Vous avez dit tirs au but en rugby ? Eh bien, oui, ces séances au suspense insoutenable existent aussi dans le monde de l’ovalie. Un fait rarissime dans le monde de l’ovalie, à la dramaturgie absolue.
Rares sont les parties de rugby qui se terminent ainsi. La dernière en date a été livrée samedi 7 mai, pour un quart de finale de Coupe d’Europe d’anthologie entre le Stade Toulousain et le Munster. Le Stade Toulousain s’est qualifié pour les demi-finales de la Coupe d’Europe samedi, après avoir remporté la séance de tirs au but face au Munster (24-24, 2-4 tab).
Le sort du match a donc dû se décider aux tirs au but, au terme d’une partie à couper le souffle : alors que les Toulousains Antoine Dupont, Thomas Ramos et Romain Ntamack ont réalisé un sans-faute, Ben Healy et Conor Murray ont échoué face aux perches. Romain Ntamack l'avait avoué avec un sourire contrit. Il avait levé les bras à l'issue de son premier tir au but victorieux pensant que cette première salve de trois tentatives avait fait la différence. Ignorant que le verdict tombait après… la deuxième salve, située, elle, sur la ligne des 40 mètres. L'ouvreur toulousain n'était pas le seul à ignorer la règle s'appliquant en Champions Cup.
Depuis l’apparition de la poule unique dans le championnat de France, au cours des années 2000, aucune rencontre ne s’est soldée par une séance de tirs au but.
En cas d'égalité à la fin du temps réglementaire et des prolongations dans un match à élimination directe ou en finale, les équipes sont départagées selon plusieurs critères, aboutissant finalement aux tirs au but si nécessaire.
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S'il y a match nul à la fin de la durée réglementaire d'un match éliminatoire, l'arbitre doit, après un repos de cinq minutes, prolonger la partie de vingt minutes (dix minutes de chaque côté) sans repos au changement de camp. Si, après cette prolongation, le match est toujours nul, l'équipe déclarée gagnante sera celle qui aura dans l'ordre :
Dans le cas où ces critères ne suffisent pas, les tirs au but sont utilisés.
Il y a trois positions de but sur la ligne des 22m comme le déclare World Rugby :
La première est en face, la 2e et la 3e de chaque côté des poteaux, au croisement entre la ligne des 22m et celle des 15m de la touche. La séance se déroule avec 5 buteurs qui tapent à tour de rôle et le premier tireur se positionnera au niveau de la 1e zone, puis ainsi de suite. Au 4e tireur, on revient sur la première zone et après le 5e tireur, ce sera une mort subite.
Les règles des tirs au but varient selon les compétitions, ajoutant une complexité supplémentaire.
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En coupes d'Europe, l'EPCR vient d'introduire un nouveau système. Les deux équipes sont départagées par six tentatives frappées par trois buteurs différents. Deux chacun, selon des positions définies à l'avance : en face, depuis la ligne des 15 mètres à gauche, depuis la ligne des 15 mètres à droite.
D’abord, sur la ligne des 22m, le botteur 1 de chaque équipe tapera le premier tir face aux poteaux. Le botteur 2 poursuivra depuis l’angle de la ligne des 15m à gauche en regardant les poteaux. Ensuite, depuis la ligne des 40m, même principe, chaque botteur chacun son tour. À l’issue de ces 6 tirs au but, l’équipe qui en a réussi le plus sera déclarée vainqueur.
Enfin, si à l’issue de ces 6 tirs au but les deux équipes sont encore et toujours à égalité, c’est la mort subite. Les botteurs 1 s’affronteront depuis la ligne des 40m, face aux poteaux. Si pas de vainqueur, places aux botteurs 2, puis 3.
En Top 14 et en Pro D2, les tirs au but se déroulent selon la manière la plus courante (celle qui était utilisée jusque maintenant en coupes d'Europe). Cinq buteurs différents se présentent tour à tour face aux poteaux, à 22 mètres.
La règle appliquée en Coupe du Monde est en effet très différente. Et sérieusement alambiquée. Cinq tirs au but sont frappés par cinq joueurs différents depuis la ligne des 22 mètres.
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Sauf que la 1ère et 4e tentative s'effectuent dans l'axe des poteaux ; la 2e et la 5e à gauche ; la 3e à droite ! Quand, ce 26 mai 1984, les Biterrois et les Agenais pénétrèrent sur la pelouse du Parc des Princes, pas un ne se doutait qu’il la quitterait après une insoutenable série de tirs au but.
Plusieurs matchs ont été marqués par des séances de tirs au but mémorables.
En ce 3 mai 2009, pour la première fois de l’histoire des compétitions européennes, un match se termine aux tirs au but. La demi-finale de la Coupe d’Europe oppose Leicester aux Cardiff Blues, invaincus à domicile cette saison-là.
À la pause, le match était déjà très serré : 13-12 pour Leicester. Les Anglais enfoncent le clou au retour des vestiaires, avec un essai rapide de Geordan Murphy. Mais les Blues profitent d’un carton jaune contre Murphy pour déposer deux ballons dans l’en-but, par Jamie Roberts et Tom James. Idem après 110 minutes de jeu.
Les buteurs s’avancent donc pour les tirs au but, devant 44 000 spectateurs amassés dans les tribunes du Millenium de Cardiff. Johne Murphy manque le quatrième coup de pied du Leicester, donnant, alors, l’avantage virtuel aux Blues. Mais le coup de pied de Tom James passe aussi à côté. « On agonise ! Martyn Williams, troisième ligne de son état, est le septième tireur à s’avancer. Son ballon file à gauche du cadre.
Ce match d’accession au Top 14 entre Biarritz et Bayonne ne restera probablement pas dans les annales. En tout cas pas pour les 80 premières minutes de jeu, achevées sur un pâle 3-3. Le destin de la rencontre se dessine donc aux tirs au but.
Les cinq premiers tireurs des deux camps réussissent tous leur coup de pied, malgré un soleil éclatant en face d’eux. À 5-5, c’est le tir au but en or : le premier qui rate dit adieu à ses rêves de Top 14. Aymeric Luc, révélation de la saison (10 essais), côté bayonnais, prend ce sixième penalty… Qui passe à côté des poteaux.
Comme un symbole, le capitaine Steffon Armitage s’avance, ajuste sa frappe… Et le ballon passe pile entre les perches (6-5).
Quand, ce 26 mai 1984, les Biterrois et les Agenais pénétrèrent sur la pelouse du Parc des Princes, pas un ne se doutait qu’il la quitterait après une insoutenable série de tirs au but. "Nous savions juste que la finale ne serait pas rejouée car le XV de France partait le lendemain en Nouvelle-Zélande, nous rappela en 2014 Philippe Bonhoure, l’arrière de Béziers. Mais jamais on aurait imaginé finir comme ça. Même l’arbitre ne savait pas exactement ce qu’on allait faire."
On imagine le pauvre Jean-Claude Yché obligé de siffler la fin du match à 21-21 après… 110 minutes de jeu et d’un duel de toute beauté. L’égalité était parfaite : quatre pénalités, un drop, plus un essai transformé. "Il y a eu un long moment de flottement. Les capitaines Pierre Lacans et Daniel Dubroca sont appelés et se voient ordonner de désigner… trois tireurs.
Côté Béziers, Philippe Bonhoure est désigné en compagnie de Patrick Fort et de Pierre Fabre : "On a découvert qu’on devait tirer à quinze mètres de la ligne de touche. Je pensais qu’on ferait comme au foot, qu’on alternerait, mais j’ai aussi compris qu’une équipe tirerait d’abord en entier." Le tirage au sort permet aux Biterrois de s’élancer en premier. De la droite. Fort, buteur attitré, la réussit. Fabre et Bonhoure ratent.
Mais les Agenais ne font pas mieux, Montlaur et Mothe (blessé) échouent. Entre les deux, Viviès a réussi. Un sur trois partout. Le suspense est à son comble. Surprise, Fort manque. Les Agenais n’ont plus droit à l’erreur. Il leur faut faire deux sur deux pour simplement accéder à une possible troisième série. Bernard Viviès, 29 ans, dix sélections, papa des lignes arrières s’avance : "J’ai trop ouvert mon pied." Le ballon s’échappe dans le décor. Les Biterrois se jettent les uns sur les autres.
Jonny Wilkinson, dans son livre "How to play rugby my way", partage des conseils précieux sur le tir au but.
Placer la balle correctement est la première étape. Pour les jeunes joueurs, il est plus facile d’utiliser un tee de grande taille. Cela est moins contraignant pour les muscles des jambes et l’aine. Donc le tee haut est indiqué pour les jeunes buteurs. Placez la balle sur le tee, légèrement en avant. Si la balle a une valve au niveau d’une couture, essayez toujours de la faire pointer vers l’avant. Il faut toujours avoir la couture en direction de la cible, peu importe où vous visez.
J’aime aussi avoir la balle inclinée “loin de moi”, c’est à dire vers la droite pour un droitier et vers la gauche pour un gaucher.
La balle est frappée avec un pied dur (le cou-de-pied) et un pied tendu. “Tu veux vraiment clouer la balle sur ton pied”. Votre pensée doit ressembler à : “Je vais envoyer la balle exactement là où je veux qu’elle aille”. Dominez la balle, ne la laissez pas vous dominer. Ce que vous allez chercher à accomplir est de libérer le plus d’énergie possible juste au moment où vous contactez la balle avec votre pied.
Il est donc nécessaire de visualiser le point exact de l’impact - juste à l’intérieur de la face, à côté de la couture que vous avez alignée avec le milieu des poteaux, environ au premier tiers du ballon.
Soyez très précis dans votre concentration pour l’endroit que vous allez prendre comme cible. Prenez une cible immobile et aussi petite que possible.Regardez le point exact sur la balle où vous allez taper et depuis ce point, tracez une ligne vers votre cible et revenez en arrière (vers la balle).
Compétition | Nombre de Tireurs | Position de Tir |
---|---|---|
Coupe d'Europe | 3 | 6 tentatives : face, gauche, droite (ligne des 22m et 40m) |
Top 14 et Pro D2 | 5 | Face aux poteaux, à 22 mètres |
Coupe du Monde | 5 | 1ère et 4e : axe des poteaux, 2e et 5e : gauche, 3e : droite (ligne des 22 mètres) |