Farid Tir, un nom qui évoque le grand banditisme et les règlements de comptes impitoyables. Surnommé « le Mesrine du Nord » par la presse, en référence au célèbre criminel français, et « le Solitaire » par les forces de l'ordre, Farid Tir a marqué les esprits par l'audace de ses braquages et son évasion spectaculaire.
Entre 2001 et 2008, Farid Tir multiplie les braquages d'agences bancaires dans la région Nord-Pas-de-Calais, consolidant sa réputation de criminel insaisissable. Lourdement armé, opérant souvent seul et à visage découvert, il braque au moins huit banques. Son mode opératoire est précis et efficace. Ses otages le décrivent comme un homme poli, malgré la situation tendue. Toujours à bord de grosses cylindrées, des Audi de préférence, il défie ouvertement la police, narguant les caméras de vidéosurveillance sans dissimulation.
La Police Judiciaire (PJ) met des mois à identifier celui qui les provoque ainsi, et plus de sept ans à l'appréhender.
En mai 2005, alors incarcéré, Farid Tir est transféré de sa cellule au service de chirurgie orthopédique du CHU d'Amiens-Nord pour une opération. Avec la complicité d'un commando cagoulé et armé de fusils à pompe, le truand trentenaire s'évade de manière spectaculaire. Cette évasion marque un tournant dans sa carrière criminelle, le propulsant au rang d'ennemi public numéro un.
L'opération était chronométrée à la minute près. Un commando armé de trois hommes a fait irruption hier matin au centre hospitalier universitaire d'Amiens pour libérer un détenu dangereux, qui a pu prendre la fuite avec ses complices. Farid Tir, 36 ans, était hospitalisé depuis lundi dans l'attente d'une opération au cours de laquelle une broche devait lui être enlevée. Ironie du sort, cet implant métallique avait été posé sur ce multirécidiviste du braquage après qu'il eut la jambe fracturée lors de son interpellation en décembre 2002. Soupçonné d'une dizaine d'attaques à main armée et de plusieurs vols de véhicules de grosse cylindrée, Farid Tir était incarcéré depuis cette date en attente de son renvoi devant une cour d'assises. Durant sa période de détention, il avait déjà fait une première tentative d'évasion, en avril 2003 à Lille.
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Le trio qui lui a permis cette fois de se faire la belle est arrivé à l'hôpital vers 8 heures. Leur comparse se trouvait alors dans une chambre non sécurisée de l'établissement, puisqu'il devait se rendre en salle d'opération dans la matinée. Habituellement, les détenus réputés dangereux sont installés dans un « bloc cellulaire » muni d'une porte blindée. Ça n'était donc pas le cas hier matin, et le commando, très bien renseigné, le savait visiblement. D'après la direction de l'hôpital, les trois hommes se sont rapidement dirigés vers le service de chirurgie orthopédique où Farid Tir se trouvait. Ils avaient avec eux des « bagages à main » dans lesquels leurs armes étaient probablement dissimulées. A l'approche de la chambre du braqueur, ils ont sorti leurs fusils à pompe et leurs pistolets, qu'ils ont pointés sur les deux policiers chargés de sa surveillance. Après avoir maîtrisé les fonctionnaires, ils sont repartis en emmenant avec eux leur comparse. L'opération a duré moins de dix minutes.
A la sortie du bâtiment, deux des fuyards sont montés dans une BMW, tandis que leurs complices embarquaient dans une Rover. Ce dernier véhicule a rapidement été repéré par des policiers au nord d'Amiens, à une vingtaine de kilomètres des lieux de l'évasion, qui sont parvenus à interpeller les deux truands qui se trouvaient à l'intérieur. Un des deux suspects arrêtés n'est autre que le frère aîné de l'évadé, Rabah Tir, 39 ans. Les deux hommes ont été placés en garde à vue, où ils étaient toujours interrogés hier par des enquêteurs de la PJ d'Amiens et de Lille.
Pendant des mois, Farid Tir enchaîne les casses, démontrant une audace et une détermination sans limites.
Après des années de cavale, Farid Tir est finalement arrêté le 28 juillet 2008 à Lille, devant de nombreux témoins. Sa saga judiciaire commence alors, le menant d'un tribunal à l'autre. En 2006, il avait été condamné par défaut à 18 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises du Nord pour plusieurs vols à main armée en bande organisée.
La cour d'assises de la Somme le condamne ensuite à quinze ans de réclusion pour son évasion spectaculaire de l'hôpital d'Amiens. Ses complices, son frère Rabbah et son beau-frère Slimane Mejdoub, sont également condamnés respectivement à douze et huit ans de réclusion pour complicité.
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La cour d'assises du Nord a revu à la baisse la condamnation de dix-huit ans de prison, prononcée par contumace en 2006 : l'homme était en cavale depuis son évasion, en mai 2005, de l'hôpital d'Amiens. Les jurés ont suivi les réquisitions du procureur, mais Me Laura Campisano, l'avocate de Farid Tir, ne se montrait pas déçue : « Le jury a suivi mon raisonnement en relaxant mon client pour trois braquages. »
Agé d'une quarantaine d'années, Farid Tir est quand même loin d'être tiré d'affaire malgré les trois ans de détention provisoire déjà effectués : suite à son évasion de 2005, aidé par un commando de trois hommes armés et cagoulés, il avait également été condamné à quinze ans de prison par la cour d'assises d'Amiens. Une peine dont il a fait appel.
Le nom de Farid Tir est également associé au trafic de stupéfiants et aux règlements de comptes sanglants qui sévissent dans le milieu du crime organisé. En 2016, le parquet de Marseille révèle publiquement l'existence d'une rivalité entre la famille Tir et un autre clan, les Remadnia, soupçonnés d'être impliqués dans le trafic de drogue.
Cette rivalité a entraîné une série de meurtres et de tentatives d'assassinat, faisant de nombreuses victimes au sein des deux familles.
La guerre des clans a endeuillé la famille Tir à plusieurs reprises :
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D'autres membres du clan ont échappé de justesse à des tentatives d'assassinat, comme le frère de Farid Tir, Eddy, alias Barabas, visé par des coups de fusil d'assaut en septembre 2011. Eddy Tir a été condamné en appel à 20 ans de réclusion pour le meurtre d'un habitant de la Castellane. En mars 2014, Hichem Tir, également oncle de Farid, est sorti indemne d'une fusillade à Beauvais.
Le clan Tir, une famille de Chaouis, des Berbères débarqués d'Algérie après 1945, a payé un lourd tribut à la violence qui gangrène les quartiers Nord de Marseille. Depuis 2010, cette famille a enterré plusieurs de ses fils, tués par balle.
La saga familiale plonge ses racines dans les âpres montagnes des Aurès, dans l'est de l'Algérie. Mahboubi Tir, le patriarche, a ouvert son premier commerce d'alimentation à Marseille et était aimé et respecté dans son quartier.
En 2016, le parquet de Marseille avait publiquement prêté à cette famille une rivalité avec un autre clan, les Remadnia, dont certains tremperaient dans les « stups ». On soupçonne Eddy Tir d'avoir commandité depuis sa prison l'assassinat de Zakary Remadnia en 2014, mais ce crime reste pour l'heure irrésolu et un épais mystère entoure les autres, même si des équipes de tueurs ont été identifiées autour des deux familles et arrêtées.
Il est important de noter que tous les membres de la famille Tir ne sont pas impliqués dans le banditisme. En 2016, L'Express soulignait que « l'immense majorité des quelque 300 membres du vaste clan Tir est, en effet, totalement inconnue des services de police ».
Cependant, la famille Tir a connu son lot de tragédies et de démêlés avec la justice. Un autre Farid Tir, petit-fils de Saïd, est incarcéré depuis son arrestation à la frontière espagnole en 2011 pour trafic de cannabis. Eddy Tir, neveu de Saïd, a été emprisonné pour le meurtre d'un adolescent.
Ces destins tragiques soulèvent des questions sur l'influence du milieu familial et social sur les trajectoires individuelles. Au sein de la famille Tir, il est difficile de distinguer les responsabilités criminelles des parcours exemplaires. D'un côté, il y a Mahmoudi, le patriarche respecté, dont l'engagement social a été reconnu par la communauté marseillaise. De l'autre, Saïd, considéré comme un puissant trafiquant de stupéfiants, dont le nom est associé aux drames qui frappent la famille.
| Date | Événement |
|---|---|
| Mars 2001 | Farid Tir braque au moins huit banques dans le Nord-Pas-de-Calais. |
| Mai 2005 | Évasion spectaculaire de Farid Tir du CHU d'Amiens-Nord. |
| 28 juillet 2008 | Arrestation de Farid Tir à Lille. |
| 27 avril 2011 | Assassinat de Saïd Tir, grand-père de Farid. |
| Juillet 2011 | Assassinat d'Akim Grabsi, beau-frère de Saïd. |
| 11 avril 2012 | Assassinat de Farid Tir (homonyme), oncle de Farid. |
| Juin 2014 | Assassinat de Karim Tir, oncle de Farid, à Asnières. |
| Juillet 2014 | Assassinat de Zakary Remadnia, cousin par alliance. |
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