. En sachant que l’on allait tenter de faire un truc novateur. On a tourné pendant un an, en faisant évoluer l’histoire au gré des piégés… Après, évidemment que l’on préfère faire plus d’entrées. Personne ne fait un film en visant bas. Avec Mon cousin, on espère faire dix millions d’entrées. Je rigole mais bon…

Quand vous cuisinez, vous essayer de faire le meilleur dîner possible. Personne ne se dit : “Tiens, je vais sortir un petit vin moyen et faire une recette fade.” Je suis fier du film et c’est ça qui compte.

Le retour des caméras cachées

Vous aviez dit début 2020 que les caméras cachées allaient reprendre. Où en sommes-nous ? Les repérages ont été faits, c’est un travail de six mois. Mais ils nous est tombé dessus ce qu’il nous est tombé… On les fera donc mais quand les gens n’auront plus de masques. Ça n’aucun intérêt sinon.

Vous vous rendez compte que vous avez fait marrer des milliers de personnes avec vos caméras cachées ? Non, pas vraiment. Ce que l’on se demande parfois est “à quoi on sert sur la Terre?” J’aurais rêvé de faire docteur… Je ne l’ai pas fait… Mais j’ai pris conscience que ça faisait rire, oui.

La première fois, c’est en allant voir mon père à l’hôpital, au début de ma carrière. En le quittant le soir, vers 21h, mon émission de caméra cachée passait. Toutes les portes étaient ouvertes car c’était l’heure de la distribution des médicaments pour la nuit. Et je voyais tous les petits draps blancs avec les petits ventres en-dessous qui bougeaient dans tous les sens. Et je me suis dit “bah voilà, je sers peut-être à ça”. Distraire et donner la possibilité aux gens d’échapper un peu à une situation un peu difficile.

Le versant dramatique

On parle du côté comique chez vous mais au cinéma vous êtes reconnu pour des films dramatiques (Suzanne, Les Cowboys, La famille Bélier)… C’est étonnant pour vous d’avoir conquis des gens sur un terrain sur lequel ils ne vous attendaient pas ?

Je ne vais pas faire le coup du clown triste mais en général, quand on veut faire rire, c’est une réaction. Je dis parfois “on rit pour ne pas pleurer”. Et je ne remercierai jamais assez Axelle Ropert qui m’a permis avec La Famille Wolberg de montrer cette facette de ma personnalité. Personne n’était venu me chercher pour ça avant. Elle a dû voir la fracture chez moi et voulait que je la partage.

Ce sont des films de festivals ou de nominations. Donc ils sont souvent plus vus chez les gens qui s’intéressent au cinéma que les comédies… C'est là qu'intervient, dans sa barbe, le fameux “Ça veut rien dire que j’ai dit”

Est-ce qu’il y a un rôle dont on vous parle tout le temps ? Bon, déjà, les gens ne se privent pas de venir me voir et je les remercie car c’est toujours gentil. Je n’ai jamais eu une agression et je touche du bois pour que ça continue.

Non, jamais, personne. Ah pendant ? Si si. il faut que dire je mets toutes les chances de mon côté là ! J’ai été jusqu’à tourner en Corse dans une armurerie, c’est vous dire. J’adore le petit abus de pouvoir, c’est ce que je préfère ! Donc vous me demandiez… les films, ah oui ! En général, dès que je vois les gens arriver vers moi, je sens à travers quel film ils m’ont rencontré.

Vraiment ? Vous savez quand la personne vient vers vous qu’elle va vous parler de tel ou tel film ?! Oui, oui ! Suivant les endroits où je vais. Chaque film a son univers et ses fans, je les reconnais. La Délicatesse par exemple, ce sont plutôt des femmes de la cinquantaine. Dikkenek, c’est plus en Belgique ou en France ?

En France quand même. Enfin, je crois ! En Belgique, vous êtes une star ? Vous êtes connu ? Très connu ? En Belgique, il n’y a pas de star en fait. Ça n’existe pas le showbizz. On a fait l’avant-première du film à Bruxelles et on a été boire une verre sur l’une des plus grandes terrasses de la ville, il n’y avait aucun problème. Vous faites ça en France… Vous allez mettre des grosses voitures noires, des petites cordelettes bordeaux et des poteaux en or, c’est tout juste si on met pas un spot. II y a une mise en scène. En Belgique, pas du tout. Je me promène partout en Belgique sans aucun souci.

Je ne vois pas pourquoi je déménagerais à la base… J’ai eu la chance de naître dans une environnement plutôt campagnard. J’aime la nature, j’aime la campagne, moins la ville. Je suis à 1h20 de Paris. Vous parliez de Benoît Poelvoorde… Vous vous êtes rencontrés comment ? C’était une évidence ?

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