Le géant suédois, IKEA, est aujourd’hui l’enseigne d’ameublement la plus connue à travers le monde.
C’est en 1943 qu’Ingvar Kamprad (1926-2018) crée sa première fabrique de meubles bon marché avec l’aide de deux designers, Bengt Ruda et Erik Worts.
Au départ, son commerce ne concerne que la vente de stylos, portefeuilles, cadres photo, bas nylons, à savoir des articles à bas prix.
Cinq ans plus tard, Ingvar commence à commercialiser des meubles fabriqués par des artisans locaux avec la matière première fournie par les forêts suédoises.
Désormais, il se focalise sur la vente de meubles et se sert de la tournée du laitier pour fournir ses clients.
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Très tôt le catalogue a fait partie de la stratégie commerciale de la marque.
Le premier catalogue voit le jour en 1951 et met l’accent sur les trois F qui vont faire la richesse de l’entreprise : fonctionnalité, forme et facilité de production.
Le catalogue devient alors une des clés du succès et du développement de l’entreprise qui a décidé de vendre des meubles par correspondance.
Au fil des années, le catalogue va changer de format, va s’épaissir passant progressivement de 4 à 330 pages, va modifier son aspect, son concept.
Durant les cinq premières années, de 1951 à 1955, la couverture est extrêmement sobre, en sépia, assez ordinaire si on la compare à d’autres catalogues.
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Les catalogues sont dans un format à l’italienne, format qu’ils garderont jusqu’en 1970.
En 1956, IKEA crée ses propres meubles et leur donne des noms d'origine scandinave pour se différencier des numéros de série difficiles à retenir.
Une première petite révolution s’opère dans le catalogue en 1956. IKEA a fait appel à une équipe de designers graphiques pour rajeunir la couverture. Il s’agit de donner un tournant à la marque.
Le concept IKEA prend forme : meubles dessinés par des designers, conçus en kit pour un packaging à plat et à monter soi-même.
En 1958, IKEA crée son premier magasin de 6 500 m2 à Almhult.
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Une autre particularité d'IKEA est l'idée de libre service : ce concept est né à Stockholm pour remédier au problème de files d'attente. En effet, l'idée consiste à donner plus de liberté et d'autonomie aux clients en les laissant se servir eux-mêmes dans les dépôts. De cette manière, on limite les files, ce qui permet de réduire le nombre d'employés et donc de réduire les couts.
La deuxième révolution apparaît avec le catalogue de 1970. Celui-ci devient carré, les photographies, qui ont fait leur entrée depuis 1961, mettent les meubles en situation.
Quelques personnages apparaissent également et leur nombre augmente au fur et à mesure des catalogues.
À la fin des années 1970, « IKEA » apparaît en gros, en en-tête de couverture, et est complété par un logo simplifié.
Le format change une nouvelle fois pour passer à la française. La couverture représente maintenant l’intérieur d’une maison.
Si la réalisation du catalogue occupe une place importante dans la stratégie marketing d’IKEA, le lieu de sa conception a également concentré tous les soins. Il est situé à Almhult dans le sud de la Suède, dans la province du Smaland.
Almhult constitue le cœur de l’Ikeasphère. Ville d’environ 15 000 habitants, depuis 1953, elle est devenue progressivement IKEATOWN.
Le premier magasin, créé en 1958, est toujours là sur Ikeagatan (rue Ikea), mais a été fermé en 2012 pour devenir un musée consacré à l’histoire de la marque en 2015.
Un nouveau magasin de 25 000 m2 a été construit à l’écart de la ville et dont l’accès est assuré aux visiteurs par une navette depuis la gare d’Almhult.
Le cœur du système IKEA s’est installé à proximité de la gare et de la mairie. Dans ce « cœur » sont réunis également les bureaux des designers, l’hôtel IKEA, les studios IKEA Communications, le Test Lab et l’Aktivitetshuset (Centre culturel d’entreprise), un centre qui regroupe restaurants d’entreprises, salles de sport et de détentes pour les employés d’IKEA.
Cette entreprise suédoise fondée en 1943 s’est développée au point d’afficher en 2018 un chiffre d’affaires de 38,8 milliards d’euros.
Si Ikea représente un poids économique, l’enseigne s’inscrit surtout dans l’inconscient collectif des consommateurs.
Il faut dire que ses dirigeants ont su proposer au fil des ans des innovations majeures.
L’enseigne suédoise est devenue l’emblème du mobilier en kit fonctionnel, à la fois design et accessible.
Ikea a l’avantage d’être une marque à l’identité très affirmée et identifiée partout dans le monde. La marque est associée à du mobilier fonctionnel, toujours conçu pour optimiser l’espace de nos intérieurs.
Ainsi, Ikea se démarque par une offre abondante, soucieuse de répondre à tous les goûts et à tous les budgets.
Ikea a su prendre très tôt le virage du numérique pour peaufiner une stratégie marketing efficace :
Selon Christine Scoma Whitehawk, responsable de la communication pour Ikea aux États-Unis, leur stratégie première vise à observer comment leurs clients vivent au quotidien.
En d’autres termes, c’est en cernant les besoins de leurs cibles qu’ils parviennent à peaufiner leur offre.
La marque suédoise s’inscrit donc dans le quotidien de ses clients.
Par sa stratégie de content marketing, Ikea a ajusté son image de marque aux besoins des clients. Par un contenu esthétique et facile d’accès, Ikea a su impacter durablement ses cibles.
Comme l'avait déjà dit Ingvar Kamprad, fondateur du groupe, Maintenir une forte culture IKEA est l'un des principaux facteurs qui permettront au concept IKEA de demeurer un succès.
Cette culture se base sur trois piliers :
Le catalogue IKEA, édition 2020, a été tiré à plus de 200 millions d’exemplaires et traduit en 31 langues dans 50 pays. Il constituait près de 70 % du budget publicitaire de la multinationale suédoise d’ameublement.
C’est dire l’importance accordée par IKEA à son catalogue mondialisé de 330 pages.
Cependant, à la fin de l’année 2020, IKEA, contre toute attente, décide de renoncer à son catalogue.
Le géant suédois, dans un communiqué, explique : « Le comportement des consommateurs a changé et moins de gens lisent le catalogue IKEA qu’il y a quelques années.
Le catalogue IKEA n’en demeure pas moins un véritable objet culturel au sens où l’entend le psychologue Emmanuel Diet, c’est-à-dire un objet « matériel susceptible de fonctionner comme producteur, attracteur ou conteneur de sens permettant, dans et par la culture, une métabolisation, une régulation ou une transformation des dynamiques pulsionnelles et des scénarios fantasmatiques » (Diet, 2010, p. 40).
Dispositif important de l’armada publicitaire de l’enseigne d’ameublement et de son succès planétaire, passé, dès lors, au rang d’archive contemporaine, il participe de la construction d’un habiter idéal planétaire globalisé.
Dans un article paru en 2004, les géographes Marc Dumont et Anna Madoeuf s’étaient intéressés à la mise en scène des espaces domestiques dans les catalogues de vente par correspondance AM-PM, Vivre la maison et Meubles&Déco (Dumont, Madoeuf, 2004). Ils voyaient alors dans ces catalogues des « objets de projection de soi et de production du moi ».
En 2014, Anne Krupicka et Valérie-Inès de la Ville, dans un article de la revue en ligne Strenae (Krupicka, de la Ville, 2014), étudiant la représentation des chambres d’enfants dans le catalogue IKEA de 2012, proposaient de voir, à travers l’agencement de différents intérieurs, un « récit » de ces univers « fabriqués », prêts à être achetés.
La volonté de raconter des histoires en proposant parfois une image suffisamment forte ou une succession d’images disposées sur une page ou une double page répond en partie à la définition que Perry Nodelman donne de l’album pour enfants : « un livre qui communique des informations ou raconte des histoires à travers une série de plusieurs images combinées avec relativement peu de texte voire pas de texte du tout » (Nodelman, 1990, p. 6).
Pour parler de ce genre de production narrative, Michaël Nerlich, historien de la littérature, a créé dans les années 1980 le terme iconotexte (Nerlich, 1985), y rangeant album pour enfants, bande dessinée, roman-photo.
Thierry Groensteen, théoricien de la bande dessinée, fait de l’iconotexte un langage, avec ses codes propres, « un ensemble original de mécanismes producteurs de sens », écrit-il (Groensteen, 1999, p. 2).
Comparativement aux catalogues étudiés par Dumont et Madoeuf, le catalogue IKEA propose autre chose, et ce depuis 2008.
J’aimerais développer dans cet article une analyse qui m’amène à penser le catalogue IKEA comme un iconotexte au service d’un storytelling à visée idéologique et spatiale.
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