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Parmi les différents usages du silex dans l’histoire de l’humanité, l’industrie des pierres à fusil constitue l’un des témoignages les plus récents du travail de ce matériau. Dès le début du xxe siècle, ce pan documentaire a éveillé la curiosité des archéologues parce qu’il ressuscitait du fond des âges la taille du silex et parce qu’il constituait aux yeux des premiers spécialistes un risque de confusion permanent entre pièces archéologiques et déchets industriels.

La technologie des pierres à fusil est apparue dès le xvie siècle en Europe occidentale à la faveur du développement des armes à feu. Elle fait appel aux propriétés pyromaques du silex pour l’allumage de la poudre et le fonctionnement d’un fusil. L’emploi généralisé de la « platine à silex » à partir du xviie siècle et les bénéfices militaires que celle-ci produit, déterminent le développement industriel des productions sous contrôle étatique en Europe occidentale, dont l’Angleterre et la France sont les exemples les plus frappants.

Nous présentons ici les résultats d’une étude menée sur des fabriques de pierres à fusil du début du xixe siècle au Ouadi Sannour (Galâlâ Nord). In this article, we present the results of a study carried out on gunflint factories from the beginning of the 19th century at Wadi Sannur (Northern Galâlâ). نعرض هنا نتائج دراسة أجريت على مصانع صوان البنادق في مطلع القرن التاسع عشر بوادي سنّور (الجلالة الشمالية).L’exploration de ces sites a été effectuée ces dix dernières années dans le cadre d’une mission Ifao menée sur les complexes miniers d’époque pharaonique, situés à proximité. The exploration of these sites was carried out over the last ten years in the framework of an IFAO mission on the mining complexes of the pharaonic period located nearby. ويأتي اكتشاف هذه المواقع في إطار مهمة للمعهد الفرنسي للآثار الشرقية أجريت خلال العشر سنوات الأخيرة على مجمعات التعدين في العصر الفرعوني، والتي تقع في مكان قريب من وادي سنّور.La description générale de ces ateliers attribués aux armées de Méhémet Ali met l’accent sur ce phénomène technique jusqu’à présent inédit en Égypte. The general description of these workshops, attributed to the armies of Mehemet Ali, emphasizes this technical phenomenon hitherto undocumented in Egypt. ويُرَكِّز التوصيف العام لهذه الورش المنسوبة إلى جيوش محمد علي على هذه الظاهرة التقنية التي لم يسبق لها مثيل في مصر.

C’est donc par cette mention et, indirectement, par les ateliers de pierre à fusil, que les sites miniers d’époque pharaonique ont pu être étudiés durant ces dix dernières années. Les travaux conduits dans le cadre de la mission Ifao du Ouadi Sannour, ont permis de démontrer par l’évidence archéologique la proximité des deux contextes, faisant état d’une production industrielle dans la zone des déserts à deux époques différentes. Alors que l’essentiel des recherches conduites depuis 2014 se concentrent sur les sites pharaoniques, il a semblé essentiel de revenir sur les contextes miniers les plus récents, afin de documenter l’ampleur des ateliers qui leur sont liés et de donner plus de visibilité à ce pan industriel jusqu’à présent méconnu en Égypte.

Les sites de production

Les campagnes de prospection effectuées entre 2014 et 2015 et l’étude archéologique des vestiges, menée principalement entre 2019 et 2020, ont permis de reconnaitre deux sites, localisés aux abords du Ouadi Sannour. Ces sites se présentent comme deux ensembles distincts d’environ 2 km, d’une surface d’environ 100 à 300 m², identifiés à partir des produits finis en silex, appelés pierres à fusil, et des nombreux déchets de taille associés. Deux secteurs se distinguent d’emblée sur chacun des sites, et révèlent deux types d’activités, entre zone d’extraction et atelier.

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Le premier site est un ensemble d’environ 200 m² localisé sur le bord du plateau calcaire au-dessus du Ouadi Umm Nikhaybar, mentionné par G.A. Schweinfurth. Il est situé à quelques centaines de mètres en surplomb du site WS 13, qui est un camp de mineurs spécialisé dans la production lithique et daté de l’Ancien Empire. La zone d’extraction de silex pour la fabrication des pierres à fusil est à flanc de ouadi. On peut y apercevoir les affleurements naturels de silex éocènes qui ont été aussi exploités par les artisans d’époque pharaonique. L’exploitation du front de taille s’est effectuée depuis le fond du ouadi ou sur des plateformes formées par les bancs calcaires mis à nu par l’exploitation.

L’aire de production se manifeste par une étendue de déchets de taille située sur le plateau, à une dizaine de mètres au-dessus du fond du ouadi où ont été exploités les blocs de silex. Cet atelier d’envergure se situe à proximité d’une construction ruinée, de plan carré, datée du Nouvel Empire, de la xixe ou de la xxe dynastie, d’après les fragments de céramiques diagnostiques qui sont visibles en surface. La zone d’atelier se divise en deux locus : entre le bâtiment et le bord du ouadi, on observe une accumulation dense de déchets de taille où aucune organisation spatiale ne peut être observée.

On constate néanmoins qu’elle résulte d’une superposition de nombreux amas de taille de morphologie circulaire, mais aussi sans doute d’un cumul de rejets secondaires qui forment cette accumulation de déchets du fait de l’intensité des activités. Plus à l’ouest, dans le prolongement du ouadi, celle-ci recoupe en partie une zone moins riche dans laquelle il est aisé de distinguer de multiples amas de débitage bien circonscrits, regroupés ou isolés.

La zone de concentration majeure a fortement été perturbée par l’action moderne d’engins mécaniques, tout comme le bâtiment supposé d’époque ramesside qui a subi un démantèlement partiel. La partie la mieux préservée a fait l’objet d’une étude ciblée à partir de 32 concentrations relevées dans cette zone. Les amas de taille de la zone d’atelier sont constitués de déchets de taille provenant des diverses étapes de la chaîne opératoire : préparation des nucléus, débitage de lames, segmentation des lames et fabrication des pierres à fusil. On trouve dans le même environnement de nombreuses pierres à fusil manufacturées perdues ou abandonnées en cours de fabrication.

L’ensemble des secteurs du site fait état d’une segmentation de l’espace entre zone d’extraction et zone d’atelier.

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Le second site identifié correspond à une carrière située au cœur du plateau, à moins de deux kilomètres au nord du premier atelier. Ce site, qui s’étend sur une surface d’environ 300 m², est composé d’une aire principale d’extraction dont le front de taille est encore visible dans sa partie est tandis que toute la partie occidentale est comblée par une importante halde qui forme des monticules visibles de loin. La zone d’atelier est marquée par de fortes accumulations de déchets de taille concentrés au sein de multiples amas qui se répartissent sur une vaste étendue traversée par un petit ouadi.

La carrière du site WS04 diffère du premier site par l’étendue des déchets et par la topographie. Contrairement au WS 03 où le front de taille est pratiqué à même le ouadi, la tranchée de carrière du site WS 04 laisse apparaître sur 2 à 2,5 m de profondeur au moins trois niveaux de nodules de silex. Elle s’étend du nord-est au sud-est sur environ 100 m de long, à même le front de taille. Les déblais issus de l’extraction des nodules de silex ont été rejetés en arrière, formant des accumulations en surplomb, sur lesquelles des espaces de cheminement liés à l’évacuation des déblais ont été vraisemblablement aménagés.

La zone atelier s’étend en périphérie du front de taille principal. Il s’agit de grandes aires d’accumulation de déchets de taille indifférenciés. La densité en déchets de taille décroît à mesure que l’on s’éloigne de la carrière : des zones de concentrations apparaissent sous forme d’amas individuels regroupés en disposition concentrique et sont séparées de la grande zone d’accumulation par un petit ouadi. Cette disposition circulaire des amas suggère la présence d’aménagements potentiels liés à l’activité de taille, ou d’ordre logistique.

Á l’ouest, derrière la carrière et la zone des déblais, plusieurs espaces quadrangulaires se distinguent par l’absence de déchets de taille, qui permettent d’envisager d’autres types d’aménagements temporaires dont il ne subsiste que l’empreinte. À proximité, on observe des zones foyères marquées par les calcaires rubéfiés.

Ces deux sites soulignent la même séparation entre zone d’extraction et zone d’atelier. Si au WS 03, l’extraction des blocs à débiter s’effectue depuis le ouadi, le front de carrière mis en place est similaire : il s’agit ici d’une exploitation frontale à partir d’une tranchée principale, de laquelle les blocs de silex sont extraits des strates calcaires. Sur le site WS 04, les éléments diagnostics associés à l’activité de fabrication des pierres à fusil sont uniquement documentés par les déchets de taille (blocs testés, nucléus, éclats et lames indifférenciés) liés au débitage de supports. Les pierres à fusil et les rebuts de fabrication qui documentent la dernière phase de production sont absents.

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La chaîne opératoire

La chaîne opératoire de fabrication des pierres à fusil est généralement segmentée en trois phases d’activité : extraction, débitage et fabrication des pierres à fusil.

Comme il a été déjà indiqué, l’extraction des blocs s’effectue frontalement en bord de ouadi pour le site WS03 ou à partir d’une tranchée de carrière sur le site WS04. Sur ce deuxième site, on observe dans plusieurs zones de l’atelier des amas de nodules bruts et de fragments de blocs débités à partir de volumes de grande dimension. Ce type d’opération est documenté dans les contextes miniers associés aux pierres à fusil. Réunir les blocs en amas répond à des impératifs logistiques de stockage avant la mise en forme et le débitage : ce procédé est justifié par la nécessité de laisser reposer et sécher les blocs, imprégnés d’humidité par leur « eau de carrière », pour optimiser les propriétés mécaniques lors de la taille du silex. Parallèlement, l’opération qui consiste à fendre les blocs avec un lourd marteau en fer livre des volumes aux dimensions adéquates pour le débitage de lames. Sur le site WS 04, ces amas de blocs fendus, testés, ou parfois en cours de débitage, dépendent potentiellement du stockage après extraction, des exigences de séchage, et peuvent aussi constituer des réserves de blocs ou des rejets de matériaux impropres.

Le débitage de lames qui fournit des supports pour la fabrication des pierres à fusil est documenté à partir des nombreux fragments de lames et des nucléus. Cette opération, qui constitue le cœur de la production, s’effectue à partir des « quartiers », suivant un plan de frappe orthogonal marqué par le négatif du détachement formé par la préparation du bloc, fendu au préalable. La mise en forme est expédiente et produit des éclats et des lames d’entame, à surface corticale ou semi-corticale, qu’on retrouve en quantité dans les amas.

Les nucléus, qui correspondent aux matrices de débitages des lames, sont à morphologies plate, prismatique ou quadrangulaire. Le détachement des lames à partir d’un plan de frappe principal laisse des négatifs profonds qui donnent une morphologie anguleuse à la corniche.

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