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Cet article propose une analyse des enjeux liés à la lecture numérique, en se penchant sur l'évolution du livre électronique et son impact sur les pratiques de lecture. Il s'agit d'examiner si le livre électronique a réussi à saisir sa "fenêtre de tir" et quelles sont les perspectives pour l'avenir de l'édition numérique.

L'essor et le déclin des tablettes dédiées

Le premier chapitre de l'ouvrage est consacré à l'histoire des tablettes pionnières, retraçant les principales étapes de leur maturation technologique. Jean-Baptiste de Vathaire rappelle la genèse de l'objet et les conditions d'apparition d'une offre commerciale à la fin des années 90, en particulier les différentes tablettes dédiées qui ont été commercialisées comme le Rocket eBook et le SoftBook aux États-Unis ou le Cybook de Cytale en France. Il évoque aussi les projets qui n’ont jamais vu le jour ou sont encore au stade prototypal.

Cependant, l'offre des tablettes dédiées est aujourd'hui en veilleuse, et il semble que l'avenir soit aux appareils semi-dédiés ou multifonctions qui, comme les PocketPC, PDA ou TabletPC, proposent - notamment - l’activité de lecture. Comme l’observe Jean-Baptiste de Vathaire, le livre électronique s’est inscrit dans une « fenêtre de tir » délimitée : « Pour qu’il existe comme projet et comme objet technique, il fallait que la technologie le permette […] ; mais il sera sans doute amené à disparaître lorsque le milieu technique et culturel dans lequel il s’insère aura été suffisamment modifié pour qu’il en perde lui-même sa raison d’être » (p. 70).

Marc Devillard, directeur général de Cytale, reconnaît lui-même que le livre électronique bénéficiait d’une « fenêtre d’opportunité » réelle, mais limitée dans le temps. Pourtant, au moment même où cet ouvrage était imprimé, en avril 2004, Sony commercialisait au Japon son livre électronique « Librié », plus puissant, plus compact, plus autonome que ses prédécesseurs, mais dont les propriétés restent globalement les mêmes et le modèle économique identique.

Les pratiques de lecture et le livre électronique

Dans le chapitre « Pratiques de lecture et livres électroniques », Alain van Cuyck et Claire Bélisle observent plusieurs faits signifiants : le livre électronique a été à la fois l’objet d’espérances et de résistances fortes. La crainte que le livre électronique ne tue toute envie de lire a tenté certains de l’opposer frontalement au livre, formidable vecteur de culture. Les auteurs de ce chapitre posent la question des pratiques de lecture proposées par le livre électronique et de son cantonnement à la lecture utile et professionnelle.

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À ce sujet, la lecture sur livre électronique est encore majoritairement associée, dans l’inconscient collectif, à celle sur écran d’ordinateur. Or, les deux dispositifs, tout comme leurs visées, sont différents : le premier est associé à une lecture de plaisir, le second à une lecture fonctionnelle et utilitaire.

En revanche, l’œuvre imprimée s’identifie en un clin d’œil grâce à l’éditeur, la collection, la présentation, la quatrième de couverture et même le feuilletage : tous ces indices contribuent à donner un premier éclairage sur le contenu. Le livre numérisé reprend ainsi tous les attributs de la page. C’est ce « contrat de lecture », cet horizon d’attente, cette relation entre un support et son lectorat que le livre électronique tente de perpétuer, tentative fructueuse puisque l’expérimentation éponyme réalisée en 2002 montre que les lecteurs ont eu l’impression de lire comme dans un livre.

Pourtant, Claire Bélisle indique aussi que la lecture est liée aux supports de l’écrit : « Toute transposition d’un texte dans un support autre peut entraîner des transformations dans sa mise en sens ».

Typographie et écriture pour l'écran

Jacques André et Alain Paccoud se proposent de répondre à la question de savoir comment « écrire pour l’écran ». Le chapitre commence par une définition de ce qu’est la typographie et par la mise en évidence de son rôle irremplaçable dans la présentation des textes. Les auteurs précisent comment la typographie détermine la reconnaissance et la compréhension d’un texte, notamment dans la diversification de la mise en page qu’accompagne le développement de la presse.

Une page est une image, l’équilibre d’une bonne articulation entre le texte et son architecture, où le blanc, offrant les espaces de respiration, a toute son importance. La typographie structure, hiérarchise, ordonne, catégorise. Or, les auteurs notent que « la typographie des livres électroniques acquiert l’une des plus grandes qualités : elle devient invisible » (p. 118).

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Nouvelles modalités et pratiques de lecture

Claire Bélisle se demande ce qui change lorsqu’on lit à l’écran : quels sont les enjeux de la lecture numérique ? Les pratiques de lecture sont-elles menacées de superficialité, dont le « triomphe » entraîne la « mort de la littérature » (p. 170), ou entrent-elles dans une mutation vers plus de complexité et de richesse ? Les premiers romans interactifs, comme les ouvrages scientifiques et encyclopédiques, tirent ainsi parti de l’hypertextualité, ouvrant la voie à une « littérature fragmentaire » (p. 168) et discontinue, comme à une « nouvelle poétique » (ibid.). « L’édition électronique, en permettant l’accès à l’information par branchements et un cheminement associatif dans les textes, les graphiques, les vidéos, ouvre, semble-t-il, la porte à un nouveau contrat de lecture » (p. 153).

Les enjeux éditoriaux et économiques

Enfin, du point de vue éditorial, la notion de prise de risque change. Ainsi que le note Bertrand Legendre, la numérisation de l’ensemble des mécanismes qui concourent à la production a permis d’importants gains de productivité dans la fabrication. Par ailleurs, les « agents de reconnaissance et de prescription » (p. 92) ne sont plus les mêmes : « Autrefois, l’enseignant, le critique littéraire, le libraire, le bibliothécaire, les pairs informaient et orientaient les choix des lecteurs. Aujourd’hui, ce sont d’abord les pairs qui sont les nouveaux prescripteurs ».

Christian Ducharme indique que si le livre électronique n’était sans doute pas adapté aux besoins du grand public, il peut, en revanche, trouver une réelle utilité en bibliothèque. Mais il relève certains problèmes liés au prêt : d’une part, il faut prêter la tablette ; d’autre part, le prêt d’une ou plusieurs œuvres numériques fait encore question (p. 218). Peut-on alors penser que la lecture numérique se développera d’abord dans des « niches » ? Éditions scientifiques, bibliothèques, manuels scolaires numériques semblent être visés dans un proche avenir.

Pascale Gossin note qu’une « innovation technique pénètre lentement les milieux scolaires et suscite des polémiques ». Elle présente les différents dispositifs de manuels numériques, notamment celui de Bordas/Nathan (p. 230). Le paysage est ici assez vaste, entre cartable électronique, cartable numérique et manuel numérique. La liste des propositions et fonctionnalités s’étend « à foison » (p. 234) : le manuel numérique d’histoire-géographie personnalisé par le professeur selon les besoins de son cours s’étoffe de fonctions de communication propres à la classe (notification des absences, du programme de la semaine).

Lire aussi: "Fenêtre de tir": Une expression décryptée

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