On pourrait la surnommer le cowboy des océans, cette crevette pistolet, elle qui semble tirer plus vite que son ombre. Car ce crustacé de 3 à 5 cm possède une arme redoutable : une pince « pistolet » complètement démesurée par rapport à sa taille, qui lui permet de chasser ou de se défendre. Le terme de crevette-pistolet désigne en réalité plusieurs espèces de la famille des Alpheidae.
La forme générale des Alpheidae ressemble à d'autres décapodes ressemblant à des crevettes. Leur coque est recouverte d'une coquille (carapace), qui se prolonge vers l'avant dans une extension en forme d'épine, le rostre (peut également manquer dans de rares cas). Les Alpheidae ont deux particularités : deux autres extensions latérales de la carapace, qui protègent les yeux pédonculés. Ces couvercles orbitaux sont très importants pour la différenciation des espèces. L'abdomen, comme la plupart des décapodes, est très musclé et courbé vers le bas.
À la tête des Alpheidae se trouvent deux ciseaux (chela), qui se composent d'un élément de base solide et d'un plus petit doigt de ciseau assis dessus. Les pinces sont petites et symétriques chez certaines espèces. Dans de nombreuses espèces, généralement uniquement dans le sexe masculin (dimorphisme sexuel), l'un des ciseaux est considérablement agrandi. Ces ciseaux peuvent être si gros que leur masse atteint presque celle du reste du corps. Que les ciseaux droit ou gauche soient agrandis ne semble pas fixe, les deux formes se côtoient.
Chez les Alpheidae, il existe principalement des espèces à tégument fortement calcifié dans le genre Alpheus, qui leur donnent un aspect de homard. Cependant, de nombreuses espèces ont une coquille très délicate, souvent complètement transparente, qui laisse passer les organes internes et les oeufs. De nombreuses espèces sont aux couleurs vives, certaines multicolores et donc recherchées en aquariophilie.
La crevette pistolet possède une pince surdimensionnée dont un simple claquement produit une véritable déflagration sonore. Un claquement de pince et tac, la proie est stupéfiée, assommée, voire tuée. Le tout en moins d’une seconde. Zoom sur la crevette qui brandit sa grande pince : on découvre alors que la fermeture très rapide de la pince provoque un jet d’eau puissant qui crée un décalage de pression avec l’extérieur de la pince.
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Lorsque les pinces de "clac" sont fermées, les crevettes-pistolets lancent un jet d'eau à une vitesse fulgurante, formant une bulle de cavitation, qui implose avec un "bang"/"clac" très fort. Selon les calculs du modèle, une bulle de cavitation toroïdale se forme à l'interface du jet d'eau avec l'eau environnante, lors de l'effondrement dont une impulsion de pression de 10 bars (dans le voisinage immédiat 80 bars) est créée.
Imaginez la chose : fermeture de la pince à la vitesse de 20 mètres par seconde, jet qui se projette à plus de 30 mètres par seconde. L’effet pistolet, de notre crevette! Elles utilisent cette arme comme un avertissement, dans la lutte avec les autres espèces, lors de la capture de proies ou pour la communication intraspécifique.
Le bruit que font les crevettes pistolet est tellement puissant (on peut l’entendre à des kilomètres à la ronde) que ce sont les militaires les premiers qui ont commencé à étudier ces invertébrés, les craquements qu’elles produisaient gênant le bon fonctionnement des sonars des sous-marins… Chez les crevettes pistolet, le claquement a plusieurs fonctions : la communication entre les deux sexes, l’affirmation sexuelle au moment de la reproduction mais aussi la défense du territoire, la défense du partenaire face à un danger et bien sûr le fameux claquement pistolet utilisé pour chasser et assommer la proie.
Des messages dont se servent d’ailleurs les scientifiques pour étudier le paysage acoustique de la mer. Tout comme l’oursin et la coquille Saint-Jacques, la crevette pistolet peut aussi être une sentinelle environnementale : elle est facile à détecter, le rythme de ses craquements varie en fonction du jour et de la nuit, tout comme la fréquence de fermeture de sa pince en fonction de la température et l’oxygène.
Les crevettes pistolets proviennent principalement de la zone indopacifique, et elles vivent sur des fonds marins sédimentaires ou rocheux en Méditerranée, dans l’Atlantique ou en mer Noire, jusqu’à 100 mètres de profondeur. Elles creusent le sable pour y vivre, souvent en symbiose avec un poisson ou un autre animal. Des échanges sont réalisés entre les deux espèces.
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Un peu à la manière des fourmis et des abeilles, les crevettes pistolet ont une organisation sociale tout à fait passionnante, avec pour certaines espèces, une reine crevette et des subalternes qui la secondent. Les individus ont des tâches assignées : par exemple ceux qui sont plus forts, comprenez ceux qui ont la pince plus grande, vont se dédier à la défense du territoire. Autre spécificité, de façon générale, les crevettes défendent le territoire en couple.
Cette crevette vit très rarement en aquarium communautaire où elle est agressive et très bruyante. L'élevage de cette espèce est accessible à condition de bien se renseigner sur ses besoins en aquarium. Cette espèce est très rare dans le commerce aquariophile. Si vous souhaitez vous procurer cette espèce, nous vous conseillons de vous rapprocher des clubs spécialisés.
Mais le plus bruyant de tous les crustacés, la crevette pistolet, pourrait bien sombrer dans un profond silence avec l'acidification des océans. C'est ce que semble démontrer une étude menée par deux chercheurs australiens. Les conséquences d'un tel changement n'ont rien de trivial : la plupart des jeunes poissons ou larves dépendent largement de ce genre de signaux afin de s'orienter.
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