C’est l’un des films marquants - et sans doute aussi controversés - du cinéma français des années 70 : Le Vieux Fusil fête ce 20 août 2020 son 45ème anniversaire.
Tourné il y a 50 ans en grande partie en Tarn-et-Garonne, singulièrement à Bruniquel, Le Vieux Fusil a laissé une trace indélébile. 50 ans après, Le Vieux Fusil fume encore.
Les 5, 6 et 7 septembre, le village aux deux châteaux organise une véritable plongée dans l’univers du Vieux Fusil. Le week-end sera ouvert le vendredi 5 septembre 2025 par Jean Achache, assistant réalisateur aux côtés de Robert Enrico en 1975, et par Jérôme Enrico, homme de cinéma comme l’était son père, mort en 2001.
Ce même jour, le public pourra assister à la projection du film en plein air, sur l’esplanade, après avoir vu les témoignages filmés des souvenirs des personnes présentes lors du tournage. Bien sûr, avec les années, les témoins directs, figurants notamment, sont de moins en moins nombreux.
Si le jugement des cinéphiles n’a pas toujours été tendre avec les choix de mise en scène de Robert Enrico, on doit reconnaître la force persistante du film, 50 ans après. Les châteaux de Bruniquel (à l’époque propriété de la famille de Bellefond) ont abrité des scènes marquantes : la fête du village dans la cour, l’assassinat de la mère et de la fille.
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Élu « César des Césars » en 1985, 10 ans après sa sortie, Le Vieux Fusil n’a jamais quitté Bruniquel, où son souvenir est entretenu modestement mais sûrement.
Il s’agit de la deuxième (et dernière) collaboration entre le réalisateur Robert Enrico et le scénariste Pascal Jardin, dans la foulée de leur travail sur Le Secret (dont Jardin avait signé les dialogues) et c’est à Jardin qu’on doit l’idée du Vieux Fusil.
Plus précisément, l'idée est venue d'un récit effrayant qu’un ami lui avait confié, de ce jour de la Seconde Guerre mondiale où, enfant, il avait vu un jeune soldat allemand dormir à côté de la femme qu’il avait violée et tuée. Pascal Jardin, impressionné, décide très vite de développer un récit en s’inspirant également d’un des épisodes les plus terrifiants de ce conflit, le massacre perpétré par les SS à Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944.
Quand l’écrivain se met à concevoir son récit, c’est seulement la troisième fois que le cinéma évoque Oradour après 10 juin 1944, le court métrage de Maurice Cohen, récompensé du Prix Jean Vigo en 1962 et Le Sauveur, un long métrage signé Michel Mardore en 1971 avec Horst Buchholz.
Mais Pascal Jardin, Robert Enrico et leur coscénariste Claude Veillot décident de changer le lieu du récit et choisissent de raconter l’histoire d’un médecin qui part venger la mort de sa femme et de sa fille, sauvagement assassinées par des SS, juste après le débarquement de juin 1944.
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Pour incarner ce médecin, plusieurs noms circulent. Celui d’Yves Montand tout d’abord qui vient de terminer Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau. Après son refus, Lino Ventura sera immédiatement pressenti. Robert Enrico le connaît bien. Il l’a déjà dirigé à trois reprises dans Les Grandes Gueules, Les Aventuriers et Boulevard du Rhum. Mais lui aussi décline, sans que l’on sache exactement pourquoi car, à ce sujet, les explications divergent. Pour Enrico, son refus provient de sa répugnance à jouer les scènes de coup de foudre.
Dans la foulée de leur première collaboration sur Le Secret, Philippe Noiret est donc de retour devant la caméra de Robert Enrico qui pense un temps l’associer à Catherine Deneuve, sa partenaire dans La Vie de château de Jean-Paul Rappeneau et Touche pas à la femme blanche ! de Marco Ferreri. Mais le cinéaste porte finalement son choix sur Romy Schneider qu’il n’a jamais dirigée.
Le premier rendez-vous de travail à trois est pour le moins tendu. Romy Schneider arrive deux heures en retard. Excédé, Philippe Noiret lui jette alors un : « Ah l'Autrichienne ! On commençait à se languir de vous. Pardonnez-moi mais je dois partir » avant de lever le camp devant le réalisateur blême qui réussit pourtant à rattraper tant bien que mal son acteur quand Romy Schneider lui explique qu’elle ne peut pas jouer avec un tel goujat.
Mais dans cette scène - comme tout ce qu’elle fera au long de ce tournage qui se déroule entre Paris, Biarritz (la scène de la plage), Montauban -, Romy Schneider impressionne toute l’équipe par son implication totale. Plus tard, au moment où les Allemands poursuivent son personnage, la violent avant de l’achever au lance-flammes, ses cris furent même si déchirants qu’Enrico choisit de les enlever au montage final par peur que ce passage déjà difficilement regardable devienne proprement insoutenable.
Si Le Vieux fusil reste fidèle aux thématiques du cinéma de Robert Enrico (qui va des Grandes gueules aux Aventuriers en passant par Pile ou face ou Fait d’hiver) c’est qu’il raconte l’histoire d’un type ordinaire, en apparence parfaitement équilibré, qui bascule malgré lui dans la violence et la folie.
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Pourtant, Le Vieux fusil s’inscrit dans un double contexte particulier. Les années 70 sont celles où le pays commence à regarder en face son comportement pendant la Seconde Guerre mondiale et à pointer du doigt le fait que les Français ne furent pas tous des héros ou des résistants mais aussi des collabos. Le Vieux fusil sort un an après Lacombe Lucien de Louis Malle qui avait fait polémique.
Mais le film d’Enrico est aussi l’une des rares incursions françaises dans un genre qui fait alors florès aux Etats-Unis : les films de justice expéditive, popularisés par Charles Bronson (Un justicier dans la ville en 1974) et Clint Eastwood avec la saga des Inspecteur Harry.
Forcément, cette violence dérange. Une partie de la critique parle d’indécence, choquée par l’aspect insoutenable de cette chasse à l’homme que le cinéaste assume pleinement et que le public (et les professionnels) salueront de concert.
En 1975, Le Vieux fusil réunit 3 365 471 spectateurs. C’est le cinquième meilleur résultat de l’année au box-office France derrière La Tour infernale, Peur sur la ville, On a retrouvé la 7ème compagnie et Histoire d’O mais loin devant Le Sauvage, Dupont Lajoie et Sept morts sur ordonnance.
Le film triomphera lors de la toute première cérémonie des César en remportant trois statuettes : meilleur film, acteur et musique (à titre posthume pour François de Roubaix, disparu peu avant). Le temps confirmera cet engouement.
En 1985, Le Vieux fusil sera élu comme César… des César par la même profession.
Il suffit d'écouter les notes mélancoliques du Vieux Fusil pour comprendre que l'histoire d'amour entre Philippe Noiret et Romy Schneider sera marquée du sceau du drame. La musique est signée François de Roubaix, une belle âme d'aventurier partie trop jeune, à 36 ans, dans les abysses de l'océan Atlantique.
Durant une décennie de création, en autodidacte de génie, un peu comme Ennio Morricone l'a fait pour les westerns de Sergio Leone, il aura rythmé les histoires d'homme et d'amitié de Robert Enrico (Les Grandes Gueules, Les Aventuriers) et de José Giovanni (Dernier Domicile connu, La Scoumoune). Tous ces films racontèrent la fraternité, le destin, la quête d'un bonheur qui souvent s'enfuit. Tout cela n'est pas oublié.
Le compositeur de l’inoubliable musique du film, François de Roubaix, est mort accidentellement quelques mois seulement après sa sortie. Une soirée hommage est organisée le 17 septembre 2025 à partir de 18 h au théâtre Olympe de Gouges, à Montauban. Après la projection du film, Jean-Marc Montaut et son quartet interpréteront des œuvres du compositeur.
Le 3 avril 1976, François de Roubaix a reçu à titre posthume le César de la meilleure musique pour Le Vieux Fusil. Le compositeur, disparu dans un accident de plongée en 1975 à 36 ans, aura reçu deux César à titre posthume.
Catégorie | Détails |
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Titre | Le Vieux Fusil |
Réalisateur | Robert Enrico |
Scénariste | Pascal Jardin, Claude Veillot |
Acteurs principaux | Philippe Noiret, Romy Schneider |
Musique | François de Roubaix |
Année de sortie | 1975 |
César du meilleur film | 1976 |
César des Césars | 1985 |
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