Jour après jour, l’enquête progresse sur l’accident mortel survenu lors du tournage de « Rust ». Et les détails sont dignes… d’un film d’action. Le 21 octobre, à Bonanza Creek Ranch, près de Santa Fe, dans le désert du Nouveau-Mexique, décor idéal de western, l’acteur Alec Baldwin a accidentellement tiré sur la directrice de la photographie, Halyna Hutchins, 42 ans, morte peu après.
Le drame survenu sur le plateau du film Rust provoque plusieurs réactions et pose la question de la sécurité des équipes de tournages. Entre protestation de l’équipe et pétitions, cet accident révèle le danger d’avoir de vraies armes sur des tournages… mais sans vraie sécurité.
Halyna Hutchins a été blessée au ventre, puis évacuée par hélicoptère vers un hôpital, mais n’a pas survécu. L’armurier présent sur le tournage aurait préparé trois armes servant d’accessoires, posées sur un chariot. Un assistant réalisateur en aurait remis une à Alec Baldwin en lui disant « arme froide », ce qui signifie dans le jargon du cinéma qu’elle n’est pas chargée.
Depuis le drame, Alec Baldwin a été interrogé par les forces de l’ordre ; il n’a pas été arrêté et l’enquête se poursuit.
Alec Baldwin a déclaré : « Il n’y a pas de mots pour exprimer mon choc et ma tristesse à propos de cet accident tragique qui a pris la vie de Halyna Hutchins, une épouse, une mère et une admirable collègue. Je coopère totalement avec la police d’investigation pour expliquer comment cette tragédie est arrivée et je suis en contact avec son mari. J’offre mon soutien à lui et sa famille. Mon cœur est brisé pour elle, son mari, son fils, et tout ceux qui connaissaient et aimaient Halyna. »
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Un autre communiqué ajoute : « Nos cœurs sont avec les familles de Halyna Hutchins et Joel Souza et toutes les personnes concernées par l’incident sur Rust. Personne ne devrait être tué par une arme sur un tournage. Point final. »
Le magazine Deadline a publié le 24 octobre un article concernant les incidents de tournages impliquant des armes à feu. Il se trouve que dans les dix dernières années, quatre personnes des « équipes caméra » sont mortes sur des tournages aux États-Unis. L’article explique que les personnes s’occupant du cadrage, du son - en bref, de la technique - ne sont pas protégées lors d’un tournage impliquant une arme à feu.
Deadline a également révélé que quelques heures avant le drame survenu sur Rust, sept personnes membres de l’équipe de tournage avait remballé leurs affaires et quitté le plateau pour plusieurs raisons. Ils ont déclaré : « Nous avons tout cité. Le retard de notre paie depuis trois semaines, pas de chambre d’hôtel alors qu’elles étaient prévues dans notre deal, le manque de sécurité vis-à-vis du Covid, et en plus de tout ça pas assez de sécurité concernant les armes ! Pas de sécurité sur le tournage tout court. Il y avait déjà des tensions sur le tournage pour beaucoup de raisons. »
Ces mesures permettront peut-être la disparition totale des armes à feu sur les tournages, et pas qu’aux États-Unis : dans une interview avec un armurier, France 24 aborde les protocoles de sécurité sur les tournage en France. « Bien souvent, ce sont des armes réelles qu’on a modifiées. Beaucoup de précautions sont prises, mais l’armurier explique que les accidents sont possibles, même avec une balle factice.
L’arme qui a tué Halyna Hutchin préoccupait certains membres de la production de "Rust", car elle avait déjà déchargé accidentellement à plusieurs reprises.
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Comment l’acteur Alec Baldwin a-t-il pu tirer une balle réelle sur deux personnes lors du tournage du film Rust, tuant l’une d’elles? C’est la question à laquelle les enquêteurs tentent de répondre, alors que le monde du cinéma est encore sous le choc après cet accident qui a coûté la vie à Halyna Hutchins, 42 ans, directrice de la photographie et blessé le réalisateur Joel Souza. Au fur et à mesure de l’avancement de l’enquête, de nouveaux éléments viennent éclairer les circonstances du drame.
Selon plusieurs sources proches de l’affaire, les conditions de tournage étaient loin d’être optimales et l’arme incriminée avait déjà fait parler d’elle.
En effet, le Los Angeles Times a apporté de nouvelles informations vendredi 22 octobre, citant des sources proches de l’enquête. Les protocoles de sécurité standard dans l’industrie, y compris les inspections d’armes à feu, n’auraient pas été strictement suivis sur le plateau. D’ailleurs quelques jours avant l’accident, un des cameramen se serait plaint à un directeur de production du manque de sécurité des armes à feu.
Trois membres de l’équipe présents sur le plateau ont déclaré quelques jours avant le drame qu’ils étaient particulièrement inquiets, car l’arme avait déchargé accidentellement par deux fois, révèle le Los Angeles Times. La doublure d’Alec Baldwin a accidentellement tiré deux coups samedi 16 octobre après avoir appris que l’arme était “froide”.
L’un d’eux, préoccupé par les ratés de l’arme, a envoyé un SMS à l’un de ses responsables pour prévenir du danger: “Nous avons maintenant eu 3 décharges accidentelles. C’est super dangereux”.
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“La sécurité de nos acteurs et de notre équipe est la priorité absolue de Rust Productions et de toutes les personnes associées à la société, a déclaré la Rust Movie Productions dans un communiqué. Bien que nous n’ayons été informés d’aucune plainte officielle concernant la sécurité des armes ou des accessoires sur le plateau, nous procéderons à un examen interne de nos procédures pendant l’arrêt de la production. Nous continuerons de coopérer avec les autorités de Santa Fe dans leur enquête et d’offrir des services de santé mentale aux acteurs et à l’équipe pendant cette période tragique. ”
Selon un communiqué du syndicat IATSE Local 44 (Alliance internationale des employés de scène théâtrale), qui représente divers corps de métier du cinéma aux États-Unis, relayé par Variety, une balle réelle était restée dans le chargeur de l’arme utilisée comme accessoire par Alec Baldwin.
L’assistant réalisateur, qui lui a donné l’arme, avait crié le terme “pistolet froid”, sur le plateau, pour assurer à tout le monde que l’arme était sécurisée. L’équipe de tournage venait de son côté d’aligner ses angles de vue pour les caméras et s’était retirée dans une zone à l’écart du plateau pour regarder le tournage à distance, via un moniteur. Sauf la directrice de la photographie Halyna Hutchins, un opérateur et le réalisateur Joel Souza.
L’opérateur de la caméra vérifiait le plan sur un moniteur, Halyna Hutchins regardait également le moniteur par-dessus son épaule et le réalisateur était accroupi juste derrière elle. Alec Baldwin a retiré le pistolet de son étui sans encombre, mais a dû recommencer la prise. Lors de ce deuxième essai, l’arme a déchargé. La balle a sifflé près de l’opérateur et a percuté Halyna Hutchins, la traversant pour toucher ensuite Joel Souza qui se tenait derrière elle.
Selon le média, la personne chargée de superviser les accessoires et armes à feu était Hannah Gutierrez Reed, 24 ans. Elle avait récemment terminé son premier film en tant qu’armurier en chef pour le film The Old Way, avec Clint Howard et Nicolas Cage.
La sécurisation des armes à feu n’était pas le seul problème sur le tournage de Rust. Six membres de la production, qui font tous partie de l’IATSE, ont démissionné et quitté le plateau le matin même de l’accident après avoir dénoncé des conditions de travail exécrables et dangereuses. Halyna Hutchins, qui ne les a pas rejoints, avait tenté de plaider pour de meilleures conditions, selon un rapport consulté par le Los Angeles Times.
En plus des retards de paiement des salaires et des soucis de sécurité, les équipes du tournage ont eu la déconvenue de constater que, contrairement à ce qui avait été annoncé, l’hôtel qui leur avait été désigné n’était pas à proximité, à Santa Fé, mais à Albuquerque, à 80 km du tournage. Selon le média, les équipes craignaient d’avoir un accident après avoir passé 12 à 13 heures sur le plateau. Les six agents ont été remplacés au pied levé dans la matinée.
Christophe Maratier est un habitué des armes et des plateaux de cinéma. Avec sa société d'armurerie Maratier Roirand, il équipe les plateaux de tournage lorsque cela est nécessaire, des petites productions hexagonales aux grands films américains. En France, la loi prévoit que «seules les armes qui ne permettent pas le tir de projectile» soient autorisées sur les tournages.
Les armes sont donc modifiées pour ne tirer que des balles à blanc. Le chef d'entreprise reste stupéfait par cette affaire. «Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Les armureries n'utilisent que des balles à blanc», explique-t-il.
Comme l'explique l'armurier, la principale caractéristique d'une balle à blanc est l'absence d'ogive. «Une balle réelle est composée de quatre éléments : une douille, une amorce, de la poudre et une ogive. La balle à blanc n'a que les trois premiers éléments.» En clair, c'est une douille «où rien ne part vers la cible, et dans laquelle on met de la poudre. C'est cette poudre qui s'allume et crée un effet de feu.
Au sujet de l'affaire impliquant l'acteur américain de 63 ans, Christophe Maratier refuse d'avancer une hypothèse en particulier. Selon lui, un accident avec une balle à blanc reste «tout à fait possible». «Il y a un effet de feu, qui est dangereux et qui peut être mortel, précise-t-il. Une pression est dégagée, une vraie explosion qui crée la flamme. Certaines flammes font presque un mètre.»
Autre possibilité pour expliquer cet accident : «Un élément de décor qui explose à ce moment-là, un élément lourd qui passe devant l'arme au moment du tir, qui va à son tour projeter quelque chose en avant et blesser ou, hélas, de tuer quelqu'un. Dans le cas d'Alec Baldwin, la police de Santa Fe au Nouveau-Mexique, en charge de l'investigation, n'a pour l'instant pas avancé d'explication.
Alec Baldwin s'est lui présenté volontairement aux autorités. Il a été relâché et aucune charge n'a été retenue contre lui.
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