Le tir aux pigeons, une discipline qui a traversé les époques, suscite autant la fascination que la controverse. De ses origines où de véritables oiseaux étaient utilisés comme cibles, à son évolution vers le tir aux pigeons d'argile, ce sport a connu une transformation significative.
La domestication des pigeons remonte à la plus haute Antiquité. Aristote, qui vivait trois siècles avant J.-C., parle des pigeons de Grèce. L’instinct et la volonté qui poussent les pigeons à revenir vers leur point de départ sont connus et utilisés depuis les premiers temps de la civilisation.
Les Égyptiens, les Perses, les Chinois et les Grecs utilisaient les pigeons voyageurs comme messagers lors de leurs campagnes de guerre, ou pour la politique et le commerce. Des serviteurs colombophiles étaient spécialement affectés à leurs soins et à leur transport.
Au XIXe siècle, le tir aux pigeons vivants était une pratique courante. Ce Tir aux pigeons a été créé fin XIXe-tout début XXe dans les Hauts d’Issy, encore campagnards à l’époque, par la maison Gastinne-Renette, célèbre armurier parisien.
Le Tir aux pigeons occupait un vaste terrain situé entre la rue d’Erevan (anciennement rue du Plateau) et la rue de l’Egalité. Bien sûr, de hautes palissades en bois protégeaient le voisinage, de plus en plus important avec la vague de construction lancée après la Première Guerre mondiale.
Saviez-vous que des pigeons vivants avaient été utilisés comme cibles pour une épreuve de tir ? Le 5 août 1900, au bois de Boulogne, 34 concurrents se présentent sur le pas de tir dont le Belge Léon de Lunden. Il fait un score parfait : il touche 21 pigeons en 21 tirs. Il remporte la médaille d'or.
La règle du tir au pigeon vivant est très simple. Il faut tuer le plus de pigeons possible. Le tireur est éliminé s'il rate deux fois d'affilée sa cible.
À la fin de l'épreuve, le champ de tir est digne d'une scène de film d'horreur : 300 pigeons ont été abattus. Il y a du sang, des plumes qui tourbillonnent dans l'air et des femmes en larmes dans le public. L'historien Andrew Strunk rapporte dans un article l'état du champ de tir à la fin de l'épreuve, dans une vision où « les oiseaux estropiés se tordaient sur le sol, le sang et les plumes tourbillonnaient en l'air et les femmes assises à côté sous leurs ombrelles étaient en pleurs.
« Une compétition fut organisée pendant les Jeux olympiques de Paris en 1900. La série de tirs était interrompue dès que le tireur avait manqué son deuxième pigeon. Près de 300 pigeons furent utilisés pour cette compétition dont les résultats ne sont pas inclus dans la liste officielle des résultats olympiques du CIO ».
Cette épreuve ne laissera pas de trace, le Comité international olympique, ne la reconnaît pas. Les résultats ne figurent pas dans la liste officielle, mais les compétitions de tir recèlent aussi de très belles histoires.
Avec le temps, le tir se pratique sur pigeons d’argile, notamment aux Jeux olympiques de 1924, qui sont à nouveau organisés à Paris.
24 ans plus tard, en 1924, la grande fête olympique revient à Paris, entre le 5 et le 27 juillet 1924. Si le polo se joue à Saint-Cloud, l’aviron sur le bassin d’Argenteuil et les épreuves à l’arme de chasse à Versailles, Issy-les-Moulineaux accueille, aux Épinettes, le tir aux pigeons. Non pas sur des pigeons vivants comme c’était encore le cas en 1900, mais des pigeons d’argile.
Entre le 21 et le 29 juin 1924, quatre nations sont engagées dans l’épreuve disputée au stade des Epinettes. Les Américains remportent l’épreuve par équipes devant le Canada et la Finlande. Victoire du Hongrois Gyula Halasy dans l’épreuve individuelle.
La presse se fait l’écho de la préparation de l’équipe de France : « La Fondation nationale de tir aux armes de chasse (25 bis, rue Decamps, Paris-XVI) prie les tireurs français pratiquant le tir sur pigeons d’argile de vouloir bien s'inscrire chez M. Gastinne-Renette, 38, avenue Emmanuel-III, pour prendre part aux trois réunions d'entraînement olympique qui se tiendront au stand d'Issy-les-Moulineaux, les lundi 12 mai et lundi 2 juin 1924, à 14 h.
Après ces deux réunions d'entraînement olympique, il sera fait un classement des meilleurs tireurs, pour participer à l'épreuve éliminatoire du lundi 21 juin, à la suite de laquelle sera constituée l'équipe française chargée de représenter la France aux Jeux olympiques dans la compétition sur pigeons d'argile, qui se tiendra à Issy-les-Moulineaux, du 3 au 10 juillet 1924.
Jean-Baptiste Merlino (ci-contre), qui habitait rue de la Défense, se rappelle que, malgré la clôture du terrain, les plombs de chasse retombaient au-delà, dans les rues avoisinantes et dans la partie boisée descendant jusqu’au boulevard Rodin.
Aujourd’hui, il ne reste plus rien du stade des Épinettes, où se déroulèrent les épreuves, car le site fut enseveli lors de la catastrophe du 1er juin 1961. Ce jour-là, à la limite de Clamart, en bordure de la rue Courbarien, plusieurs maisons et des immeubles, construits en partie sur d’anciens puits et carrières de craie utilisés jusqu’en 1925 pour la fabrication de la chaux de Meudon, ainsi que six rues et le stade, s’effondrent en quelques instants, sous l’effet de pluies diluviennes. Bilan : 21 morts, une cinquantaine de blessés et 200 sinistrés.
Un dimanche, lors d'une fête d'Arzew, toujours le 15 Août, jour de mon anniversaire, j'étais invité par le Maire d'Arzew, Marc Tournut et Louissico Sévilla, deux très bons amis, à un concours de tir aux pigeons d'argile. C'était la première fois que je fréquentais un ball-trap.
Après cette première victoire, je participais tous les dimanche aux concours régionaux, Canastel, Sidi-Bel-Abbès, Arzew, etc... Dans la région d'Oran, nous étions une équipe intéressante. Messieurs Blanc, Pomares parmi les meilleurs. Dès le début, je réalisais des scores très corrects si bien que je continuais à tirer de plus en plus et m'aventurais un peu plus loin.
Mon ami, Jacki Minois d'Alger m'appelait dès qu'une compétition était prévue dans la capitale. Je me souviens du premier concours où nous participions ensemble à Alger. C'est lui qui avait gagné d'ailleurs avec un score de 2O/2O. J'étais second avec un score de 19/2O.
L'été, durant les congés, nous ne restions plus tout l'été à Fontaine des Gazelles, nous partions un mois en France en famille et j'en profitais surtout pour participer aux concours de tir aux pigeons. Deauville, Divone, Vichy, Monte-Carlo, etc... Je gagnais des concours partout où je passais.
C'est alors que je décidais de créer mon propre stand de tir aux pigeons pour mon entraînement personnel et journalier. Au champs de course du Sig, je faisais, avec l'accord de la municipalité, un stand tout à fait à la hauteur des plus grands stands français. Fosse américaine et olympique pour le pigeon d'argile et les boites automatiques pour les pigeons vivants que je faisais venir d'Espagne parce qu'ils étaient réputés plus rapides.
J'avais acheté à Alger un fusil Bouchet à canon superposé qui me convenait à merveille. Je comptais bien réaliser de bons scores avec.
Quand la date du championnat du monde arriva, les meilleurs de l'équipe d'Algérie, Blanc, Pomarès, Rocque, Minois et moi-même nous rendirent à Vichy où se déroulait le 22ème championnat du monde de tir aux pigeons vivants. Il y avait 175 concurrents de toutes nationalités, le championnat durait quatre jours.
Au bout du 4ème jour, nous étions 3 en compétition. Le belge Laloux, l'italien Ceroni et moi-même. Inutile de vous dire que l'équipe d'Algérie me soutenait très chaudement. Ils ne me lâchaient pas. Chaque fois que je tirais, leurs coeurs battaient aussi fort que le mien.
Le belge Laloux loupait son 21ème pigeon. Nous étions désormais plus que deux en compétition. L'italien Ceroni, excellent tireur et moi-même. Handicape à 28 mètres en 10 pigeons. Il y régnait un silence impressionnant. On n'entendait pas une mouche voler. Nous sommes toujours à égalité. 33/33. On reculait à 28m50, 1 pigeon éliminatoire.
Monsieur Ceroni tirait le premier et manquait son pigeon. L'ambiance était pesante. C'était mon tour. J'épaulais et commandais: "Pull". A peine le pigeon s'envolait d'un mètre je l'abattais d'une seule décharge. Gagné! Je remportais le 22ème championnat du monde de tir aux pigeons vivants, un titre que la France attendait depuis 19 ans.
Il n'y avait pas eu de champion du monde français depuis 1939. C'était du délire. "La Marseillaise retentissait, la foule m'ovationnait, je sentais monter en moi une émotion indescriptible, les larmes de joie remplissaient mes yeux, mes amis d'Algérie étaient aussi fiers que moi et m'honoraient de leur amitié et de leur joie. Les flashs m'aveuglaient, la foule m'étouffait et me congratulait.
Le Comte Gouvion de Saint Cyr, président de la fédération française de tir aux pigeons, me remettait la coupe du championnat du monde restée en trophée à Paris, à la fédération de tir du Bois de Boulogne. Là, ce fut du délire.
Épreuve | Vainqueur | Pays |
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Équipe | États-Unis | États-Unis |
Individuel | Gyula Halasy | Hongrie |
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