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Le rôle joué par les troupes suisses d’aviation et de défense contre avions durant la Seconde Guerre mondiale est assez mal connu des non spécialistes, dans la Confédération helvétique elle-même mais encore plus à l’étranger.

Peu de personnes savent, ou se souviennent encore, que ce sont les seules troupes de l’armée qui ont été amenées à combattre effectivement durant le second conflit mondial, alors que la Suisse était neutre et qu’elle est la seule nation à avoir évité la guerre et son cortège de morts et de destruction au centre de l’Europe.

Le présent article n’a pas pour ambition de retracer l’ensemble de l’évolution de ces troupes et le rôle qu’elles ont joué durant toute la Seconde Guerre mondiale pour la protection de la neutralité et la défense de l’espace aérien helvétique.

Un article n’y suffirait pas et plusieurs auteurs ont déjà traité de manière approfondie cette question.

Toutefois, les trois-quarts de cette documentation historique, ainsi que de nombreuses archives, ne sont disponibles qu’en allemand sans traduction française, et font l’objet d’une diffusion très confidentielle hors d’un public de spécialistes.

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Il est à relever en préambule que la Suisse a été confrontée à plusieurs périodes militaires distinctes entre 1939 et 1945, avec des frontières et des voisins directs qui ont évolué au fils du temps et, en conséquence, des menaces et des risques très différents pour chacune d’elles.

La réponse, tant militaire qu’économique et diplomatique, a nécessairement été appelée à évoluer fortement au cours du temps pour s’y adapter et permettre à la Confédération helvétique de protéger sa neutralité, d’assurer son approvisionnement économique et d’éviter d’être aspirée dans la barbarie de la Seconde Guerre mondiale.

La volonté de défense du pays a été clairement exprimée et organisée.

Elle a toutefois également été accompagnée d’une Realpolitik compliquée, propre à une nation entourée par les forces de l’Axe, sans accès à la mer et aux matières premières de base, nécessitant bien des compromis, dont certains à la limite de la compromission, sur les plans économique et diplomatique, et qui seront d’ailleurs reprochés à la Suisse après la guerre.

La Suisse, et plus spécifiquement son aviation militaire et sa DCA, était-elle prête lors du déclenchement des hostilités ?

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Comment les conséquences de cette période charnière ont-elles influencé la conception de la défense helvétique depuis l’été 1940, pendant toute la Seconde Guerre mondiale et même bien après cette dernière, jusqu’à la fin de la guerre froide ?

Nous allons tenter d’analyser ces questions à travers trois périodes bien distinctes qui vont de la mobilisation de guerre d’août 1939 à l’été 1940, après la défaite de la France.

En ce qui concerne la période du début du second conflit mondial, jusqu’en été 1940, on peut distinguer trois périodes temporelles bien distinctes et spécifiques.

Comme pour la France, on peut parler de « drôle de guerre », même si la Suisse n’est pas en conflit et que ce terme n’a pas été utilisé de la même manière que dans l’hexagone.

Le 10 mai 1940, avec le début de la bataille de France et l’offensive allemande par le nord, reprenant à nouveau, sous une forme adaptée, les grandes lignes du plan Schlieffen de 1914 avec l’attaque par la Hollande, la Belgique et le Luxembourg, la donne change fondamentalement pour la Suisse.

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Il est correct d’affirmer que le risque militaire diminue pour la Suisse dans la première phase des combats, le front étant encore très éloigné de son territoire.

Il ne s’agit plus vraiment dans cette phase de devoir résister à une attaque directe, même avec l’appui de l’armée française sur le sol suisse comme cela avait été envisagé par le général Henri Guisan sans qu’il en informe le Conseil fédéral4.

Il faut maintenant réussir à protéger la neutralité, y compris par les armes si nécessaire, et éviter qu’un des belligérants n’utilise le territoire helvétique, et surtout son espace aérien, pour en tirer un avantage sur l’autre.

L’armée suisse et ses troupes d’aviation et de DCA, comme sa diplomatie, doivent à la fois être fermes mais aussi éviter tout ce qui pourrait donner prétexte à l’Allemagne nazie de l’impliquer dans le conflit.

La rapidité de la défaite française et l’armistice du 22 juin 1940 représentent un choc psychologique majeur en Suisse, tout comme en France et dans le reste de l’Europe.

Dès fin juin 1940, elle se retrouve presque totalement encerclée par les forces de l’Axe, la pointe sud-ouest de la Suisse à Genève formant la limite entre la zone occupée par les Allemands et la zone encore libre sous administration du gouvernement français de Vichy.

Cette période de stupeur est aussi celle d’un danger réel et bien plus grand pour la Suisse, qui perdurera jusqu’à l’automne : libéré de la guerre avec la France, la tentation est forte pour Hitler de se rendre maître de la dernière pièce du puzzle qui lui échappe encore sur son flanc sud.

Dans ce contexte, la Suisse doit repenser complètement le dispositif de défense du pays, en acceptant, au vu de ses moyens et des expériences polonaises et françaises, de ne pas avoir la capacité résister à une Blitzkrieg des Panzers allemands sur le plateau suisse.

La mise en place de cette stratégie se réalise progressivement dès l’été 1940 et ne sera véritablement effective et dissuasive qu’en mai 1941.

Elle impacte complètement l’organisation et le déploiement des troupes d’aviation sur des aérodromes de guerre en milieu alpin.

Au début de la Première Guerre mondiale, en été 1914, la Suisse ne disposait tout simplement pas d’aviation militaire.

Elle n’avait pas réussi à la créer, malgré des appels clairs de nombreux milieux et un don national populaire important à cet effet.

Elle n’était pas prête.

Les troupes d’aviation furent créées en catastrophe lors de la mobilisation de guerre d’août 1914, avec des appareils privés appartenant aux pilotes et des avions réquisitionnés5.

En août 1939, lors de la mobilisation de la Seconde Guerre mondiale, la situation n’est pas plus brillante.

Si la Suisse est à même de mobiliser rapidement une armée importante apte à protéger ses frontières et couvrir une grande partie de son territoire, elle n’est pas prête pour une guerre moderne, blindée, mobile et aérienne.

Pourtant, des efforts avaient été menés depuis 1925, avec une nouvelle organisation des troupes, prévoyant d’augmenter jusqu’à trente le nombre d’escadrilles6, et la mise en place d’un concept d’emploi de l’arme aérienne cohérent.

La période n’était malheureusement pas propice à l’augmentation des dépenses militaires : en Suisse comme dans le reste de l’Europe, le mot d’ordre après le premier conflit mondial était « plus jamais de guerre ».

Cette période permit toutefois l’acquisition et la fabrication sous licence d’avions modernes pour l’époque comme le Dewoitine D-27 et le Fokker C-V, mais en nombre insuffisant pour permettre d’équiper la totalité des escadrilles prévues.

Il faut attendre 1936 pour que la politique de défense et d’équipements militaires de la Suisse change de paradigme, avec une réorganisation et une modernisation radicales de l’armée et de l’aviation.

Ce sont à la fois les doctrines modernes d’emploi de l’arme blindée et de l’arme aérienne dans les armées étrangères, mais aussi et surtout la prise de conscience de l’évolution géopolitique en Europe et de la course aux armements relancée depuis l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, qui poussent la Suisse dans cette direction.

Dans le domaine de l’arme blindée, la défiance est importante et la Suisse mise surtout sur la défense anti-chars, et non pas sur le char lui-même.

Seuls 24 chars tchèques légers Praga du fabricant Skoda, sur les 300 commandés, pourront être livrés à la Suisse avant le début de la Seconde Guerre mondiale.

Ils constitueront les seuls blindés du pays durant toute la Seconde Guerre mondiale, si l’on ne tient pas compte des chars français Renault R35 internés en 1940, l’industrie locale n’ayant pas la capacité d’en produire.

Les troupes de défense contre avions sont créées en 1936 seulement mais elles n’ont pas encore d’ordre de bataille, même prévisionnel, ni d’équipement en propre à ce moment.

Le service (administratif) de l’aviation et de la DCA fut également créé à moment, avec trois composantes, l’aviation, la DCA et le service de repérage et de signalisation des avions (SRSA).

Ce dernier avait comme mission, avant l’avènement du radar, de couvrir l’ensemble du pays avec un réseau de reconnaissance optique des avions ennemis et leur annonce centralisée.

Les troupes d’aviation sont rapidement réorganisées et le commandement de l’aviation dispose, dès 1938, de trois régiments d’aviation, avec chacun deux ou trois groupes.

Chaque groupe d’aviation est composé de deux escadrilles de combat et d’observation et d’une escadrille de chasse, portant le total à vingt-et-une escadrilles8 9.

En parallèle à l’adaptation de l’organisation, la modernisation des moyens est la clé du succès, d’autant plus que la course aux armements fait évoluer très rapidement la technologie dans le domaine de l’aviation militaire.

Deux projets purement suisses prennent naissance dès 1935 aux ateliers fédéraux de construction d’avions de Thoune : le biplan d’observation et d’attaque type C-35 et le monoplan type C-36, de conception beaucoup plus moderne.

Quatre-vingt-deux C-35 peuvent être livrés à la troupe jusqu’en 1939, alors que le C-36 n’est encore qu’à l’état de prototype à cette date.

Conscients que la production nationale ne permettra pas dans l’immédiat la construction d’un chasseur moderne et puissant dont l’aviation militaire suisse avait urgemment besoin, des délégations sont envoyées en France, en Angleterre, en Italie, en Allemagne et aux États-Unis pour y trouver les avions adéquats.

Cette mission est couronnée de succès et, finalement, la Suisse réussit à passer commande, en 1938, de 10 Messerschmitt 109D, puis ensuite de 80 Messerschmitt 109E, à l’Allemagne, ainsi qu’à obtenir en 1939 de la France la construction sous licence du Morane 406, sous l’appellation locale D-3800.

La neutralité est même plutôt bien respectée, avec des matériels provenant des deux camps opposés11 12.

Seuls les premiers Messerschmitt 109 livrés sont disponibles et opérationnels lors la mobilisation de guerre des troupes d’aviation et de DCA suisses, le 28 août 1939.

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