L'expression « la fleur au fusil » est apparue au XXe siècle. Elle rappelait les militaires de la Première Guerre mondiale qui étaient insouciants et confiants en la victoire. Ceux-ci ornaient alors leur fusil de fleurs.
Il y a encore quelques jours, un reportage continuait à colporter la légende des Français partis à la guerre "la fleur au fusil", images de 1914 et témoignage de Roland Dorgelès enregistré en 1965 à l'appui. Dans la réalité, ce qui nous a été montré était loin de correspondre à l'opinion majoritaire des Français telle qu'elle a pu être reconstituée par les historiens et ce qui nous a été présenté comme un départ en guerre "la fleur au fusil" n'était qu'un mouvement de surface, plutôt urbain, concernant les élites intellectuelles et des civils d'autant plus exaltés qu'ils n'étaient plus mobilisables, surtout parisien, parfois suscité par la jeunesse nationaliste proche de l'Action française et de ses Camelots du roi, aux abords de la Gare de l'Est, des casernes et des grands boulevards où quelques magasins à l'enseigne "germanique" (en fait souvent suisse ou alsacienne), ont été saccagés.
Et encore, à bien observer en détail la foule des images en question, on y décèle des attitudes bien plus diverses qu'il n'y parait: certaines femmes et certains soldats ont le visage grave et sont loin d'éprouver cette ferveur patriotique , d'autres tiennent des mouchoirs à la main...
Dans d'autres villes et dans certains quartiers, notamment les quartiers ouvriers, l'ambiance fut beaucoup plus complexe et les réserves face à la guerre se sont bien plus manifestées qu'on ne le pensait jusqu'ici: « A Paris, le pavé des grands boulevards est occupé par une manifestation nationaliste le 29 juillet, mais, le 27, les pacifistes ont été aussi nombreux. Quelque 20 000 manifestants se mobilisent contre la guerre à Lyon, 10 000 à Montluçon et 5 000 à Brest. Il faut aussi comptabiliser les manifestations qui sont dispersées par la police à Reims ou Nantes ou celles qui sont simplement interdites comme à Rouen, Nîmes ou Toulouse » (in La Grande Guerre, François Cochet), et, jusqu'au 4 août, des manifestations diverses (meetings, signes d'opposition divers), ont continué à s'exprimer.
De plus, la France est à l'époque majoritairement rurale. En août 1914, on y est en pleine période des moissons et on n'a guère le temps pour se passionner pour les dernières nouvelles du monde. C'est d'ailleurs le tocsin qui avertit les ruraux et, dans une France où le son des cloches a encore une signification importante, le tocsin est d'abord et avant tout l'annonciateur d'une catastrophe: c'est dire si on est loin d'être très enthousiastes à l'idée d'une guerre, même si on s'y résigne, à la fois par obéissance au devoir, mais aussi parce que domine le sentiment d'un patriotisme défensif face à ce qui semble être une agression allemande. D'ailleurs, le laps de temps est si court et les gens sont tellement sidérés et hébétés qu'ils n'ont pas vraiment le temps d'avoir d'autres types de réactions. Même au sein de la famille socialiste, la plus à même de s'opposer à la guerre, l'assassinat de Jaurès et le vote des crédits de guerre par le SPD allemand au Reichstag, ont tôt fait de doucher quelques vélléités de résistance.
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Autres élements un peu oubliés aujourd'hui mais qui rendent compte d'une attitude bien plus ambivalente des Français face à la guerre, c'est la véritable panique qui s'empare des épargnants qui n'hésitent pas à effectuer des retraits bancaires massifs de leur compte, les motifs d'un certain nombre de procès à la réouverture des tribunaux en septembre (cris séditieux, propos appelant à la désertion, ...) et l'aptitude particulière de certains commmerçants ou simples Français à tirer parti de tout et donc à vendre certaines denrées à des prix soudain prohibitifs, y compris aux soldats... Pas très "patriotique" tout cela ! En réalité, la guerre, en 1914, sembla bien plus acceptée par résignation que par réel enthousiasme, loin du cliché du départ "la fleur au fusil" et surtout parce que, soldats comme généraux, tous étaient convaincus, pour des raisons parfois opposées, que la guerre serait courte.
Il y écrit en effet : « Dans leur riante insouciance, la plupart de mes camarades n’avaient jamais réfléchi aux horreurs de la guerre. Ils ne voyaient la bataille qu’à travers des chromos patriotiques. […] Persuadés de l’écrasante supériorité de notre artillerie et de notre aviation, nous nous représentions naïvement la campagne comme une promenade militaire, une succession rapide de victoires faciles et éclatantes.
Par extension, en oubliant le côté insouciant et en mettant l'accent sur l'enthousiasme et le courage qu'il faut pour partir aussi volontairement dans un conflit, la locution a également pris le deuxième sens plus commun aujourd'hui. 'Fusil' est un mot qui, sous cette forme, date du XIIIe siècle. Par métonymie, c'est l'arme à feu elle-même qui est devenue un fusil.
C’est un mystère qui perdurait depuis 108 ans qui vient d’être résolu par les membres d’une équipe interdisciplinaire de l’Université de Toronto, composée de botanistes, de bibliothécaires, d’universitaires et d’archivistes. Celui-ci concerne la fleur qu’Harold Wrong, l’un des anciens étudiants de cette université, avait envoyée à sa famille. Dès le lendemain, le jeune soldat canadien ayant combattu lors de la Première Guerre mondiale trouvait la mort lors de la bataille de la Somme, comme 28000 de ses compatriotes.
Dans sa lettre, datée du 30 juin 1916, il avait écrit ces quelques mots à ses parents : "Tout va bien pour moi." Cette brève missive s’accompagnait d’une primevère bleue, avant d’être repéré trois jours plus tard par le site Interesting Engineering. Comment cet homme a laissé un dernier message poignant à sa famille au milieu de l'horreur de la Première Guerre mondiale
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Longtemps, l’espèce à laquelle appartenait cette fleur, cueillie quelques heures avant que le soldat tombe au combat, a fasciné les chercheurs. C’est grâce à un outil à la pointe de la technologie que cette énigme a enfin été résolue. Dans le détail, le scanner MISHA (Multi-spectral Imaging System for the Humanities and Archives) a permis aux scientifiques de photographier et d’analyser la délicate plante gardée précieusement dans les archives de l’université... Toutefois, aucune correspondance n’a été trouvée.
Pour autant, les scientifiques ont poursuivi leurs recherches. Au fur et à mesure, ils ont pris conscience de la variété de fleurs, qui apportaient une touche de beauté inattendue dans ce paysage dévasté. "On remarque rarement les fleurs sur les photos [historiques], pourtant il y en avait beaucoup, confirme Jessica Lockhart, responsable des recherches au Old Books New Science Lab de l’Université de Toronto.
Jessica Lockhart, après avoir consulté un expert en flore et faune, a pu émettre la possibilité que ce soit un "cowslip bleu" (primula veris). Elle a eu la confirmation que c’était bien une "primevère bleue", une fleur de printemps, grâce à Plant.net, une application de reconnaissance des plantes grâce à des photos. Son attention a probablement été attirée par cette primevère en floraison. [...] On dit que la Première Guerre mondiale a arraché une génération de jeunes, et c’est peut-être ce que symbolise cette fleur - une chose belle et rare qu’Harold a cueillie en guise de dernier message à sa famille.
Grandes oubliées de la guerre, de nombreuses fleurs sont associées dans le monde entier aux combats de la Première Guerre mondiale. Dès le début de la Grande Guerre sont aménagés, dans la proximité immédiate des zones de combat, des cimetières provisoires dont les tombes se fleurissent spontanément, ce qui retient l’attention de certains combattants. En 1915, en Flandre, la floraison de coquelicots inspire au lieutenant-colonel canadien John McCrae le poème In Flander Fields, qui érige le poppy en symbole du sang versé par les hommes tombés au champ d’honneur.
Le bleuet des champs ou bleuet des moissons (Centaurea cyanus) va devenir en France, pendant la Grande Guerre, un symbole d’aide aux combattants. En France, les survivants de la première année du conflit appellent les recrues de la classe 1915 les bleuets. Si ce surnom s’explique par le port du nouvel uniforme bleu horizon, il est également choisi parce que cette fleur bleue, tout comme le coquelicot, continue de pousser sur les champs de bataille. Deux infirmières des Armées, Suzanne Lenhard et Charlotte Malleterre-Niox, exerçant aux Invalides pendant le conflit, imaginent alors de vendre des petites fleurs fabriquées par des soldats blessés ou mutilés. En 1920, Louis Fontenaille, président des Mutilés de France, choisit le bluet comme symbole des Morts pour la France. Le 11 novembre 1934, plus de 128 000 fleurs artificielles sont vendues sur la voie publique. Cette démarche sera officialisée l’année suivante par l’Etat français qui décide d’institutionnaliser cette opération partout en France chaque 11 novembre, puis chaque 8 mai, à partir de 1957.
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“In Flanders fields the poppies blow/between the crosses, row on row…” (Dans les champs de Flandre, les coquelicots éclosent entre les croix, rang après rang...) C’est un poème écrit par un soldat canadien, John McCrae, rédigé après la mort de son camarade Alexis Helmer, à Ypres, en 1915, qui va faire du pavot la fleur associée à la mémoire de ceux morts à la guerre. Publié la même année dans l’hebdomadaire satirique anglais Punch, le texte est remarqué trois ans plus tard par une infirmière américaine, Moina Belle Michael, qui convainc la National American Legion et la Royal British Legion de faire de Papaver rhoeas l’image du Souvenir. D’abord mobilisé dans le cadre d’initiatives individuelles et privées, le coquelicot s’institutionnalise après 1920 en Grande-Bretagne : le maréchal Douglas Haig organise en 1921 un British Poppy Day Appeal afin de récolter des fonds destinés aux anciens combattants invalides et sans ressources. Rapidement étendue aux autres nations du Commonwealth, la pratique transforme le jour de l’armistice en Poppy Day, où de très nombreux Britanniques arborent un coquelicot en mémoire des soldats tombés au combat.
Avant de se joindre au Canada en 1949, les Terre-Neuviens célébraient traditionnellement leur Memorial Day chaque 1er juillet. Lors de cette journée, ils arboraient quelques branche de myosotis en hommage aux centaines de soldats du Royal Newfoundland Regiment, tués ou blessés, le 1er juillet 1916, durant la bataille de la Somme, à Beaumont-Hamel (France). Tout comme le coquelicot ou le bleuet, le myosotis (aussi appelé en anglais “Forget Me Not” - “Ne m’oublie pas”) a d'abord été un symbole de respect. Du côté allemand, d’autres fleurs symbolisent la guerre qui s’éternise, parfois dans le sillage d’usages datant de l’avant-guerre. C’est le cas du myosotis, appelé en allemand « ne m’oublie pas » (Vergissmeinnicht) et qui, avant 1914, était déjà la fleur du souvenir représentant l’être aimé parti loin du foyer. Séché, précieusement conservé, il est glissé (tout comme le réséda) dans les correspondances épistolaires et matérialise la permanence des liens entre le front et l’arrière. Il est plus tard devenu une source de revenus pour les anciens combattants blessés. Encore aujourd'hui, de petites fleurs de myosotis en tissu sont portées le 1er juillet dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador en signe de commémoration.
En érigeant les fleurs au rang de marqueur mémoriel, la Grande Guerre a inventé une tradition qui se perpétue au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les fleurs n’expriment pas seulement le souvenir des hommes tombés au combat ou la glorification des résistants. Pendant la Grande Guerre, à l’instar du poilu Gaston Mourlot, de nombreux soldats confectionnent des herbiers, afin de rompre avec la temporalité du conflit en collectionnant un élément qui incarne le temps de paix, celle du passé et celle à venir.
Après la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide, l’homme a établi des symboles de paix universellement connus. Le drapeau blanc est également un symbole fort connu depuis des millénaires comme symbole de paix. Un autre symbole fort de la paix mondiale est le fusil brisé, qui est surtout utilisé par l’Internationale des résistant(e)s à la guerre (IRG), connue sous le nom anglais de War Resister’s International (WRI). L’IRG souhaite avant tout mener une action non-violente contre les causes de la guerre, souhaitant établir un monde sans guerre. C’est pour cette raison que leur logo affiche un fusil brisé par deux mains.
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