Le calibre .44-40 Winchester est une munition emblématique, profondément liée à l’histoire du Far West et à l’essor des armes à levier de sous-garde. Introduit en 1873 par Winchester, ce calibre est rapidement devenu incontournable pour les tireurs et chasseurs de l’époque, et il continue aujourd’hui de séduire les passionnés de tir western, collection et armes historiques.
Doit-on présenter « the gun that won the West », » l’arme qui a conquis l’Ouest « , la Winchester 1873 ? Winchester, c’est surtout un nom, des images de fusils à levier sous garde tirant sur des indiens ou des bandits, des héros, des salauds, une invention continue, un mythe, un symbole… On ne sait d’ailleurs pas à quoi tout ça se rapporte sur le fond. Alors situons déjà l’homme et sa firme. Au départ, c’est un gamin qui nait en novembre 1810 du coté de Boston. Il commence garçon de ferme à 10 ans puis son nom, que rien ne prédisposait à sortir de l’ombre, brillera pour toujours et ne sera pas oublié de sitôt. Il est vrai qu’il était travailleur et surtout doué pour les affaires le petit Oliver Fisher Winchester. Il passa très vite de la ferme à charpentier puis à redoutable homme d’affaires. Il fera fortune dans les chemises et le textile entre autres.
Bien plus que dans les armes, c’est toujours et surtout dans le business qu’il excella. Un vrai self-made man à l’américaine, travailleur, intelligent, visionnaire, pratique mais aussi dur et sans scrupule. Et, surtout, qui sait s’entourer, ce qui, à mon sens, est la toute première qualité d’un manager. Dans le domaine des armes, il aura notamment le talent de reconnaitre et d’embaucher un des grands inventeurs de l’armement moderne: Ce sera Benjamin Tyler Henry vers 1860 à qui il devra sa première arme à levier sous garde puis son premier gros succès commercial, la Winchester 1866, la fameuse « yellow boy » à cause de son boitier en alliage de bronze, qui s’écoulera à 120.000 exemplaires pour les civils. La petite firme d’armes de New Haven Connecticut pouvait désormais prendre son essor. Oliver fit aussi de la politique sous étiquette républicaine. Il devint gouverneur du Connecticut puis Grand Électeur (ceux qui élisent le Président). En 1880, Oliver F. Winchester décède mais l’aventure n’est pas terminée.
La firme Winchester est encore bien solide sur ses bases et, avec le même flair que son fondateur, détecte et commence à acheter les brevets d’un encore plus génial mais pauvre concepteur (et Saint du Dernier Jour accessoirement): John Moses Browning. Le fils de Oliver mourra jeune, un an après son père, laissant une veuve, Sarah, richissime et « douce-foldingue » selon nos critères à nous. Constructrice d’un des manoirs les plus fous de l’Histoire (300 pièces à son apogée avec notamment un escalier qui ne mène nulle part (!)) et où on exerçait le spiritisme pour communiquer avec l’âme des victimes des armes maison. Car elle était totalement anti-armes la patronne de Winchester! Mais, femme d’affaires très avisée, elle fit encore prospérer la firme de New Haven et devint encore plus riche, une des plus riches américaines de son époque. La firme périclitera au long du XX° siècle (19.000 ouvriers quand même encore en 1945), sera rachetée par le belge Herstal en 1981 (qui, ironie du sort, avait ‘recueilli’ John Browning au sortir de chez Winchester vers 1900), et deviendra la « US Repeating Company ».
La dernière Winchester réellement « Made in the USA » est sortie de New Haven vers 2005. Il restait encore 200 gars employés pour nous faire les dernières commémoratives avec tout l’amour dont ils étaient encore capables. Winchester n’est désormais plus qu’une marque qui vend surtout du semi automatique de chasse fabriqué en Turquie. Alors, revenons à la période glorieuse de la 1873, mythe essentiel de chez Winchester. Car il faut bien comprendre que notre 1873 n’est pas juste la fille de la 1866. Elle est le fruit de 25 ans d’améliorations techniques continues du fusil Volcanic Rifle, produit vers 1852, par Horace Smith et Daniel B. Wesson et conçue essentiellement par un contremaitre-armurier de l’usine, Benjamin Tyler Henry, l’inventeur du levier sous garde.
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Cette toute première version fut pourtant moins que glorieuse commercialement: 2.000 exemplaires produits qui peinèrent à se vendre, conduisant à la faillite de la société et à son rachat par le redoutable associé minoritaire Oliver Winchester, toujours à l’affut d’une belle opportunité. Il avait d’ailleurs poussé discrètement à la faillite de ses associés. Il mit dehors Smith et Wesson mais, évidement, garda Henry qu’il promut immédiatement. Sous la houlette de Winchester, l’arme fut améliorée et utilisée pendant la guerre de sécession sous forme de la Volcanic 1860. Chère (52 dollars pièce), l’Union n’en commanda que 1.730 exemplaires (avec un rabais), chiffre à comparer aux 95.000 carabines Spencer en service dans les troupes de l’Union. Mais le levier sous garde fit forte impression par sa grande puissance de feu. Les soldats gris de la Confédération la résumèrent de façon imagée comme « une arme qu’on charge le dimanche et qui tire toute la semaine ».
C’est de cette arme que résulta le premier succès de la nouvelle firme Winchester, créée en 1864, et sans Henry, mis dehors par Winchester pour résistance intempestive, alors que Henry y avait apporté une contribution essentielle, la fameuse « Yellow Boy » 1866 avec son iconique boitier d’alliage bronze / laiton. Produite à 170.000 exemplaires en tout, c’est la première « vraie Winchester » qui incorpore déjà la fameuse portière d’introduction latérale des munitions, inventée par Nelson King, un autre bon recrutement de Winchester. Portière qui contribuera largement à la réputation de l’arme par sa simplicité. La 1866 fut exportée massivement en Amérique latine (Brésil, Haïti et Nicaragua - avec paiement en tonnes de café! - le Mexique aussi - 1.000 armes pour les révoltés de Juarez et le Chili), dans l’Empire chinois déjà en ébullition, et même au Maroc d’avant le Protectorat. Des versions militaires espagnoles seront produites par l’arsenal d’Oviedo à partir de 1879 et seront encore utilisées par la Garde civile durant la guerre civile d’Espagne de 1936.
Elle trouvera aussi son chemin jusqu’à la France à hauteur de 6.000 exemplaires lors de la période Défense nationale de la Guerre de 1870 et tuera du prussien. Et les améliorations continuèrent car le concept du levier sous-garde était décidément prometteur. Même l’Armée suisse y songea préférant finalement une solution nationale à culasse linéaire. Mais, en revanche, jamais l’armée américaine ne l’adoptera. Aucune des leviers sous garde de New Haven ! Coup de chance ultime, comme des fées se penchant sur le berceau de notre Winchester 1873, cette cartouche est si bonne que Remington et Colt sortent au même moment d’excellentes armes dans ce calibre révolutionnaire. Vous pouviez donc partir vers 1875 sur les chemins de la Conquête de l’Ouest avec fusil et revolvers contre ours, outlaws et indiens avec un seul et unique lot de munitions pour toutes vos armes.
La Winchester 1873 succéda au modèle 1866 en apportant, entre autres, l'utilisation principale de la cartouche à percussion centrale. C’est l’arme légendaire de la conquête de l‘Ouest que l’on retrouvera dans de nombreux Westerns aux mains des cowboys et des outlaws. La Winchester en calibre .44 WCF (dit 44-40) fut tellement plébiscitée qu’elle incita Colt à produire également ses revolvers dans une version Frontier du même calibre. Ce modèle connut un énorme succès et fut fabriqué dans une multitude de versions, de calibres et de finitions, avec plus de 700 000 exemplaires produits jusqu’en 1923.
Au combat (et ils furent nombreux), votre Winchester 1873 gérait vos petits soucis d’indiens et outlaws de 150 yards au bout portant et, là, vos revolvers prenaient le relai. Bien sûr, elle sera améliorée. Surtout par Saint Browning. Cela explique, qu’en dépit de l’apparition des excellentes et encore améliorées Winchester 1876, 1886, 1892, 1894, et 1895, elle sera produite de façon continue de 1873 à… 1923 (!) et à plus de 700.000 exemplaires. Elle est aujourd’hui copiée par divers fabricants italiens tant le mythe perdure. L’arme a été produite en de nombreux calibres mais pour l’essentiel en 44-40WCF, en 38-40 WCF et en 32-20 WCF.
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Au XIXième siècle et jusqu’au début du XXième, c’est bien le fusil de chasse ou « Rifle » en 61 cm /24 pouces qui était l’arme 1873 la plus demandée par les fermiers et les colons et le plus grand succès commercial de la marque. Celle des cowboys errant des mois sur les pistes et qui doivent repousser autant bêtes sauvages que voleurs de bétail ou indiens. Bref, la carabine de selle 1873, c’est l’arme d’une population certes moins nombreuse que les fermiers chasseurs et leurs fusils longs mais sensiblement plus « mobile » et surtout beaucoup plus « agitée » dans un pays sans autre loi que celle du plus fort et du plus rapide. Qu’on songe à John Wesley Hardin qui a tué officiellement 42 personnes ou à Wild Bill Hickok qui en a tué peut-être une centaine. Des types à vous faire passer Billy the Kid et ses 21 victimes pour un enfant de cœur… Tous ont manié la 1873.
Elle a aussi servi les shériffs les plus célèbres de l’Ouest sauvage, les briseurs de gréves de l’agence Pinkerton, ainsi que les fameux Texas Rangers, et, on le sait moins, les tribus peaux-rouges alimentées en armes par de nombreux trafiquants. Enfin unis, Sioux, Cheyennes et Arapahos l’utilisèrent pour coller une magistrale raclée au 7° de Cavalerie du Général Custer à Little Big Horn les 25 et 26 juin 1876.
Les munitions .44-40 Win sont généralement chargées avec des ogives de 200 à 225 grains, avec des vitesses initiales allant de 300 à 400 m/s. Elles offrent un recul doux, une bonne précision à courte distance et un excellent confort de tir, que ce soit dans une carabine à levier ou dans un revolver compatible. Ce calibre est particulièrement apprécié pour le tir récréatif, le cowboy action shooting et le respect des configurations historiques d’armes anciennes.
Le .44-40 Win séduit également par son esthétique rétro et sa compatibilité avec des armes de collection ou de reproduction fidèles aux modèles du XIXe siècle. Sa faible pression et son comportement souple en font une munition idéale pour les armes anciennes ou modernes chambrées dans ce calibre, tout en conservant un réel potentiel de performance à 50-100 mètres.
.44 Sp et 44-40 sont à peu près équivalent en performance si on s'en réfère aux données chiffrées. Les deux œuvrent dans les mêmes domaines de pression (1000-1100 bar) avec des projectiles de masses comparables.
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L'éthique de la chasse telle que nous la connaissons n'avait guère cours, et de près dans un une carabine, la 44-40 développe des performances intéressantes (200gr de plomb pur à +/- 370 m/s). Le 44-40 était utilisé contre tous les "gibiers à peau fine", ce qui inclut la défense personnelle.
Le 44/40 est toujours d'actualité, et peut servir à presque tout...Dans une 1892 "Tigre" avec de la PSF et une balle FMJ, ça traite à peu près tout type de cible non protégée à une distance raisonnable (-200m) et pour du solide (gros cochons) jusqu'à 50 m au moins.
Les pressions d'épreuve étaient autrefois testées au crusher (le piezzo donne des valeurs 10 à 20 % supérieures, pour la même cartouche). Le problème est que le système à crusher met en jeu des éléments mécaniques qui, quoique très légers, ont tout de même une certaine inertie, et des frottements. Ceci est à priori régulier sur le même appareil, mais ils n'étaient pas normalisés ! Les fabrications militaires se réfèrent au crusher réglementaire du pays considéré, mais pour les fabrications civiles ???
D'ailleurs, à propos du Lebel (vers 1900), la pression est donnée en bars, mais surtout en comparaison de la pression donnée par la munition réglementaire dans le même crusher ; pour une munition civile fabriquée par diverses entreprises, la référence de comparaison est moins fiable ! Les pressions sont souvent mentionnées sur des documents d'époque, tables de construction des munitions en particulier, mais l'information paraît éparse et fluctuante... Certaines valeurs annoncées par Malfatti peuvent aussi découler de mesures modernes SNPE ou St Etienne ; mais j'avoue que lorsque j'ai comparé les divers valeurs annoncées pour le 8x51R Lebel je me suis demandé d'où pouvaient provenir de tels écarts !
A noter, pour cette cartouche, que les chargements d'origine étaient très doux par rapport aux dernières fabrications de la fin des années 30, ce qui peut expliquer des différences de chiffres. On peut en déduire que les Lebel disposaient d'une marge de sécurité très large, voire disproportionnée, mais pour l'instant je n'ai pas l'assurance que ces cartouches 32N à 730 m/s (contre 700 m/s théoriques) n'étaient pas réservées aux mitrailleuses.
Par contre, les munitions manufacturées modernes doivent être testées dans les conditions décrites sur la fiche CIP (attention, les cotes du canon d'épreuve peuvent donc différer de l'arme de destination, et pas seulement sur des armes anciennes - non, je ne cafterai pas !). Le fabricant indique la pression sur l'étiquette des boîtes, ou pas, mais il doit la connaître ; peut-on obtenir une réponse par question directe à la cartoucherie ? Ce qui est certain c'est que la pression doit-être inférieure à la pression CIP maxi, mais rien n'interdit qu'elle soit très inférieure (les chargement chasse, par contre, semblent souvent très proches du maximum).
De plus, la pression d'épreuve n'est théoriquement pas la limite de résistance de l'arme, car une marge de sécurité est prévue (par contre, la valeur de cette marge est parfaitement inconnue). En fait, l'épreuve est surtout destinée à détecter une arme présentant des défauts structurels invisibles, dans l'épaisseur du métal ; du moins les défaut rongeant totalement la marge de sécurité...
Pour les armes militaires, il est (était ?) parfois pratiqué une "épreuve à outrance", en augmentant progressivement les charges jusqu'à destruction, pour analyser quand et comment ça lâchait. Ces résultats d'épreuve, pas ou mal classés, ne se retrouvent que par hasard. Les firmes privées faisaient-elles de même ? On peut de toutes façons craindre que les résultats n'aient été profondément enterrés (délibérément, cette fois)...
De toutes façons, il ne faut pas oublier que les aciers sont sujets au vieillissement, lequel entame progressivement cette marge de sécurité de valeur inconnue, à une vitesse inconnue... Et ça dépend beaucoup du traitement qu'a subi l'arme !
Quand on frappe répétitivement à coups de marteau sur un bout de ferraille, même avec une force modérée, on voit progressivement apparaître des altérations, puis des fissures. Lorsqu'on tire un coup de feu, on devine bien que certaines pièces de l'arme sont soumises à l'équivalent d'un coup de marteau ; et si ça cogne plus fort, le coup de marteau est plus fort, donc sur une pièce trop faible les fissures apparaîtront plus vite.
Ce genre de résistance n'est pas mis en évidence par l'épreuve initiale de l'arme, mais par l'usage.
Rien n'assure donc qu'un modèle d'arme ayant prouvé sa longévité avec tel chargement (PN) encaissera éternellement un autre chargement (PSF), même si celui-ci ne semble pas dépasser les limites de pression admises.
Bon, d'un autre côté le verrouillage d'une Colt Ligthning est un peu plus convaincant que celui d'une Winchester 73. En donnant donc à la Ligthning un peu plus de vitamines qu'à la Winchester 73 ; et encore, est-ce bien indispensable à l'utilisation qu'on en fait ?
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