La Russie a été accusée d’avoir mené un test militaire mi-novembre, évaluant sa capacité de destruction de satellites avec un missile. La Russie a détruit l’un de ses satellites avec un missile, ciblant un ancien satellite soviétique et provoquant un champ de débris qui a été photographié. La France, comme d’autres pays dans le monde, suit désormais de près la trajectoire de ces éclats.
Un tir anti-satellite consiste essentiellement à déployer un missile pour détruire un satellite en orbite autour de la Terre. La plupart du temps, les missiles - qui sont donc constitués d’une charge explosive, d’une propulsion et d’un système de guidage - sont dirigés contre des cibles sur terre, en mer ou dans les airs. Mettre en œuvre un armement anti-satellite est complexe, car il faut tenir compte à la fois de la vitesse de déplacement de la cible, de sa trajectoire ainsi que de son altitude. C’est très différent par exemple d’une frappe au sol, qui est relativement plus « simple » si la cible est statique.
Ce développement a suivi de près l’émergence des satellites. Ce sont les États-Unis qui ont ouvert cette ère d’ailleurs, quand ils ont appris le lancement du premier satellite soviétique en 1957, avec Spoutnik 1.
Les informations en circulation mettent en cause la Russie. Moscou est accusé d’avoir généré un nouveau champ de débris à très haute altitude, en procédant à un tir de missile contre un satellite. C’est un ancien satellite soviétique qui a été pris pour cible. Le tir organisé par la Russie est de type DA-ASAT (direct-ascent anti-satellite missile), c’est-à-dire que c’est un missile qui est parti depuis la Terre - les détails autour du tir restent flous : on ne sait pas si l’engin est parti depuis la terre ou la mer, depuis quelle plateforme ni son type.
L’ancien satellite soviétique pris pour cible est Tselina-D, aussi appelé Kosmos-1408. Cet engin servait autrefois à du renseignement électromagnétique. Il a été lancé en 1982 et sa durée de vie a été extrêmement brève - six mois. Le satellite était inerte depuis. La destruction de Kosmos-1408 a généré un nuage de détritus en orbite qui s’est avéré menaçant pour la Station spatiale internationale et, en conséquence, pour l’équipage. Celui-ci a d’ailleurs dû se réfugier momentanément dans des capsules d’évacuation, au cas où. La menace est passée pour l’instant.
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Les satellites peuvent être détruits par des missiles tirés depuis le sol, mais ils pourraient aussi l’être si des armements similaires étaient déployés dans l’espace - on pourrait imaginer la présence de satellites armés, avec des missiles à bord, prêts à faire feu en cas de conflit. En fonction de la cible, d’autres techniques existent. On peut, par exemple, aveugler les capteurs d’un satellite spécialisé dans l’imagerie au moyen d’un laser. Les USA ont accusé la Chine en 2006 d’avoir braqué un tel faisceau contre l’un de leurs satellites. Une autre éventualité, encore plus difficile, est le désorbitage forcé d’un satellite, pour le précipiter dans l’atmosphère afin qu’il se consume sans générer de débris.
L’incident avec l’ISS montre bien le problème que pose la destruction physique de satellites. Elle génère des débris qui menacent tout ce qui se trouve en orbite : les astronautes, la Station spatiale internationale, les satellites, les fusées, les capsules de ravitaillement, et ainsi de suite. De nombreuses activités reposent désormais sur l’espace. Un encombrement trop important de l’orbite par des déchets représente donc une menace majeure. Il faut se souvenir que les prédictions météorologiques reposent sur des satellites. La géolocalisation aussi. La multiplication d’éclats incontrôlables en orbite pourrait, dans un scénario noir, finir par rendre l’orbite terrestre inexploitable pendant des années.
En effet, à force de se percuter les uns les autres, les objets spatiaux génèrent de plus en plus de projectiles dans toutes les directions et sur plusieurs orbites, ce qui peut former un nuage de gravas autour de la Terre. Hasard de l’actualité, ce qu’il s’est passé mi-novembre est le point de départ du film Gravity, d’Alfonso Cuarón. Dans ce long-métrage mettant en scène Sandra Bullock et George Clooney, on assiste à la destruction de l’ISS par les restes d’un tir de missile contre un satellite russe.
La Russie n’est pas le seul pays à avoir procédé à ce genre de destruction. En 2019, l’Inde a rejoint le cercle très fermé des nations ayant démontré une telle capacité. Cette initiative avait été jugée catastrophique par la Nasa, pour les raisons évoquées ci-dessus (la Nasa n’a pas non plus mâché ses mots à l’égard du récent tir russe). Outre la Russie et l’Inde, deux autres pays ont de telles capacités : les États-Unis, dès la fin des années 50, et la Chine, en 2007. Les tests les plus récents de ces deux pays remontent à 2008 pour les USA, au motif qu’un de leurs satellites espions était en perdition et qu’il contenait un produit très toxique, et 2007 pour la Chine, contre un satellite météo.
D’autres pays ont la compétence technique pour développer ce type d’armement. C’est le cas des nations qui ont une expertise dans les missiles, mais aussi dans les fusées - ces deux domaines étant assez poreux. La France, le Royaume-Uni ou Israël ont le niveau pour y parvenir. Les photos de l’essai en Inde.
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La question est complexe et a plusieurs décennies. Le traité de l’espace de 1967 ne s’intéresse qu’aux armes nucléaires et aux armes de destruction massive - il n’est pas évoqué le cas des armes conventionnelles, comme les missiles. Autre subtilité à prendre en compte : le tir n’a pas eu lieu depuis l’espace, mais depuis la Terre. Interdire l’emploi d’armes cinétiques contre les satellites peut sembler justifié vu les problématiques, mais cela soulève aussi des dilemmes : faudrait-il par exemple se priver de la possibilité d’abattre un satellite ou même une station spatiale en perdition, s’il s’avère que sa trajectoire menace la population ? Par ailleurs, l’existence d’un traité ne garantit en aucun cas qu’il sera respecté à la lettre - cela se saurait, sinon, dans l’histoire de la politique internationale.
Un tir de missile anti-satellite russe est à l’origine de débris spatiaux, qui ont forcé à changer momentanément la trajectoire de la Station spatiale internationale (ISS). Des débris en orbite ont nécessité une modification de la trajectoire de l’ISS, a informé la Nasa le 15 novembre 2021. Les astronautes de la Station spatiale internationale ont été contraints de se retrancher dans les vaisseaux attachés à l’habitacle, par mesure de prudence. La responsabilité des événements est attribuée à la Russie. Les débris nouvellement formés se trouvent à une altitude située entre 440 et 520 kilomètres. L’ISS évolue quant à elle à une hauteur de 400 kilomètres, au-dessus de notre planète.
« Il a fallu environ 2 ans pour que les débris du test indien ASAT de 2019 soient dégagés (un débris de ce test qui fait l’objet d’un suivi est actuellement toujours en orbite). Le scientifique fait référence au test mené par l’Inde le 27 mars 2019, avec un missile anti-satellite, qui avait alors soulevé des inquiétudes sur les débris qui allaient être créés. Certes, l’atmosphère de notre planète réduit l’énergie des satellites situés en orbite, comme le rappelle l’ESA, ce qui les ramène vers la Terre et provoque un impact contre l’atmosphère (et donc, leur destruction). Mais ce processus prend du temps : moins de 25 ans pour les satellites à basse altitude, sous la limite des 500 kilomètres. Pour les satellites évoluant à des dizaines de milliers de kilomètres, il peut s’écouler des milliers d’années avant qu’ils ne reviennent vers l’atmosphère.
« Si les dinosaures avaient lancé un satellite sur l’orbite géostationnaire la plus élevée, il serait toujours là-haut aujourd’hui », note l’agence spatiale. On comprend donc que les débris issus du tir anti-satellite pourraient avoir d’autres conséquences, à plus long terme. Rappelons que depuis 1999, l’ISS a dû effectuer 29 manœuvres d’évitement de débris, dont trois en 2020. La multiplication des débris autour de la Terre ne risque pas d’arranger la situation ces prochaines années.
Confirmant les rumeurs, Moscou a assuré le lendemain avoir réalisé un tir sur un satellite hors d’usage. Une démonstration de force réalisée au mépris des recommandations internationales. Face aux accusations, Moscou a assuré ce mardi que "la sécurité de l'équipage" de la Station spatiale internationale était sa "priorité principale." "Seuls des efforts communs de toutes les puissances spatiales pourront assurer une coexistence aussi sûre que possible et la poursuite des opérations dans le domaine spatial", a encore indiqué Roscosmos dans un communiqué.
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Pays | Date du Test | Satellite Cible | Conséquences |
---|---|---|---|
États-Unis | 2008 | Satellite espion défaillant | Création de 400 déchets orbitaux |
Chine | 2007 | Satellite météorologique | Création de milliers de débris |
Inde | 2019 | Satellite en orbite basse | Inquiétudes sur les débris créés |
Russie | 2021 | Kosmos-1408 | Plus de 1500 débris traçables |
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