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Lorsque Wali franchit la frontière ukrainienne le 3 mars dernier, sa renommée le suit de près. Dans les médias anglo-saxons, on annonce en grande pompe l'arrivée aux côtés des forces ukrainiennes du meilleur tireur d'élite du monde. «Et de l'univers», plaisante le Canadien, dont le vrai prénom est Olivier. Sur les réseaux sociaux, on raconte qu'il est capable de tuer quarante hommes par jour. Il aurait également abattu un combattant de l'État islamique à plus de trois kilomètres de distance au Kurdistan irakien.

Un nouveau Vassili Grigorievitch Zaïtsev, le héros de Stalingrad, mais cette fois-ci dans sa version canado-ukrainienne ? «C'est le récit hollywoodien au service de la guerre», commente l'intéressé avec son accent québécois. L'évocation de ses prétendus exploits militaires le fait sourire. Ni très grand, ni très musclé, il se décrit même comme l'exact inverse du stéréotype du soldat.

La Légion Internationale d’Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé la création de la Légion internationale d’Ukraine trois jours après le début de la guerre. Selon un décret présidentiel de 2016, les étrangers peuvent servir dans les forces armées ukrainiennes (UAF) et les forces de défense territoriales. « Quiconque veut se joindre à la défense de la sécurité en Europe et dans le monde peut venir se tenir aux côtés des Ukrainiens contre les envahisseurs du XXIe siècle », a déclaré le président ukrainien.

Début mars, on a appris que plus de 20 000 personnes de 52 pays avaient exprimé leur désir de rejoindre la légion, selon le général de brigade Kyrylo Budanov, commandant de la direction principale du renseignement du ministère de la Défense. L’armée ukrainienne cache des détails sur la composition de la Légion. Ils ont refusé de préciser la taille de l’unité ou le nombre de volontaires par pays.

Le site Internet de la Légion internationale a publié un questionnaire et des instructions détaillées sur ce qu’il faut faire pour pouvoir rejoindre la guerre. Les fonctionnaires vérifient les antécédents des candidats par l’intermédiaire de l’ambassade pour juger s’ils sont véridiques dans leurs qualifications. Ensuite, il a été annoncé que seuls ceux qui avaient une expérience de combat et qui parlaient couramment l’ukrainien ou l’anglais seraient acceptés.

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Rumeurs et Réalité : Wali sur le Front Ukrainien

Début mars dans le centre de l'Ukraine, un véhicule s'approche de la ligne de front. À l'intérieur, « Wali » tient fermement son téléphone portable sous ses yeux. Sur l'écran, sa femme et son bébé, qui fête son premier anniversaire. Il a fait une exception, d'habitude son portable est débranché quand il est en opération. Pour une fois, ses deux mondes se mélangent. « Je voyais en même temps les bougies du gâteau et les fumées des bombardements à l'horizon. » L'anecdote l'amuse, aucun regret dans sa voix quand il la raconte une semaine plus tard au téléphone.

De nombreuses publications sur Internet, ainsi que des articles de presse avaient relayé l’engagement auprès des forces ukrainiennes de ce tireur présenté comme exceptionnel. Ancien tireur d’élite, il a combattu en Afghanistan au sein du Royal 22e régiment, puis s’est rendu de sa propre initiative en Syrie et en Irak pour affronter l’Etat islamique au côté des Kurdes. Grâce à ces opérations, et à la médiatisation qu’il en fait sur son propre site (il a publié deux livres et fait l’objet de deux documentaires), il obtient son aura de super tireur, capable «d’abattre un ennemi à plus de trois kilomètres ou de tuer 40 hommes par jour, contre seulement 7 pour un sniper moyen», comme le relaie la chaîne Nexta.

Wali avait nuancé ce portrait auprès de nos confères du Figaro. «Tout est faux» confie-t-il au journal français : il n’a ni record de distance de tir, ni abattu un jihadiste de Daech à trois kilomètres, ni encore fait voler une balle durant 10 secondes. «Je ne suis pas le meilleur tireur d’élite au monde, mais je suis un bon soldat», avait-il dit, ajoutant : «J’ai tué de nombreux talibans, j’ai fait mes preuves.»

A l’origine de la rumeur de sa mort, on trouve des publications sur des sites chinois qui annoncent dès le 12 et 13 mars, sous couvert de sources russes, que le tireur d’élite «a été abattu par les forces spéciales russes dans les 20 minutes suivant son arrivée sur le champ de bataille en Ukraine». Reprise en anglais, la rumeur va même détailler qu’il est mort à Marioupol lors de son premier jour de combat.

Le compte de l’équipe de soldats étrangers a également contredit «l’intox russe» et assure que «Wali n’opère pas et n’opérait pas à Marioupol». Selon ce groupe de militaires, il s’agit là d’«une méthode utilisée dans les opérations psychologiques [qui] consiste à inonder les médias sociaux de fausses informations afin de faire parler quelqu’un quelque part et de divulguer sa véritable zone d’opération en exploitant l’arrogance /le sentiment d’invincibilité des gens. Soyez intelligent.

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Face à sa webcam, le soldat porte l’uniforme de l’armée ukrainienne avec comme arrière plan un tapis oriental accroché sur le mur d’un appartement abandonné. Entretien avec un combattant fin analyste et passionné d’histoire.

Expérience Militaire et Motivations

Vous avez été soldat au Royal 22ème Régiment des forces armées canadiennes. Vous devenez ensuite tireur d’élite. Je n’ai pas choisi d’être tireur d’élite. C’est une spécialisation dans toutes les armées. Si vous êtes considéré par vos supérieurs comme un bon soldat, on vous fait passer des tests. En vue du déploiement de mon régiment en Afghanistan, on m’a attribué la mission d’être tireur d’élite. Avec d’autres soldats, j’ai été envoyé aux Etats-Unis pour davantage d’entraînements. Il fallait nous entraîner dans un environnement sans neige. J’ai ensuite intégré un détachement de 4 hommes au sein d’une unité canadienne et nous avons combattu ensemble en Afghanistan. Dès mon premier déploiement (6 mois et de demi au combat), nous sommes devenus de véritables frères d’armes parcourant les montagnes et le désert. Nous avons insufflé beaucoup de pertes à l’ennemi taliban.

Après 12 ans de service, vous quittez l’armée canadienne et vous rejoignez en 2015 les Peshmergas du Kurdistan qui combattent l’Etat islamique. Chaque guerre est différente. Il y a tant de choses à raconter. Contrairement à l’Afghanistan où nous devions faire face à une insurrection, le combat contre l’Etat islamique était une véritable guerre conventionnelle avec une ligne de front bien définie. La Coalition a tout fait pour que les Islamistes ne disposent pas d’aviation. De plus, ils disposaient d’une faible capacité en armement lourd car nos avions leur empêchaient d’utiliser cet équipement. Lors des offensives, des colonnes de blindés venaient s’affronter comme durant la Seconde Guerre mondiale .

Le 3 mars 2022, vous arrivez en Ukraine afin de combattre l’invasion russe. Il s’agit d’un conflit où deux armées régulières s’affrontent. La majorité des gens ont eu une image fausse de la guerre. Un grand nombre de volontaires étrangers sont revenus dans leur pays d’origine car ils n’imaginaient ce qu’était la réalité d’un tel conflit. Vous ne voyez jamais clairement l’ennemi. Il se réfugie dans un blindé ou vous tire dessus depuis une fenêtre. Beaucoup de pertes sont le fait de tirs d’artillerie ou de bombardements. Dans une guerre moderne, la majorité des morts voit le combat mais pas le combat d’homme à homme .

Analyse de la Situation Militaire

Je constate que beaucoup de Russes soutiennent les décisions de Vladimir Poutine. Avant mon arrivée en Ukraine, j’avais une opinion plus favorable concernant le peuple russe. Je voyais un conflit qui s’apparentait à la guerre de 1870 ou à la Première Guerre mondiale - un conflit sans véritable haine de l’adversaire. Aujourd’hui, je peux dire que la guerre d’Ukraine est assez proche du front de l’Est entre les Nazis et l’armée rouge. Il y a une véritable haine de l’ennemi. Des prisonniers ont été maltraités voire exécutés. Les civils sont également victimes d’atrocités.

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D’un point de vue militaire, les Russes manquent clairement de moyens techniques. Je ne m’attendais pas à un tel constat avant mon arrivée en Ukraine. Je peux le dire : L’OTAN est nettement supérieure à l’armée russe. Dès le début de l’invasion, l’ennemi a misé sur les blindés afin de terroriser les Ukrainiens. Cependant, ces derniers s’étaient bien préparés à une telle opération. Par conséquent, les Russes ont loupé leurs premières opérations. Je m’aperçois que les Russes constatent des mouvements de troupes ukrainiennes mais ne les pilonnent pas. Ils ont certes de l’artillerie mais elle est placée surtout en arrière des lignes. Par manque de surveillance aérienne, les Russes tirent finalement peu. Même si leur artillerie russe reste importante et même si l’armée russe comporte toujours de nombreux chars d’assaut, ils misent davantage sur la quantité plutôt que sur la qualité. Je pense que la guerre va s’éterniser au même titre que la Première Guerre mondiale. Une vraie ligne de front va peu à peu s’éterniser.

La Psychologie du Tireur d'Élite

Oui j’ai été le dernier à apprendre ma propre mort (rires). J’ai vu des informations circulées sur Internet. Une telle intox est si absurde car très facile à démentir. J’ai rapidement prouvé que j’étais toujours en vie. D’autres pensent que je fais partie d’un complot mondial et que je ne suis même pas présent en Ukraine.

Le tireur d’élite provoque en effet de grandes peurs et une terreur certaine. Il est pourtant impossible qu’un tireur d’élite puisse provoquer un grand nombre de pertes pendant des heures. Lorsqu’il tire, l’ennemi va subitement se cacher afin de survivre. La seule exception c’est lorsque l’ennemi attaque en grand nombre. Les plus grandes pertes provoquées par un tireur d’élite arrivent durant les premiers jours de la guerre. Ensuite, l’ennemi apprend à devenir plus vigilant.

« Être tireur d’élite ressemble au travail de psychologue ». J’ai de l’empathie. Je ressens les émotions autour de moi. Selon sa façon de se comporter ou de se déplacer, je pouvais reconnaître un Taliban. En Ukraine, il est difficile de distinguer l’ennemi car un grand nombre de réfugiés sont restés dans la zone des combats. Je fais de mon mieux pour protéger les civils. Être un soldat expérimenté, ce n’est pas seulement savoir quand tirer mais aussi quand ne pas tirer.

La torche symbolise la lumière et la quête de la vérité. Depuis des années, je cherche à découvrir la vérité et à informer. C’est pour moi une obsession. Je ne serais pas venu en Ukraine si éthiquement quelque chose m’avait posé problème. Cependant, je sais que l’Ukraine n’est pas le pays parfait et que la Russie n’est pas non plus l’incarnation des ténèbres. La vérité est bien plus complexe que cela. Je veux aider les Ukrainiens à ne plus commettre d’erreurs. En plus de la torche, je tiens également dans la main une épée.

Je suis la même personne qu’avant ma participation aux combats de l’Afghanistan. Par contre, je suis reconnaissant d’être encore en vie et en un seul morceau. Je souhaite tout simplement revoir ma famille. Je vois mon fils grandir sur les photos. J’ai hâte de le revoir. Je me rends dans une région en guerre comme un chirurgien va dans une salle d’opérations.

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