L’introduction de missiles nord-coréens sur le théâtre ukrainien pointe tout d’abord un problème de prolifération : l’efficacité avec laquelle la Corée du Nord réussit à contourner les sanctions pour construire des munitions élaborées avec des composantes électroniques et à les exporter.
Quelques jours plus tard, l’organisation Conflict Armament Research (CAR), après avoir analysé des débris de missiles retrouvés à Kharkiv suite à la frappe du 2 janvier 2024, a pu déclarer que ceux-ci provenaient de Corée du Nord« Documenting a North Korean missile in Ukraine, Ukraine Field Dispatch », Conflict Armament Research, janvier 2024.
Ces informations ont été réitérées depuis par l’armée ukrainienne, qui a affirmé que des douzaines de missiles nord-coréens ont été tirés par la Russie en Ukraine, causant la mort d’au moins 24 personnes et plus de 70 blessésJean Mackenzie, « North Korean weapons are killing Ukrainians. The implications are far bigger », BBC, 5 mai 2024., puis par le panel d’experts de l’ONU en avril 2024Michelle Nichols, « Exclusive: UN experts say North Korea missile landed in Ukraine's Kharkiv », Reuters, 30 avril 2024..
En acquérant ces missiles, la Russie contrevient à la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 1718S/RES/1718 (2006), Conseil de sécurité des Nations Unies, 13 décembre 2006. et ouvre possiblement la voie à la dissémination de ce type de missiles, capables d’emporter des armes de destruction massive, à d’autres pays.
Par ailleurs, au printemps 2024, la Russie a posé son véto quant au renouvellement du mandat du panel d’experts de l’ONU ayant pour mission d’examiner la mise en œuvre des sanctions onusiennes contre Pyongyang.
Lire aussi: Enjeux du nouveau tir de missile nord-coréen
Par ailleurs, le missile observé par le CAR, un KN‑23 (Hwasong‑11) ou KN‑24, contiendrait 290 composants importés dont une puce électronique produite aux États-Unis en mars 2023. Cette découverte illustre les difficultés à faire respecter le régime de sanctions en vigueur.
D’un point de vue économique, le choix russe de se procurer des systèmes nord-coréens est sans doute justifié par une logique de coût et de capacité de production, dans la mesure où la Russie opère depuis deux ans une tactique de frappes de missiles à outrance.
Ainsi, selon les forces armées ukrainiennes, la Russie a lancé depuis le 24 février 2022, 9 590 missiles et 13 997 drones, dont 1 388 missiles balistiques (principalement Iskander-M, Tochka-U au début du conflit et désormais quelques KN‑23)Yevhen Kizilov, « Commander-in-Chief of Armed Forces reveals how many military facilities in Ukraine were hit by Russian missiles », Ukrainska Pravda, 20 août 2024..
Moscou éprouve sans doute la nécessité de compléter par des exportations ses propres productions pour soutenir le rythme de frappes. Les exportations nord-coréennes présentent vraisemblablement deux avantages, tout d’abord, un coût attractif pour ce type de systèmes, et deuxièmement, une capacité de production importanteJean Mackenzie, op. cit..
L’observation (via des images satellites) des sites de production présumés de missiles à propulsion solide tels que le KN‑23 corrobore l’hypothèse de capacités de production robustes ; tout comme le déploiement, en août 2025, de 250 TEL de KN‑23 (Hwasong‑11D), pouvant chacun emporter quatre missiles, à des unités combattantesColin Zwirko, « North Korea says it deployed nuclear-capable missiles to South Korean border », NK News, 5 août 2024..
Lire aussi: Missiles de la Corée du Nord
En matière de dissuasion, ces exportations et cette exhibition de missiles ont évidemment comme premier effet de montrer le potentiel des forces nord-coréennes, les systèmes en question ayant comme caractéristique de pouvoir emporter des armes nucléaires. Mais l’emploi sur le terrain de dizaines de ces missiles avait peut-être également pour objectif de crédibiliser la dissuasion nucléaire nord-coréenne d’un point de vue opérationnel.
À ce titre, les observations sont mitigées. De manière globale, les missiles balistiques employés sont parmi ceux qui sont le moins souvent interceptés par les forces ukrainiennes (4,5% d’interceptions depuis le début de la guerre), malgré l’acquisition par Kiev de systèmes antimissiles réputés performantsYevhen Kizilov, op. cit..
Les missiles balistiques, quasi-balistiques ou dans une moindre mesure aéro-balistiques (Kinzhal) restent donc les plus efficaces pour détruire des cibles distantesEn comparaison, 63% des drones, 67% des missiles de croisière sol-sol et 22% des missiles de croisière air-sol ont été interceptés jusqu’à maintenant, selon la même source. Les données fournies par l’Ukraine ne permettent pas de nuancer ces chiffres en prenant en compte le nombre d’interceptions tentées, le type de cibles ou la zone de tir.
Les données sur le KN‑23 (ou KN‑24, les services ukrainiens font parfois référence aux deux systèmes sans précision) sont plus discutables. En mai 2024, le gouvernement de Kiev a ainsi indiqué que sur les cinquante KN‑23 reçus et tirés par Moscou entre décembre 2023 et février 2024, près de la moitié ont dévié de leur trajectoire ou explosé en vol.
D’après les autorités ukrainiennes, aucun tir de missile nord-coréen n’a été recensé entre février et juillet 2024. Depuis le 31 juillet, plusieurs salves de frappes de KN‑23 ont à nouveau été annoncées en Ukraine. Ce hiatus pourrait être dû à l’attente d’un nouveau stock, la livraison de missiles plus perfectionnés, ou une réflexion tactique sur leur utilisation par l’armée russeSvetlana Shcherbak, op. cit..
Lire aussi: Tactiques militaires nord-coréennes
Quoiqu’il en soit, des difficultés continuent d’être observées, toujours selon Kiev, qui a fait savoir que le tir du 31 juillet 2024 avait explosé en vol. Ces dysfonctionnements sont à mettre en relation avec la grande proportion de munitions d’artillerie nord-coréennes défectueuses importées par la RussieJonathan Corrado et Anton Ponomarenko, « North Korea’s Flawed but Winning Strategy in Ukraine », 38 North, 21 juin 2024..
Les SRBM nord-coréens jouent un rôle important dans la stratégie de dissuasion du pays, conventionnelle comme nucléaire. Dans ce contexte, la démonstration de problèmes techniques et le manque de fiabilité qui semble être observés en Ukraine sont sans doute perçus comme un signal négatif par Pyongyang.
Ces difficultés peuvent en effet mettre en doute la crédibilité opérationnelle de l’ensemble des capacités balistiques nord-coréennes. Elles sont d’autant plus dommageables que la propagande du régime avait réussi à illustrer la fiabilité, précision et portée allongée de ces SRBM lors de séries intensives d’essais, avec en particulier des images semblant démontrer des précisions (ECP) très correctesStéphane Delory et al, op. cit..
Pour autant, l’expérience n’est peut-être pas entièrement négative pour le régime nord-coréen. En effet, toute expérience de terrain est utile pour des concepteurs d’armes et les données collectées sur le théâtre ukrainien seront probablement utilisées pour améliorer l’ensemble de l’arsenal nord-coréenJonathan Corrado et Anton Ponomarenko, op. cit..
La Corée du Nord a affirmé mardi 7 janvier avoir testé avec succès un nouveau "missile hypersonique" destiné, selon le dirigeant Kim Jong Un, à dissuader "tous les rivaux" du pays dans la région Pacifique.
Cet essai s'est déroulé lundi au beau milieu d'une visite en Corée du Sud du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, et à deux semaines de l'investiture de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.
Ce "missile balistique hypersonique de portée intermédiaire" est destiné à "renforcer progressivement la dissuasion nucléaire du pays", a déclaré Kim Jong Un, qui a assisté au lancement en compagnie de sa fille adolescente Ju Ae.
Cette nouvelle arme "dissuadera de façon fiable tous les rivaux de la région Pacifique qui peuvent affecter la sécurité de notre Etat", a-t-il ajouté, cité par l'agence officielle nord-coréenne KCNA.
Selon KCNA, un "nouveau composé de fibre de carbone" a été utilisé pour le corps du moteur du missile, et "une nouvelle méthode (...) a été introduite dans le système de contrôle de vol et de guidage."
La Corée du Nord a testé deux "nouveaux" missiles de défense aérienne, a annoncé l'agence nord-coréenne KCNA dimanche, sur fond de tensions avec le Sud avant une rencontre du président sud-coréen avec Donald Trump.
Les tirs d'essai, qui ont eu lieu samedi, ont démontré que ces nouveaux systèmes antimissiles nord-coréens avaient une "capacité de combat supérieure", a rapporté KCNA précisant que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un les avait supervisés.
"La Corée du Nord renforce ses missiles de défense aérienne contre les drones volant à basse altitude et les missiles de croisière", explique Hong Min, analyste à l'Institut coréen pour l'unification nationale estimant que cela témoigne de "la prise de conscience par Pyongyang de la nécessité de renforcer ses capacités (...) sur la base des leçons tirées des combats contre les Ukrainiens".
La Corée du Nord a affirmé mardi 7 janvier avoir testé avec succès un nouveau "missile hypersonique" destiné, selon le dirigeant Kim Jong Un, à dissuader "tous les rivaux" du pays dans la région Pacifique.
tags: #tir #nord #coreen #arme