Envie de participer ?
Bandeau

Schneider était non seulement l’un des plus imposants groupes industriels français, mais également l’un des plus anciens et des plus prestigieux. Entreprise de réputation mondiale bénéficiant d’une concentration verticale et horizontale assez développée, la société et ses filiales disposaient également d’un savoir-faire et d’une expérience éprouvés dans la fabrication de très nombreux types de matériels militaires, de l’obus au sous-marin en passant par les engins blindés.

Les Débuts de Schneider et son Essor Industriel

L’origine d’établissements industriels au Creusot remonte au XVIème siècle, époque où commença l’exploration des gisements aux affleurements houillers, mais l’aventure débuta réellement en 1781, lorsque François-Ignace Wendel, seigneur d’Hayange, et William Wilkinson, qui cherchaient alors un site de production pour alimenter les forges royales d’Indret, arrêtèrent leur choix sur Montcenis.

Wilkinson y trouva un charbon donnant un coke d’excellente qualité et du fer à proximité, espérant pouvoir produire de la fonte « à la manière anglaise » pour le service de la Marine. Deux ans plus tard, « La Manufacture de Cristaux et émaux de la Reine » du domaine royal de Saint-Cloud, à Sèvres, fut transférée au Creusot (l’actuel bâtiment du Château de la Verrerie) où elle fonctionna jusqu’en 1832.

Les frères Schneider arrivèrent au Creusot au moment où l’application de la vapeur aux chemins de fer et à la navigation allait donner une formidable impulsion à l’industrie métallurgique. Dès 1839, ils créèrent les Chantiers de Chalon à Chalon-sur-Saône pour développer les constructions navales, profitant de la situation du site au point de vue des communications terrestres, ferroviaires et fluviales.

Dès lors, les installations et le potentiel industriel de l’entreprise ne cessèrent de se développer : achat des concessions houillères de Decize et Montchanin (1869), conversion de la fabrication à la production d’acier, suivant les procédés Bessemer et Martin (1867-1873), installation d’un marteau-pilon de 100 tonnes (1875) et d’un premier convertisseur Thomas permettant la déphosphoration de la fonte, elle-même obtenue dans un haut fourneau à partir de minerai phosphoreux.

Lire aussi: Stands de Tir : Guide Complet

L'Implication de Schneider dans l'Armement

Le dernier quart du siècle fut marqué par la fin des commandes de rails et la réorientation progressive vers les fabrications d’armement, notamment grâce à la production du célèbre canon de 75 : création d’ateliers d’artillerie au Creusot (1880 et 1885), achat d’ateliers au Havre appartenant à la Société des Forges et chantiers de la Méditerranée, du polygone du Hoc et de son champ de tir (1897), puis création d’un atelier à Harfleur (1905). Parallèlement, l’entreprise, qui équipait les navires des marines françaises et étrangères en plaques de blindage, participa à la création des Chantiers et ateliers de la Gironde (1882). La branche Travaux public fut organisée au sein d’un service dédié (1895) puis d’une direction (1906).

Le Stand de Tir et les Essais d'Armement

A partir de 1908-1909, les installations de tests et de fabrication de matériel d’armement gagnèrent le Sud-Est avec la construction sur la presqu’île de Saint-Mandrier, en rade de Toulon, d’une batterie d’essai, la « batterie des Maures », qui était alors alimentée par les torpilles fabriquées dans l’usine d’Harfleur en Seine-Inférieure.

Le Creusot : Établissements Schneider et Cie, polygone de tir, 4 juin 1920 : “Visite de M. le Maréchal Pétain, de M. le général Debeney et de MM.

Schneider Pendant la Première Guerre Mondiale

Pendant le premier conflit mondial, Schneider joua un rôle industriel de premier plan, malgré des débuts hésitants. Dès avant la guerre, la société prit des participations dans diverses entreprises comme la Société d’optique et mécanique de haute-précision (SOM), la Société d’outillage mécanique et usinage d’artillerie (SOMUA), mais aussi dans plusieurs sociétés d’armement russes (1912-1914).

Quelques chiffres permettent de mesurer l’ampleur de la production de guerre. Pendant le conflit, les usines du Creusot et du Breuil produisirent l’équivalent de 5 713 600 obus explosifs de 75, 4 055 440 shrapnels du même calibre, 1 175 571 obus de 155 et 4 806 000 obus de 120. Il faut ajouter à cela le chiffre colossal de 7 000 pièces d’artillerie fabriquées et les 1 600 canons dont l’entreprise assura la réfection ou le retubage.

Lire aussi: Saveuse : Un lieu de mémoire

La production des 400 chars commandés pendant la guerre fut réalisée en partenariat avec la SOMUA qui fabriqua la majorité des blindages.

Reconversion et Expansion Après la Guerre

Après la Grande guerre, Schneider se reconvertit en partie sa production vers des fabrications civiles et poursuivit ses prises de participations et acquisitions en France, avec la concession de mines de fer de Droitaumont dans le bassin de Briey en Meurthe-et-Moselle, la Société de l’énergie électrique Rhône et Jura, la société métallurgique de Knutange en Moselle désannexée, mais aussi à l’étranger avec les charbonnages de la Campine belge, les aciéries luxembourgeoises de Burbach-Eich Dudelange (ARBED) et la création de la Société métallurgique des Terres rouges (1919).

Schneider profita de la défaite de l’Allemagne et de la chute de l’empire austro-hongrois pour essaimer en Europe orientale et centrale grâce à un outil privilégié : l’Union européenne industrielle et financière (UEIF) créée en 1920 avec la Banque de l’union parisienne (BUP) dont Eugène Schneider était administrateur.

Aspects Sociaux et Controverses

Ce succès était dû aux qualités des Schneider - mélange de prudence, de faculté d’adaptation et d’un sens remarquable de l’organisation -, mais aussi au talent des ingénieurs dont ils avaient su s’entourer et au travail des milliers d’ouvriers qui s’étaient succédé dans leurs usines. A cette époque, la vie au Creusot était dure comme d’ailleurs dans tous les grands centres industriels.

Sur le plan social, l’ouvrier évoluait dans un univers de dureté, de surveillance et de contrainte, « tempéré par un paternalisme intelligent et habile », nuance Marcel Massard. « Les Schneider ont été les auteurs de réalisations hardies et précoces, à une époque où de telles actions étaient pratiquement inconnues en France : caisses de secours en cas de maladie ou d’accident, hôpitaux, soins médicaux et pharmaceutiques gratuits, caisses de retraite. Le tout, il est vrai, financé par des retenues substantielles sur les salaires des employés.

Lire aussi: Tout savoir sur le Tir à la Carabine

Les écoles Schneider délivraient une solide formation technique et professionnelle, ainsi que des règles morales, à la fois simples et rigides. Entre 1885 et 1900, les enseignants de Schneider contribuèrent à faire admettre 76 élèves à l’École des Arts et métiers d’Aix. En 1914, les écoles de l’entreprise instruisirent 1 250 élèves.

L’entreprise, dont le gérant était député à la Chambre et gouvernait l’ensemble de la vie locale, pouvait donner le sentiment de constituer une État dans l’État ou, pour reprendre le mot d’un militant socialiste, une sorte de « dictature féodale » moderne.

Il n’est pas surprenant que le maître de forges devînt rapidement, pour une partie de la Gauche et des milieux ouvriers français, le symbole du marchand de canons, le profiteur et fauteur de guerre, l’éminent représentant des « deux cents familles », l’équivalent d’un Armstrong ou d’un Vickers avec lequel le maître de forges français fut d’ailleurs en affaire, autant de clichés forcément « réducteurs et manichéens » remarque Agnès d’Angio.

Après l’Armistice de 1918, alors que les mouvements pacifistes attiraient de nombreux contemporains traumatisés par la guerre, ce type d’images frappait l’opinion et rencontrait un certain écho.

Grèves et Tensions Sociales

La Saône-et-Loire fut touchée par les grandes grèves de l’été 1936 comme le reste du pays. Plus de cent trente mouvements éclatèrent dans le département en juin et juillet. A Chalon-sur-Saône, le conflit de la métallurgie dura près de six semaines.

Pas plus de succès pour la grève du 30 novembre 1938 organisée par la Fédération des Métaux-CGT contre les décrets lois Reynaud. Le Progrès de la Côte d’Or titra avec satisfaction : « 10 grévistes sur 10 000 au Creusot ». Chez Schneider, « on a seulement enregistré dix absences anorm...

Schneider Pendant l'Occupation Allemande

Même s’il n’était pas un ancien combattant de la Grande Guerre, aucun officier supérieur allemand ne pouvait ignorer que l’entreprise avait conçu et livré l’un des premiers chars d’assaut en 1915-1916, à peu près au même moment que le Mark I britannique, et quelques mois avant le Renault FT-17 ; tous savaient qu’elle avait joué un rôle de premier plan dans l’équipement de la Marine et des chemins de fer français.

Tout contribuait donc à faire de Schneider l’une des cibles privilégiées du pouvoir nazi, dès l’invasion de la France et le début de l’occupation allemande. Dans l’exposé des motifs de son ordonnance de non-lieu du 16 juin 1949, le commissaire du gouvernement sut parfaitement résumer cette particularité : « En envahissant le pays, les Allemands devaient trouver divers établissements constitués par Schneider, un ensemble industriel de la plus haute importance dont l’activité, déjà orientée vers les fabrications de guerre, ne pouvait qu’attirer leur convoitise. Dans le but de faire passer les plus importantes des usines sous leur contrôle matériel, ils exigèrent que la ligne de démarcation des deux zones soit tracée de façon à englober Le Creusot dans celle de l’occupation. Ce fait indique déjà quelles allaient être les exigences de l’ennemi.

Quelles furent les modalités de la reprise de cet ensemble industriel, la pression exercée par les autorités d’occupation, les attentes précises de ces dernières, la nature des premières commandes passées par l’occupant, l’attitude des dirigeants de Schneider à cet égard, mais aussi celle du gouvernement français, replié à Bordeaux puis installé à Vichy ?

Sources et Documentation

Pour tenter de répondre à ces questions, nous disposons de sources abondantes contenues dans trois fonds principaux. Parmi les plus importants figurent ceux des Archives nationales, plus précisément les dossiers d’instruction de la cour de justice de l’ancien département de la Seine. En effet, les quatre sociétés étudiées dans cet article furent poursuivies à la Libération pour atteinte à la sûreté extérieure de l’État, comme la quasi-totalité des grandes entreprises métallurgiques françaises. Le chercheur dispose en outre du fonds imposant des archives de l’entreprise, dont la majeure partie a été réunie au Creusot par l’Académie François Bourdon.

La collection des plaques de verre de La contemporaine regroupe plus de 6000 plaques, supports photographiques constitués d'une plaque de verre de dimension variable et d'une couche d'émulsion au gélatinobromure d'argent. Ce dernier procédé adopté à partir de 1871 permit une fabrication industrielle et une utilisation plus simple et démocratique (avec la possibilité de surseoir au développement), d'où la variété des sujets représentés ici. La collection est composée de négatifs mais aussi de beaucoup de positifs stéréoscopiques (deux images identiques sur une même plaque qui, une fois mise dans un appareil stéréoscopique, donne une sensation de relief). Si ce procédé fut en usage surtout entre les années 1870 et 1940, la plus grande partie de ce fonds concerne les premières années du XXe siècle et en particulier la Première Guerre mondiale.

tags: #stand #de #tir #chancy #histoire

Post popolari: