Les tirs au but sont une méthode utilisée pour départager deux équipes lorsque le score reste égal après la prolongation dans un match à élimination directe. Cette séance consiste en une série de tirs alternés, où chaque équipe désigne cinq tireurs qui tentent de marquer face au gardien adverse.
En 1957, les tirs au but furent créés en Espagne, lors du tournoi amical de Ramon de Carranza, dans le but de favoriser l’esprit sportif et d’éviter que la victoire (ou l’échec) soit déterminé par le hasard. En effet, jusque-là, le résultat de la rencontre sans victoire était décidé à pile ou face. Les deux capitaines, accompagnés de l’arbitre, partaient s’enfermer dans le vestiaire et décidaient du sort du match en lançant une pièce de monnaie. L’équiprobabilité était garantie mais le spectacle et l’intensité du sport oubliés.
Beaucoup d’observateurs du sport, et du football en particulier, avaient un très mauvais souvenir du pile ou face. Oui : dans le tirage au sort par pile ou face, il s’agissait auparavant d’un parfait « 50/50 » en termes de probabilité, un parfait jeu équiprobable, sans aucune reconnaissance des faits de jeu antérieurs. Tout était remis à égalité, tout le monde pouvait battre tout le monde. Mais le jeu ne prenait pas le dessus, seuls comptaient la chance, le destin et le hasard.
L’organe officiel des règles de la FIFA, le Board, décida, en 1970, de généraliser la séance de tirs au but, cinq face-à-face à l’issue indécise, afin d’améliorer l’incertitude et la dynamique, de « redonner ses lettres de Noblesse au sport ».
Selon ses résultats, l’équipe qui commençait la séance de tirs au but avait 60% de chances de l’emporter contre seulement 40% pour la seconde. Un rapport 60/40 en faveur de la première équipe, déterminé par un pile ou face (encore !) effectué par l’arbitre avant le début de la séance. Autrement dit, pour gagner les tirs au but, il ne fallait pas être seulement être bon, il était également préférable d’avoir remporté le pile ou face initial. Cela permettait, en décidant de commencer la séance, de disposer d’un avantage psychologique sur l’adversaire et de lui imposer la pression du résultat.
Lire aussi: Tout savoir sur les paris tirs cadrés
En commençant, on ouvre le score, on montre la voie et on impose son rythme alors qu’en étant deuxième, on doit suivre le jeu et rattraper les buts.
Pour Palacios-Huerta, l’exemple de cette saison argentine permet de confirmer sa théorie. Il y aurait bien un effet émotionnel. La deuxième équipe a moins de chances de remporter la séance parce qu’elle a « peur ». Elle doit combattre le résultat de la première équipe qui, elle, avance dans le vide, n’a pas la pression du résultat. Seulement, à force de répétitions, les équipes s’adaptent et maîtrisent leurs sentiments.
Cette pression, qui pervertit le talent du footballeur, peut aussi expliquer en partie pourquoi l’étude des Allemands Kocher, Lenz et Sutter présentait un rapport 53/47. La pression n’est tout simplement pas la même entre une finale de coupe du monde et un quart de finale de coupe du Luxembourg ! Mettre sur un même pied d’égalité une compétition majeure, comme la Coupe du Monde ou la Ligue de Champions, et une compétition « mineure », comme la Coupe nationale d’Écosse, pose question.
L’aspect émotionnel et l’importance du stress sont vraisemblablement dilués dans l’étude de Kocher, Lenz et Sutter.
Dès 2017, le Board a en effet acté le début d’une expérimentation en modifiant les règles de passage, sur le modèle du tie-break en tennis. Plutôt que de suivre un ordre simple entre les tireurs des deux équipes A et B, de type ABAB, une séance de tirs au but devrait se jouer sur le mode ABBA.
Lire aussi: Le déroulement des tirs au but
Ignacio Palacios-Huerta, encore lui (on vous a dit que c’était un passionné), a testé cette règle, en reproduisant 200 séances de tirs au but sur l’ordre du tie-break. Conclusion ? Un avantage de 54/46 pour la première équipe (contre 61/39 pour l’ordre ABAB pour le même échantillon). Pour l’économiste espagnol, c’est à la fois un résultat statistiquement significatif par rapport à la base de données et une faiblesse dans l’échantillonnage puisque trop peu de séances ont été réalisées. Mais c’est une avancée majeure.
Dans les matchs à élimination directe, une chose est redoutée de tous : ne pas terminer la rencontre après 90 minutes et la poursuivre en prolongation. Ce format est souvent utilisé dans des compétitions internationales et nationales comme la Ligue des Champions, la Coupe du Monde, l’Euro ou encore la Coupe de France. Ce temps de jeu supplémentaire est exclusivement utilisé dans des compétitions où une équipe doit être déclarée vainqueur à la fin d’une partie.
Une prolongation au football dure 30 minutes et se compose de deux périodes de 15 minutes. Les prolongations se terminent à la fin des deux périodes de 15 minutes. L’arrêt définitif du match dépend du score entre les deux équipes. En effet, si une formation a réussi à inscrire au moins un but de plus que son adversaire, le match est alors fini et l’équipe gagne.
Lorsque les prolongations arrivent à leur terme, l’arbitre met en place une séance de tir au but. Les formations tirent de manière alternée cinq tirs au but chacune, et la formation qui aura le plus marqué sur ces 5 tirs remportera la partie. Dès qu’un but était inscrit cela mettait un terme à la rencontre avec une victoire pour la formation ayant marqué.
Ces phases de jeu transforment des matchs à très grands enjeux, où la tension est à son comble, en moments inoubliables pour les joueurs, les entraîneurs ou encore les supporters.
Lire aussi: Comprendre les tirs en l'air
En analysant 260 séances de tirs au but sur trente ans, les économistes espagnols Jose Apesteguia et Ignacio Palacios-Huerta se sont rendus compte en 2010 que dans plus de 60% des cas, l'équipe qui tirait la première l'emporte (mais leurs chiffres ont été critiqués).
La stratégie optimale serait donc de choisir les cinq meilleurs tireurs et de les faire tirer dans l'ordre croissant de leur aptitude. Deux chercheurs, Ian Franks et Tim McGarry, suggèrent aussi aux entraîneurs de ne pas hésiter à faire entrer en jeu un spécialiste des pénalties en fin de prolongation, voire à changer de gardien si le remplaçant est particulièrement habile dans l’exercice.
Un groupe de chercheurs emmené par Geir Jordet a décomposé en 2009 les différentes phases d’un tir au but dans les grandes compétitions. Leurs conclusions: quand un joueur prend son temps de manière volontaire pour tirer, son taux de réussite est meilleur.
Une étude menée par trois chercheurs a calculé que, quand un joueur marque un pénalty quand les deux équipes sont à égalité aux tirs au but, son équipe à 82% plus de chances de l'emporter s'il célèbre sa réussite de manière démonstrative avec un bras ou deux bras dans les airs.
En effet, les joueurs amenés à tirer des pénalties très régulièrement au cours de la saison tendent à «randomiser»: afin d'être moins prévisibles, ils ne tirent pas tout le temps du même côté et n'alternent pas non plus binairement entre gauche et droite, mais tirent en gros 60% du temps de leur côté «naturel» (à gauche du but en regardant le gardien pour un droitier) et 40% du temps de l'autre côté.
Au tireur, donc, d'oser la «variante Neeskens», du nom du Néerlandais qui tira plein centre, en force, un penalty (dans le cours du jeu) en finale de la Coupe du monde 1974. Elle a ensuite été magnifiée, en feuille morte, par le tchèque Panenka en finale de l'Euro 76, notamment imité en Coupe du monde par l'Uruguayen Abreu en 2010, contre le Ghana.
En avouant s'être « trompé » dans le choix des tireurs, après l'élimination de l'Espagne par le Maroc, mardi en huitièmes de finale de la Coupe du monde (0-0, 3 tab à 0), Luis Enrique a relancé un éternel débat sur l'approche d'une séance de tirs au but.
Mieux vaut-il des joueurs désignés à l'avance et préposés à l'exercice ou des volontaires qui, le moment venu, se proposent parce qu'ils sentent bien le coup ?
Pour la plupart des observateurs, le tir au but peut sembler avant tout technique, pour les courageux qui s'avancent avec le ballon, il est surtout question de savoir gérer ses émotions.
Pour Bazdarevic par exemple, « il paraît difficile de pousser un joueur à y aller au dernier moment ».
À l'inverse de Didier Deschamps, qui assimile les séances de tirs au but à « une loterie » et préfère ne pas les préparer avec les Bleus, Mehmed Bazdarevic a toujours eu pour habitude dans les clubs où il est passé de les travailler « un peu quand même ». Histoire d'assurer le coup. « Quand on avait un match de Coupe, on ne prévoyait pas exactement cinq tireurs. On faisait tirer tout le monde et on observait qui était le plus appliqué, qui faisait une pichenette ou avait des facilités », raconte l'ancien meneur de jeu qui, au fil de sa carrière de joueur, a aussi été confronté à ce type d'échecs dans une séance importante.
Signe que le volontariat n'a pas que du bon non plus et qu'il n'existe aucune règle lorsque la pression s'en mêle.
tags: #aux #tirs #aux #buts #explication