Le projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit dans une ambition de « remontée en puissance » de la gendarmerie nationale, ambition que le Gouvernement n’entend pas réserver qu’aux armées.
En tout, ce sont 8,94 milliards d’euros en crédits de paiement qui seront alloués à la gendarmerie en 2019, soit 2,1 % de plus que l’année dernière. Les ressources ainsi prévues permettront de reconstituer des capacités profondément mises à mal au cours de la dernière décennie.
La rapporteure pour avis n’ignore pas que l’effort engagé ne pourra permettre, en seulement deux années, de rattraper les retards accumulés. Ceci est d’autant plus vrai que l’objectif de renouvellement de 3 000 véhicules ne devrait pas être atteint cette année et est revu à la baisse pour 2019. Ce budget participe néanmoins, il faut le reconnaître, d’un véritable redressement de la gendarmerie, qui méritera d’être poursuivi dans la durée.
Les travaux menés dans le cadre de cet avis ont par ailleurs été l’occasion de mettre l’accent sur une mission pour laquelle la gendarmerie dispose d’une compétence reconnue : la gestion de crise. Seuls les principaux enseignements tirés seront évoqués ici.
La gestion de crise par la gendarmerie ne peut aujourd’hui faire l’économie d’une approche globale qui associe l’ensemble des acteurs concernés, la police, la justice, la sécurité civile, mais aussi les autorités locales. La rapporteure pour avis souhaite également rappeler le caractère indispensable du soutien dans les opérations de gestion de crise, d’autant plus lorsque ces dernières sont d’une certaine ampleur ou d’une certaine durée.
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La contribution des soutiens à la solidité et à la réactivité de notre modèle est au cœur des retours d’expérience réalisés à la suite de la gestion de la crise Irma comme de l’opération menée à Notre-Dame-des-Landes. Il en ressort que toute velléité de remettre en cause le caractère intégré ainsi que la militarité de la partie la plus opérationnelle du soutien doit être écartée.
Enfin, ce rapport est l’occasion d’attirer l’attention sur le manque de marge de manœuvre qui résulte du haut niveau d’engagement des forces de gendarmerie mobile. L’organisation de grandes opérations réduit les moyens disponibles pour faire face à une crise qui pourrait survenir de manière simultanée.
Or, dans les années à venir, la gendarmerie devra faire face à de nouvelles tensions sur certaines ZAD ([2]), à l’organisation de la coupe du monde de football féminin dans plusieurs villes de France à l’été prochain ou encore aux Jeux Olympiques d’été en 2024.
L’ensemble des travaux conduits par la rapporteure pour avis pointe vers une nécessité : celle d’une loi de programmation pour le ministère de l’Intérieur. Une telle loi est nécessaire pour donner de la visibilité à moyen terme aux gestionnaires - sur le renforcement de la gendarmerie mobile, la réhabilitation du parc immobilier ou encore le renouvellement des véhicules - ainsi que pour donner une vision d’avenir pour la gendarmerie, autour de laquelle chaque gendarme pourra se mobiliser.
La première étape est l’élaboration d’un document stratégique qui détermine des objectifs clairs et ambitieux pour les forces de sécurité intérieure. Le ministère des Armées l’a fait. Le ministère de la Justice s’y prépare. C’est désormais au ministère de l’Intérieur de l’envisager.
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La rapporteure pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2018, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
La gestion budgétaire 2018 du programme 152 « Gendarmerie nationale » a subi les conséquences de plusieurs problèmes au stade de la construction budgétaire de la loi de finances initiales (LFI) pour 2018 et de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2018‑2022.
En début d’année 2018, les responsables de la gendarmerie ont dû faire face à une sous-budgétisation des dépenses de personnel à hauteur de 43 millions d’euros par rapport aux besoins réels. Afin d’éviter un dépassement des crédits autorisés par la LFI pour 2018, des mesures de régulation budgétaire prudentielle ont dû être prises.
Le gel d’un tiers des crédits de la réserve opérationnelle a ainsi permis de dégager 28 millions d’euros tandis que les mesures de retardement d’entrée en école ont procuré 15 millions d’euros. Bien que regrettables, ces mesures de régulation démontrent que la gendarmerie nationale pilote sa masse salariale de manière responsable.
La gendarmerie a également été confrontée à certaines difficultés portant sur les dépenses hors titre 2. Sans évoquer la réserve de précaution (40 millions d’euros de crédits de paiement) et le remboursement de la « dette loyers » (13 millions d’euros), la direction générale de la gendarmerie nationale a dû faire face à la non‑budgétisation du « coût de sac à dos » ([3]) des recrutements programmés (2,8 millions d’euros) ainsi qu’aux coûts résultant de l’objectif d’engagement en opération de 3 000 réservistes par jour (13,6 millions d’euros).
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En parallèle, 6,5 millions d’euros d’économies n’étaient pas documentés. En conséquence, la gendarmerie a dû diminuer son budget consacré aux investissements dans les systèmes d’information et de communication, à l’achat de certains matériels, à l’entretien du casernement et à l’entretien automobile.
Les sous-budgétisations de crédits dont la gendarmerie a subi les conséquences en 2018 ont pu être rattachées à la faiblesse de l’outil de budgétisation utilisé par la direction du budget.
Le PLF pour 2019 est ainsi l’occasion d’un « rebasage » du budget de la gendarmerie. Comme le reconnaissait le général de corps d’armée Laurent Tavel, directeur du soutien et des finances de la gendarmerie nationale, le PLF pour 2019 marque une nette amélioration du budget de la gendarmerie qui résulte de la prise en compte des dépenses sous-budgétisées dans la construction de la LFI pour 2018 et de la LPFP 2018-2022.
À cet égard, la rapporteure pour avis souhaite saluer l’action de l’ancien ministre de l’Intérieur, M. Gérard Collomb, qui a su entendre les besoins exprimés par la gendarmerie et les défendre lors des arbitrages interministériels. Dans un contexte où un effort budgétaire est demandé de la part de chaque administration, la gendarmerie percevra 89 millions d’euros de crédits de paiement (64 millions d’euros sur le titre 2 et 25 millions d’euros sur le hors titre 2) de plus que ce que prévoient les plafonds de crédits fixés par la LPFP telle que votée en 2017.
Ces crédits supplémentaires correspondent à une correction technique, et non à la couverture d’une dérive de la dépense liée à un défaut de pilotage. En l’absence de ces mesures nouvelles, la gendarmerie aurait été à nouveau contrainte de dégrader son action opérationnelle, en diminuant le nombre de réservistes et en réduisant les objectifs d’investissement en matériel.
L’équation budgétaire pour l’année 2019 ne sera pas, pour autant, simple à résoudre pour la gendarmerie. En effet, le PLF pour 2019 intègre, au titre des dépenses hors titre 2, des hypothèses d’économies non-documentées à hauteur de 18,5 millions d’euros, qui pèseront nécessairement sur les investissements.
Il sera nécessaire de rester vigilant à l’égard des perspectives budgétaires décidées au-delà de 2019. À ce jour, la gendarmerie ne dispose d’aucune garantie que le « rebasage » en hors titre 2 obtenu en 2019 sera reconduit lors des années suivantes, alors même que ces crédits seront amenés à augmenter en raison du niveau élevé de recrutements initiaux programmés pour les prochaines années.
À cela, il faut ajouter que certaines dépenses plus difficiles à maîtriser, telles que le carburant et les dépenses de la gendarmerie mobile, connaîtront une progression rapide. De manière générale, il serait souhaitable de donner une visibilité à moyen terme aux gestionnaires ainsi qu’une vision d’avenir pour la gendarmerie.
La rapporteure pour avis propose donc que le ministère de l’Intérieur se dote d’une loi de programmation, à l’instar d’autres ministères régaliens. Comme l’affirmait le général Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, il est « important de tracer des perspectives. Cela a du sens et ce n’est pas pour rien que les armées se dotent de lois de programmation militaire ».
La première étape consisterait à définir des objectifs clairs et ambitieux pour les forces de sécurité intérieure, avant de s’interroger sur les besoins, puis sur les moyens permettant d’atteindre les objectifs ainsi définis.
Dans le cadre du PLF pour 2019, environ 9,63 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 8,94 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) sont inscrits au titre du programme 152 « Gendarmerie nationale ».
- et 135 millions d’euros au titre des fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP) attendus. Le montant des ADP devrait atteindre 100 millions d’euros au titre du remboursement des dépenses de personnel (titre 2) pour les effectifs mis à disposition de divers organismes qui ne participent pas directement à la performance du programme (EDF, Banque de France, etc.).
Le tableau ci-dessous retrace l’ensemble de ces ressources - crédits budgétaires et fonds de concours et attributions de produit.
Classiquement, les dépenses de personnel constituent le poste budgétaire le plus important de la gendarmerie avec 78,7 % des AE et 84,9 % des CP. Il est à noter que le PLF pour 2019 prévoit une enveloppe de 50,03 millions d’euros pour les mesures catégorielles statutaires et indemnitaires au profit des personnels de la gendarmerie.
Les dépenses de fonctionnement, d’un montant de 1,85 milliard d’euros en AE et de 1,15 milliard d’euros en CP, conditionnent la capacité de la gendarmerie nationale à répondre quotidiennement aux attentes de la population en matière de sécurité.
Les dépenses d’investissement s’élèveront à 170 millions d’euros en AE et 174 millions d’euros en CP. Les investissements en matière immobilière et dans le domaine des moyens mobiles représentent la quasi-totalité des ressources prévues à ce titre (cf.
Le plan de renforcement des forces de sécurité intérieure, voulu par le président de la République, prévoit la création de 2 635 emplois dans la gendarmerie sur la période 2018-2022, contre 7 365 emplois dans la police. Après la création nette de 459 emplois au titre de l’année 2018, 643 effectifs seront créés dans la gendarmerie en 2019. Le plafond des emplois autorisés s’élèvera quant à lui à 100 760 équivalents temps plein travaillé (ETPT), dont environ 6 800 officiers, 77 100 sous-officiers et 11 800 volontaires.
Comme l’année dernière, la rapporteure pour avis salue ces augmentations d’effectifs, mais considère que, malgré la création de 54 emplois supplémentaires créés au titre du renseignement territorial, il convient d’envisager, sur la période restante du plan, un rééquilibrage en faveur des forces de gendarmerie. Si le critère du niveau de délinquance est souvent avancé pour justifier la répartition des créations de postes entre la police et la gendarmerie, la rapporteure pour avis considère que le meilleur critère reste celui de la présence des forces sur le terrain, afin d’agir en amont et de prévenir la délinquance.
Au-delà de l’évolution des effectifs, la rapporteure pour avis est soucieuse du moral des gendarmes. Le directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, le général de corps d'armée Hervé Renaud, déplore un nombre élevé de personnels tués ([8]) ou blessés en service ([9]) qui démontre une dégradation progressive des rapports entre une partie de la population et les gendarmes et qui, en conséquence, nourrit une tension chez les personnels. En dépit de cela, la « colonne vertébrale militaire » que constitue la cohésion née de la formation initiale et de la vie en caserne, ainsi que les valeurs, comme celles incarnées par le comportement héroïque du gendarme Arnaud Beltrame, écarte l’idée d’un malaise collectif au sein de la gendarmerie.
Contrairement à la LFI pour 2018, le PLF pour 2019 intègre le financement du « coût de sac à dos » des effectifs recrutés.
Le gel, en début d’année 2018, d’un tiers des crédits de la réserve opérationnelle s’est traduit par un « coup d’arrêt » dans la montée en puissance de cette dernière. Prenant acte de l’impact opérationnel d’une telle mesure, le PLF pour 2019 prévoit une enveloppe supplémentaire de 36 millions d’euros par rapport aux crédits prévus en LFI pour 2018 (98,7 mil...
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