Les emojis sont devenus un moyen populaire d'exprimer des émotions et des idées dans les communications numériques. Cependant, derrière ces petits pictogrammes se cachent parfois des messages bien plus sombres ! Ils peuvent dissimuler des codes secrets, être utilisés par les jeunes pour parler de sujets sensibles, ou même servir d’armes de cyber-harcèlement. Parmi eux, l'emoji pistolet suscite des interrogations quant à son interprétation et son utilisation.
Apple a été le premier acteur majeur à remplacer un revolver par un pistolet à eau vert en 2016. C’est un changement important pour apporter de l’uniformité. Quand Apple remplace un revolver par un pistolet à eau vert, l’emoji associé n’a plus du tout le même sens sur iOS et macOS par rapport au reste de l’industrie. Ce qui pouvait apporter des contresens dans les échanges multi-plateformes. Bizarrement, le créateur de Windows était le seul au départ à avoir opté pour un faux pistolet, avant de changer d’avis et opter pour un vrai… la même année qu’Apple changeait pour un pistolet à eau !
Le 2 août, Apple a voulu confirmer sa prise de position contre les violences liées aux armes en opérant un petit changement dans la gamme d’emojis que la firme propose à ses utilisateurs. La marque à la pomme avaient déjà fait parler d’elle sur le sujet en décidant de bloquer l’emoji fusil, comme l’a rapporté The Guardian fin juin. Au fait, saviez-vous que le 17 juillet c’est la journée mondiale de l’emoji ?
Le nouveau dessin sera le standard sur la prochaine version d’Android, mais les utilisateurs actuels en bénéficieront aussi via une mise à jour des emojis. Ce qui veut dire que l’emoji qui représente un pistolet montrera un jouet plutôt qu’une véritable arme à feu sur Android aussi.
Même si l’ancien design de Microsoft était différent, il serait plus cohérent avec la nouvelle direction. Tout en proposant une image qui ne pose aucun problème de compréhension : on reconnaît facilement qu’il s’agit d’un pistolet à eau.
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Les emojis sont néanmoins parfois difficiles à interpréter. Imaginons un instant qu’un utilisateur d’Apple envoie cet emoji pistolet à eau pour faire une plaisanterie. «Cela pourrait entraîner une confusion sur les différentes plateformes, écrit encore Business Insider. De plus, si l’initiative est louable, il ne s’agit qu’une goutte d’eau dans le débat sur les armes. Ce choix d’Apple pose également des questions sur l’actualisation des emojis: faut-il interdire le changement des dessins une fois établis? Faut-il les mettre au goût du jour pour coller aux évolutions de la société?
Avec l'émoji aux yeux ronds, voyez-vous un personnage étonné, gêné, choqué? L'interprétation pourrait tout changer dans un tribunal. Un émetteur et un destinataire d'émoji peuvent tout à fait voir des représentations très différentes du même symbole. Et donc avoir des interprétations totalement différentes. Mais jusqu'alors, un émoji pistolet à eau envoyé depuis un Iphone était reçu comme la représentation d'un véritable pistolet sur un smartphone Android.
Elles pointent les difficultés de compréhension de ces émojis, qui selon elles peuvent modifier le message. "Le contexte est (…) essentiel pour traduire les intentions de l'expéditeur. Indices ethniques, de genre et liés à la diversité dans la sélection des émojis, leur ordre par rapport aux autres icônes, leur nombre et leur répétition et la nature du texte ou des acronymes qui les accompagnent colorent le sens des messages." Elles recommandent la création d'un espace juridique distinct où des spécialistes du langage numérique pourraient assister les juges afin d'évaluer la pertinence de ces émojis en tant que preuve.
Pour la plupart des gens, un emoji est un visage souriant ou un cœur battant égayant un texto. Des dealers sur le dark net aux adeptes de Daech, tous les groupes criminels font désormais appel aux emojis dans leurs communications. Chez les terroristes du groupe État islamique, un cœur accompagné d'une colombe représente le martyr. Dans la traite d'êtres humains, le symbole de la couronne est utilisé pour confirmer que la victime est sous la garde d'un gang ou au domicile d'un trafiquant. L'utilisation la plus créative des emojis revient sans nul doute aux trafiquants de drogue. Le brocoli et les arbres servent à commander de la marijuana, le bonhomme de neige de la méthamphétamine et le poisson-globe, de la cocaïne.
Attention, vos textos pourraient vous envoyer derrière les barreaux. Plus particulièrement les émojis - ces petites icônes qui représentent personnages, émotions, animaux, légumes et à peu près tous les objets du quotidien - qui agrémentent SMS et publications sur les réseaux sociaux. Aux États-Unis, l'évocation des émojis dans les décisions de justice explose. C'est ce qu'a remarqué Eric Goldman, professeur de droit à l'université de Santa Clara, en Californie. Près d'un tiers de toutes les références à des émoticônes dans les tribunaux se sont produites l'année dernière.
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"Comme pour n'importe quelle technologie émergente, notre système judiciaire aura besoin d'une période de transition.""Les émojis ne sont qu'un autre type de communications non verbales non textuelles que les tribunaux doivent interpréter", assure sur son blog ce spécialiste du discours sur internet. Il regrette que trop souvent, les juges préfèrent les ignorer, comme s'ils ne faisaient pas partie intégrante du message. C'est également le cas la plupart du temps de ce côté-ci de l'Atlantique.
En France, les émojis font encore assez peu pencher la balance dans les tribunaux. Mais cela ne saurait tarder. "Il n'y a pas de jurisprudence et l'émoji n'est pas toujours l'élément le plus décisif pour les magistrats, certains sont encore un peu old school, explique à BFMTV.com Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris. Mais depuis quatre ou cinq ans, cela commence à être pris en compte."
Selon cet avocat, un émoji pistolet, couteau ou bombe est bel et bien un élément incriminant, au même titre que des menaces écrites. Il va même plus loin. "C'est la même chose qu'une balle expédiée dans un petit cercueil en bois. L'envoi d'émojis n'est pas anodin et peut vous mener au tribunal." Mais il précise que ces derniers doivent s'inscrire dans un contexte. "Une icône de pistolet, toute seule, ne sera pas suffisante mais reliée à d'autres éléments menaçants, cela exprime clairement une intention malveillante."
Il lui est déjà arrivé de plaider de tels cas."Dans le cadre d'un divorce, un des époux envoyait des messages à l'autre pour le dénigrer. Il avait pris le soin de les agrémenter d'émojis, ce qui était un élément à charge supplémentaire. Dans les affaires de menaces, c'est très courant. Un couteau, un pistolet, pour nous c'est du pain béni."
C'est ce qu'il s'est passé à Pierrelatte, dans la Drôme, en 2016. Un homme a été condamné pour des menaces de mort sur son ancienne compagne, à l'époque mineure, à six mois de prison dont trois ferme. Parmi les nombreux messages qu'il lui avait envoyés se trouvait un émoji revolver. Lors du procès, ce dernier a été évoqué.
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Si le tribunal correctionnel de Pierrelatte a tranché en ce sens, il est parfois bien difficile d'y voir clair tant les émojis peuvent être sujet à diverses interprétations. The Wall Street Journal relatait une réunion au sein d'un grand cabinet d'avocats américains, à Atlanta, afin de déterminer ce que l'émoji "visage pas amusé" signifiait réellement. La réunion ne leur a pas permis de se mettre d'accord: chacun des participants avait sa propre explication.
Outre-Atlantique, en 2016, une adolescente de 12 ans a été poursuivie pour avoir menacé son collège dans un message contenant une suite d'emojis: un revolver, un couteau et une bombe. Ils ont été considérés comme des preuves suffisantes pour lancer la procédure judiciaire. Autre exemple dans le Michigan, un juge a estimé que cette succession de caractères ":-P" -qui représente un personnage tirant la langue- "n'altérait pas matériellement la signification" des messages dans une affaire de harcèlement. Le harceleur a été condamné.
En Israël, dans une affaire de location immobilière annulée, un couple a été condamné il y a deux ans à dédommager un propriétaire à hauteur de 2000 euros pour ce message: "Bonjour, nous voulons la maison. Nous avons juste besoin de discuter de quelques détails", accompagné des émojis visage souriant/rougissant, danseuse de flamenco, deux femmes déguisées en lapin, signe de la victoire, écureuil et bouteille de champagne. Le vendeur avait retiré l'annonce pensant que l'affaire était faite, mais les potentiels acheteurs s'étaient finalement rétractés. Le tribunal a estimé que cette succession d'émojis valait consentement.
Ce détournement d’émojis devient une tactique redoutable qui permet d’échapper aux modérateurs… et aux parents ! Si vous découvrez des émojis qui vous semblent suspects sur les comptes de vos enfants, ne paniquez pas mais ouvrez le dialogue pour comprendre ce qu’ils font et pourquoi !
Coordonnés, certains utilisateurs des réseaux sociaux réalisent des « raids numériques » sous des publications ciblées, avec lesquelles ils expriment un violent désaccord. Sous les publications de célébrités LGBT+, féministes, ou encore d’influenceuses qui seraient jugées « trop grosses », « sans poitrine », « trop ci », « sans ça », par des internautes malveillants, mais aussi, sous des publications de victimes présumées de personnalités publiques, il n’est pas rare de voir des émojis plus verts que jaunes, car « en train de vomir ». Ou encore celui qui représente un tas d’excréments. C’est même systématique pour certaines communautés d’internautes ouvertement homophobes, par exemple.
Slate avait alors indiqué à ses abonnés « subir une attaque des masculinistes ». Mais que signifie « flooder », au juste ? À l’origine de cette pratique ? Un YouTubeur, Greg Toussaint, suivi à ce jour par plus de 270 000 abonnés, avec une idée bien précise en tête : distribuer des médailles aux meilleurs « gauchistes ». Pas besoin de mots injurieux pour que ces messages d’émojis répétés soient interprétés par le droit français comme du cyber-harcèlement de meute.
La loi n°2018-7031 du Code pénal a été modifiée en août 2018, afin de lutter contre ces cas de « raids numériques ».Du côté d’Instagram, en France, le réseau social a fait appel à l’association Génération Numérique, qui lutte contre le cyber-harcèlement. Au printemps 2021, ils ont annoncé avoir dressé, ensemble, une liste de mots, d’expressions, mais aussi d’émojis, considérés comme injurieux. Et cette liste noire pourra être personnalisée par l’utilisateur lui-même. Tel un filtre anti-harcèlement, qui s’adapte à différents cas et contextes.
Et parmi elles : « Il est interdit de publier, télécharger, diffuser en direct tout contenu qui encourage le harcèlement coordonné », ou encore, « tout contenu qui présente un préjudice ou une intimidation délibérée, comme le cyberharcèlement ou le trolling », mais aussi « les commentaires, émojis, textes ou autres contenus à caractère sexuel utilisés pour voiler ou suggérer la nudité ou l’activité sexuelle d’un mineur » et « tout contenu qui simule une activité sexuelle avec un autre utilisateur, soit verbalement, soit sous forme de texte (y compris les émojis) ».
« Y compris les émojis », assène le réseau social des plus jeunes, ne laissant aucune place au doute. Ce qui nous semble rassurant.
Sans compter que de nombreux émojis ont parfois un double sens, souvent à connotation sexuelle. C'est le cas de l'aubergine, devenu un symbole phallique, qui a même un temps été banni d'Instagram, ou de la pêche - qui ressemblerait à une paire de fesses - ce qui a poussé Apple à le modifier. De plus, la vigilance doit être celle de chacun, puisque les géants du numérique n’ont pas tous donné la même apparence à ces symboles. On y trouve par exemple l’aubergine, potentiellement caractérisée comme une manifestation de harcèlement sexuel, ou celui de l’excrément comme du harcèlement moral. La truffe du cochon peut elle s’apparenter à un discours de haine, indique le guide.
Une icône de pistolet, toute seule, ne sera pas suffisante mais reliée à d'autres éléments menaçants, cela exprime clairement une intention malveillante. Beaucoup de gens ne sont pas conscients du fait que les émojis peuvent avoir une connotation autre que celle qu'ils imaginent amusante, conclut Thierry Vallat.
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