Le silex, connu en anglais sous le nom de "flint", est une roche sédimentaire siliceuse dure, appréciée depuis la préhistoire pour ses propriétés uniques.
Les silex sont des accidents siliceux en milieu calcaire, en particulier dans la craie. On les trouve aussi dans les produits de décalcification de cette dernière, les « argiles à silex ». De forme irrégulière et de couleur brune ou noire, ils sont formés surtout de calcédoine.
Le silex est composé essentiellement de calcédoine et s’est formé par précipitation de la silice dans les fonds marins ou lacustres, par décomposition des exosquelettes siliceux de petits organismes marins. La silice s’est alors cristallisée dans des cavités existant dans la craie ou le calcaire, qui sont des roches également issues de l’accumulation d’organismes marins sur le lit des mers et des lacs.
Les observations de L. Cayeux ont prouvé que les silex étaient contemporains du dépôt de la vase crayeuse, et non postérieurs, comme on le pensait autrefois, car ils sont parfois remaniés dans le sédiment avant que ce dernier n'ait été consolidé, et ils ont « momifié » des flagellés dont on retrouve encore le protoplasme à l'examen microscopique (G. Deflandre). Certains silex renferment de gros organismes silicifiés (oursins, inocérames). D'autres sont creux (silicification incomplète) et emprisonnent parfois des minéralisations de quartz, de phosphate ou même de gypse.
Il présente fréquemment une patine blanche de calcédoine microporeuse (et non d'opale comme on l'affirme si souvent). La couleur blanche est due à la dispersion de la lumière. En effet, elle disparaît si l'on obstrue les microcanalicules avec un liquide injecté sous pression.
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Le silex est une roche imperméable, non poreuse, cohérente, dure au point que le métal ne le raye pas. Seuls des minéraux comme le diamant ou la topaze peuvent l’entamer. C’est aussi une roche à grain très fin, qui présente une cassure nette, conchoÏdale, lorsqu’on le casse, tout comme le verre. Cette propriété l’a rendue précieuse aux hommes préhistoriques avant l’invention du métal, pour l’obtention d’outils tranchants.
Contrairement à la craie et au calcaire, le silex est une roche peu gélive. Le silex était autrefois appelé pierre à feu (flintstone en anglais) à cause de son aptitude à produire des étincelles lorsqu’on le frappe. Frappés contre une roche riche en fer ou contre un morceau d’acier, les silex produisent des étincelles.
Le silex, dès lors que la maîtrise de sa taille progressa, fut une avancée importante pour l'évolution des hommes de la préhistoire.
Grâce à ces propriétés, le silex a été utilisé pour la construction de bâtiments, dans une zone qui englobe la Côte d’Opale, la Somme, le Pays de Caux, le sud de l’Angleterre. Toutes ces régions possèdent un sous-sol géologique comparable, constitué de craie à silex d’âge crétacé, et une façade littorale où le silex est accessible dans les falaises et sur les plages, dans les éboulis et les cordons littoraux. La limite d’utilisation de ce matériau n’est pas précisément tracée mais elle pénètre assez profondément à l’intérieur des terres, avec une proportion décroissante.
A partir du 17ème siècle le silex, fixé sur une platine à silex, a ainsi été utilisé en tant que percuteur pour les fusils. Dès l'avènement de la platine à silex on chercha à produire les meilleures pierres possibles, calibrées et normalisées de façon à fournir aux armées un produit fiable et standard. Pour les pierres à fusil l’on recherchait les silex blonds et translucides, à cassure lisse assez dure pour produire de bonnes étincelles mais pas trop dure pour ne pas endommager les platines de mousquets et autres armes à feu. Il fut trouvé le site idéal en Berry.
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Encore plus près de nous le silex était utilisé comme pierre à fusil dans les premières armes à feu.
Comme dans les autres villages côtiers du Pays de Caux, le silex a été abondamment utilisé à Étretat. Comme tout mur de pierre, le « mur en silex » est constitué d’un parement extérieur, en silex, et d’un remplissage interne ou blocage, constitué de blocs hétérométriques qui ne sont pas toujours en silex : la craie, par exemple, a parfois été utilisée. Pour le promeneur, seul le parement extérieur est visible et peut être décrit.
Dans les murs gouttereaux, le silex a été utilisé en association avec d’autres matériaux, principalement la brique. Les encadrements des ouvertures (portes, fenêtres), les supports de charpente, les cheminées et les chaînages d’angle sont essentiellement en brique. Très souvent, des lits de briques horizontaux posés à intervalles réguliers assurent le chaînage du mur, lui donnant un aspect semblable à celui des « rouges-barres » des fermes du Nord de la France. Les chaînages de brique n’ont pas qu’un but décoratif, ils contribuent à la solidité des constructions, menacée par la nature instable du sous-sol étretatais (Lindon 1963, p. 55).
Les murs de clôture en silex peuvent faire l’objet de soin particulier. Ils sont souvent couronnés d’un chapeau de briques mais on voit aussi des faîtages en silex. Parfois, les piliers du portail sont également en silex.
Les galets ont été recueillis sur les plages. Les galets de la plage d’Étretat sont majoritairement trop petits pour être utilisés dans la construction, alors que les plages voisines présentent des calibres plus importants. La collecte des galets se pratiquait jusqu’à une époque récente sur les plages du Tilleul et d’Antifer en particulier, pour différents usages.
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Employés aujourd'hui à l'empierrement et au bétonnage, les silex ont servi d'outils aux civilisations préhistoriques et de pierre de feu (silex pyromaques) jusqu'au milieu du xixe siècle (pierre à fusil).
Pour les pierres à fusil l’on recherchait les silex blonds et translucides, à cassure lisse assez dure pour produire de bonnes étincelles mais pas trop dure pour ne pas endommager les platines de mousquets et autres armes à feu. Il fut trouvé le site idéal en Berry. Ces silex particuliers se trouvent dans une veine datant du Crétacé et s'étirant de la pointe du Danemark jusqu'au-delà du Poitou. Cette veine gît plus ou moins profondément, mais dans les environs de Meusnes et Couffy elle se trouve à portée de pioche, à seulement 10 à 20 mètres de profondeur.
Dans la vallée du Cher ; quatre villages se spécialisèrent dans la taille des pierres à fusil : Couffi, Lye, Meusnes et Châtillon-sur-Cher. Les caillouteurs (ou caillouteux) s'en allaient creuser des trous, jusqu'aux couches de silex, à environ 15 mètres de profondeur. Le lundi, ils remontaient les pierres pour la semaine. De retour chez eux, ils fendaient les blocs, les débitaient en lames puis ils taillaient ces lames en petits rectangles. La taille des pierres à fusil concernait souvent la maisonnée entière, femme comme enfants. Une personne pouvait débiter près de deux mille pierres dans sa journée, à raison d'une cinquantaine par silex.
Dans son Encyclopédie, Diderot cite Meusnes et Couffy comme étant « les endroits de France qui produisent les meilleures pierres à fusil et presque les seules bonnes ». A la pureté de la pierre s'ajoutait le tour de main des gens du pays et personne, ni en France, ni ailleurs, ne parvint à égaler la qualité des pierres du Berry.
La production devint telle que les voyageurs de passage dans la région étaient stupéfaits devant les tas de débris qui dominaient les maisons. Ces monticules s'élevaient parfois à trois hauteurs d'homme sur une longueur de soixante-dix mètres. Cette profession de caillouteur et la production des pierres à fusil s'arrêtèrent finalement peu après la première guerre mondiale mais ces débris de la taille du silex peuvent encore être observés par endroit, souvent étalés dans des vignes ou vergers comme c’est notamment le cas aux coordonnées de cette cache.
La région de Meusnes est ainsi également connue pour un vin dit de pierre à fusil. Les vignes sont remblayées avec ces déchets de taille de pierres à fusil, ce qui donnerait au vin un goût inimitable rappelant l’odeur du silex cassé. Au centre du village de Meusnes se trouve un petit musée dédié à cette industrie de la pierre à fusil.
Les procédés de façonnage font appel à une technologie très ancienne puisqu’elle remonte aux origines de l’humanité et à la fabrication des premiers outils. Elle s’appuie sur les propriétés pétrophysiques du silex et sur le mode de diffusion des ondes de choc dans le matériau : en frappant sur le bord dièdre ou arrondi d’un bloc de silex, on obtient le détachement d’éclats subparallèles à la surface du bloc, pourvu que la surface sur le bord de laquelle on a frappé forme un angle proche de 90° avec la surface sécante. En choisissant soigneusement l’emplacement des coups successifs par rapport à la morphologie du bloc, on peut obtenir des éclats de forme et de dimensions désirées (c’est le débitage) ou bien donner au bloc lui-même la morphologie voulue (ce qu’on appelle le façonnage).
Le grand érudit havrais Georges Priem (1896-1980), qui a effectué un travail remarquable sur le patrimoine architectural normand, s’est penché sur la question de la taille du silex à des fins architecturales. Il fait remonter à la fin du Moyen-Âge, au XVIe et au XVIIe s., l’habitude de tailler le silex pour en faire un parement visible, pratique dont la perfection décline rapidement à partir du XVIIIe s.
La technique consistait à briser le caillou selon son plan de clivage, ce qui donnait deux rognons dont la base, parfaitement plate, était présentée en parement, tandis que la masse elle-même était taillée en pyramide. Un patron en bois servait à vérifier les dimensions le plus souvent de trois pouces.
L’ouvrier assis posait le caillou sur sa jambe gauche, au-dessus du genou en présentant au-dessus le lit de stratification, « la veine du silex », c’est-à-dire obligatoirement le plan de clivage. Il le frappait alors d’un coup sec d’une masse de maçon dite « casse-caillou » ce qui éclatait le rognon en deux parties possédant chacune une surface plane. Il le rognait ensuite autour de cette surface plane pour en faire la base carrée d’une pyramide dont le sommet serait maçonné plus tard dans le mur, cependant que ladite base formerait le parement.
Les carreaux que l’on rencontre le plus communément mesurent 2 1/2 pouces, 3 pouces ou 3 1/2 pouces de côté soit respectivement 0 m 065, 0 m 08 ou 0 m 095 environ avec prédominance assez marquée dans l’emploi de celui de 3 pouces.
Des boutisses étaient également mises à la disposition des chantiers. Afin de pouvoir vérifier la régularité de son travail, l’artisan de la taille se servait d’un patron, cadre de bois, auquel il présentait chaque pièce en voie d’achèvement.
Sur les moellons de silex visibles dans les murs étretatais, on observe les négatifs des éclats détachés du bloc d’origine ; leur succession et leur direction renseignent sur les techniques de taille mises en œuvre, exactement comme pour les productions préhistoriques.
On constate, conformément aux observations de Georges Priem, que les tailleurs contemporains ont surtout cherché à mettre en forme une des surfaces des blocs, celle qui est visible dans le parement extérieur ; les faces qui sont englobées dans la maçonnerie sont plus sommairement aménagées. Le résultat final prend la forme d’un coin pyramidal, d’un cube ou d’un parallélépipède rectangle.
L’opus incertum est un appareil architectural dans lequel les pierres sont de dimensions irrégulières et sont empilées sans former d’alignement régulier. Ce procédé est rarement utilisé à Étretat et plutôt réservé à des murets ou à des soubassements. Il permet d’utiliser des galets ou des rognons bruts sans qu’il soit nécessaire de les calibrer ou de les façonner.
Le plus souvent, les silex constituant le parement, mis en forme comme on l’a vu précédemment, sont disposés en lits horizontaux réguliers. Plus sophistiqué, l’opus reticulatum, appareil dans lequel les silex sont disposés en losanges, nécessite des pierres soigneusement taillées et de forme très régulière.
Les décors jouent sur les différences de teinte entre les variétés de silex, principalement entre le silex gris clair ou beige, d’origine locale, et le silex noir foncé. Un des décors les plus fréquents consiste à utiliser le silex noir pour la réalisation d’encadrements sur les façades côté rue, en combinaison avec les encadrements de brique, ce qui permet de jouer sur trois couleurs.
L’utilisation du mortier est inversement proportionnelle à la qualité de la taille des moellons : lorsque ceux-ci sont parfaitement équarris et calibrés (ce qui est difficile avec le silex), ils peuvent être posés « à joints vifs » (sans mortier).
L’utilisation du silex dans l’architecture remonte au moins au XIIe s., comme le montrent certains édifices religieux (Priem, 1962), mais son usage, sous forme de moellons taillés, se généralise au XVIe-XVIIe s. On dot toutefois noter que si l’architecture religieuse et militaire sont bien documentées, de même que l’habitat aristocratique, il en va bien différemment pour l’habitat rural populaire, dont la connaissance provient essentiellement des fouilles archéologiques récentes .
A Étretat, on manque de données historiques et archéologiques sur les constructions anciennes autres que l’église Notre-Dame et le château de Grand-Val. L’église est en craie (hormis l’extension de la sacristie, bâtie en 1838, et les réfections, partiellement en silex). Le paysage immobilier actuel d’Étretat est pour l’essentiel hérité du XIXe s., il est vraisemblable que les constructions antérieures aient été bâties différemment.
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