Sorti en 1975, Le Vieux Fusil de Robert Enrico est l’un des films marquants et controversés du cinéma français des années 70. Ce film, mettant en vedette Philippe Noiret et Romy Schneider, reste l'œuvre la plus célèbre de Robert Enrico, récompensée par plusieurs Césars. Le film fête son 45ème anniversaire le 20 août 2020.
L’idée du Vieux Fusil revient au scénariste Pascal Jardin. Jardin s’est inspiré d’un récit effrayant que lui avait confié un ami, relatant un événement de la Seconde Guerre mondiale où un jeune soldat allemand dormait à côté de la femme qu’il avait violée et tuée. Impressionné, Pascal Jardin décide très vite de développer un récit en s’inspirant également d’un des épisodes les plus terrifiants de ce conflit, le massacre perpétré par les SS à Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944.
Pour ce film, Pascal Jardin et le réalisateur Robert Enrico ont puisé leur inspiration dans la tragédie qui frappa le petit village d’Ouradour‑sur‑Glane à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pascal Jardin, Robert Enrico et leur coscénariste Claude Veillot décident de changer le lieu du récit et choisissent de raconter l’histoire d’un médecin qui part venger la mort de sa femme et de sa fille, sauvagement assassinées par des SS, juste après le débarquement de juin 1944.
Plusieurs noms ont circulé pour incarner le médecin. Celui d’Yves Montand, tout d’abord, qui vient de terminer Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau. Après son refus, Lino Ventura sera immédiatement pressenti. Robert Enrico le connaît bien, l’ayant déjà dirigé à trois reprises dans Les Grandes Gueules, Les Aventuriers et Boulevard du Rhum. Mais lui aussi décline, sans que l’on sache exactement pourquoi, car les explications divergent. Selon Enrico, son refus provient de sa répugnance à jouer les scènes de coup de foudre.
Dans la foulée de leur première collaboration sur Le Secret, Philippe Noiret est donc de retour devant la caméra de Robert Enrico. Le cinéaste pense un temps l’associer à Catherine Deneuve, sa partenaire dans La Vie de château de Jean-Paul Rappeneau et Touche pas à la femme blanche ! de Marco Ferreri. Mais le cinéaste porte finalement son choix sur Romy Schneider qu’il n’a jamais dirigée.
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Le premier rendez-vous de travail à trois est pour le moins tendu. Romy Schneider arrive deux heures en retard. Excédé, Philippe Noiret lui lance alors : « Ah l'Autrichienne ! On commençait à se languir de vous. Pardonnez-moi mais je dois partir », avant de lever le camp devant le réalisateur blême qui réussit pourtant à rattraper tant bien que mal son acteur quand Romy Schneider lui explique qu’elle ne peut pas jouer avec un tel goujat.
Le Vieux Fusil s’ouvre et se clôt sur la même image : un homme, une femme et une enfant se promenant en vélo sur un petit chemin de campagne, accompagnés d’un chien. Mais si la scène est identique, le sentiment éprouvé par le spectateur est très différent. Car entre-temps, le spectateur a été témoin de choses dures, éprouvantes.
Le Vieux Fusil est nettement divisé en trois parties. Au début, le film de Robert Enrico nous entraîne à Montauban en 1944. Montauban, été 1944 : le chirurgien Julien Dandieu essaye de continuer son travail, malgré la pression de la Milice, en préservant son épouse Clara et sa fille Florence. Afin de mettre celles-ci à l'abri jusqu'à la fin de la guerre, il les envoie se réfugier dans le château familial de la Barberie.
Philippe Noiret incarne le docteur Dandieu, un médecin dont la profession est forcément bouleversée par la guerre et l’Occupation. En règle générale, c’est toute la vie à la ville qui est rendue extrêmement compliquée par l’Occupation. Au milieu de ce contexte difficile, la seule consolation de Dandieu, c’est sa petite famille, sa mère, sa fille, et surtout sa femme Clara. Romy Schneider est exceptionnelle dans ce rôle. Lumineuse, radieuse, elle incarne plus qu’un personnage : une lumière (ce quoi renvoie son prénom). Même aux milieux des bruits de bombardements, elle conserve sa grâce. Cette lumière donne la vie autour d’elle. Cette image restera constamment, tout au long du film.
Or, quand il veut les rejoindre, il découvre avec horreur que la division SS Panzer Das Reich a massacré tous les habitants du village voisin. Le bon docteur retrouve les cadavres de sa femme et sa fille. Fou de colère, Dandieu retourne au village où il détruit les idoles dans l’église. Le médecin pacifiste va se transformer en un meurtrier méthodique. Il connait tous les recoins du château.
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Si, en nombre de minutes, Romy Schneider est peu présente à l’écran, son personnage est pourtant le centre même du film. C’est son souvenir qui va guider le docteur dans son expédition vengeresse. À ce moment-là, le film aurait pu sombrer dans le plus grave des pathos. La scène du viol et du meurtre de Clara est à la limite de l’insoutenable.
Plus tard, au moment où les Allemands poursuivent son personnage, la violent avant de l’achever au lance-flammes, ses cris furent même si déchirants qu’Enrico choisit de les enlever au montage final par peur que ce passage déjà difficilement regardable devienne proprement insoutenable. Mais l’irruption des flashbacks va redonner une vie, une lumière paradoxale à ce qui aurait pu être insupportablement sombre.
Pendant qu’il prépare sa vengeance contre les soldats nazis, Dandieu va être assailli par les souvenirs de sa femme, sa rencontre avec elle, sa petite vie de famille de bon père bourgeois de province avant la guerre, etc. De ces flashbacks va donc se dégager une impression paradoxale, mélange de bonté, de sérénité, de joie, et de douleur (car cette lumière s’est éteinte, car tout cela est irrémédiablement du passé désormais).
A travers cette histoire de massacre(s), Le Vieux Fusil nous montre comment l’horreur de la guerre se répand et contamine tout le monde. Au début, Dandieu est un homme qui essaie de faire son métier de son mieux (au vu des circonstances). Mais est-il possible de rester neutre en une telle période ? Dandieu pensait sincèrement échapper à tout cela et protéger sa famille en l’envoyant à la campagne, dans le hameau de la Barberie.
Et c’est vrai que les images bucoliques semblent être à l’opposé de la situation tendue et compliquée de la ville. Mais pourtant, la guerre ne préserve rien, tout est touché, souillé par sa folie destructrice. La Barberie devient la Barbarie.
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Si Le Vieux Fusil reste fidèle aux thématiques du cinéma de Robert Enrico, c’est qu’il raconte l’histoire d’un type ordinaire, en apparence parfaitement équilibré, qui bascule malgré lui dans la violence et la folie. Autrement dit, ce qui intéresse Enrico, ce n’est pas la violence à proprement parler, ce sont les mécanismes qui la déclenchent. À cet égard, Le Vieux Fusil a quelque chose de l’ordre de l’évidence, et le cœur du film ne se trouve pas dans les actes commis par Dandieu, mais dans la manière dont ceux-ci le transforment.
Pourtant, Le Vieux Fusil s’inscrit dans un double contexte particulier. Les années 70 sont celles où le pays commence à regarder en face son comportement pendant la Seconde Guerre mondiale et à pointer du doigt le fait que les Français ne furent pas tous des héros ou des résistants mais aussi des collabos. Le Vieux Fusil sort un an après Lacombe Lucien de Louis Malle qui avait fait polémique.
La musique est signée François de Roubaix, une belle âme d'aventurier partie trop jeune, à 36 ans, dans les abysses de l'océan Atlantique. Le compositeur, disparu dans un accident de plongée en 1975 à 36 ans, aura reçu deux César à titre posthume. Il suffit d'écouter les notes mélancoliques du Vieux Fusil pour comprendre que l'histoire d'amour entre Philippe Noiret et Romy Schneider sera marquée du sceau du drame. Durant une décennie de création, en autodidacte de génie, un peu comme Ennio Morricone l'a fait pour les westerns de Sergio Leone, il aura rythmé les histoires d'homme et d'amitié de Robert Enrico (Les Grandes Gueules, Les Aventuriers) et de José Giovanni (Dernier Domicile connu, La Scoumoune).
Tous ces films racontèrent la fraternité, le destin, la quête d'un bonheur qui souvent s'enfuit. François de Roubaix fût l’un des grand compositeur français de musique de films des années 1960-1970. François de Roubaix est né le 3 avril 1939 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Son père, Paul de Roubaix, réalisateur, va lui permettre très tôt de faire ses premières armes.
Véritable expérimentateur, François de Roubaix prend très tôt conscience des sonorités inédites qu’offrent les générateurs de fréquences. Il travaillera ensuite pour la série TV Les survivants. Ce multi-instrumentiste, doué d’une palette sonore impressionnante, n’hésite pas à marier le Moog à la guimbarde, l’ocarina à la cithare.
Il avoue lui-même : « C’est le mélange des deux genres, musique traditionnelle et musique électronique, qui m’intéresse. » Dans les années 60, François de Roubaix travaillera pour les plus grands réalisateurs : Melville (Le samouraï, un thème devenu mythique) ou bien encore Julien Duvivier (Diaboliquement vôtre). En 1972, il composera ce qui sera sa plus célèbre partition : La scoumoune de José Giovanni.
Mais, François de Roubaix qui est un touche à tout exercera également pour des séries d’animation comme Chapi chapo. François de Roubaix est également l’auteur du thème musical du « Commissaire Moulin » de la première série. Passionné de cinéma, il réalisera également 3 court-métrages. C’est en exerçant sa passion, qu’il trouvera la mort le 20 novembre 1975 au large de Ténérife dans les îles Canaries (Espagne).
À la fin des années 1970, la parution de trois vinyles successifs de ses meilleures musiques a exercé un effet de fascination sur des futurs musiciens de la French Touch.
Forcément, cette violence dérange. Une partie de la critique parle d’indécence, choquée par l’aspect insoutenable de cette chasse à l’homme que le cinéaste assume pleinement et que le public (et les professionnels) salueront de concert. En 1975, Le Vieux Fusil réunit 3 365 471 spectateurs. C’est le cinquième meilleur résultat de l’année au box-office France derrière La Tour infernale, Peur sur la ville, On a retrouvé la 7ème compagnie et Histoire d’O, mais loin devant Le Sauvage, Dupont Lajoie et Sept morts sur ordonnance.
Le film triomphera lors de la toute première cérémonie des César en remportant trois statuettes : meilleur film, acteur et musique (à titre posthume pour François de Roubaix, disparu peu avant). Le temps confirmera cet engouement. En 1985, Le Vieux Fusil sera élu comme César… des César par la même profession.
Même si la carrière de Robert Enrico reste riche, avec des films d’aventures à la française (Les Grandes Gueules, Les Aventuriers, Boulevard du Rhum), des polars (Pile ou face) et même un grand film historique (la première partie de La Révolution Française), c’est Le Vieux Fusil qui reste son œuvre la plus célèbre, récompensée par plusieurs Césars.
Cérémonie | Récompense | Année |
---|---|---|
César du cinéma | Meilleur film | 1976 |
César du cinéma | Meilleur acteur (Philippe Noiret) | 1976 |
César du cinéma | Meilleure musique (François de Roubaix) | 1976 |
César du cinéma | César des Césars | 1985 |
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