Sorti en salle le 28 septembre 2005, Revolver est un film d'action interdit aux moins de 12 ans, réalisé par Guy Ritchie, avec Jason Statham, Ray Liotta, Vincent Pastore, Andre Benjamin, Winnie Pastore, Andrew Howard et Mark Strong.
A force de traîner avec des voyous, Jake Green, joueur invétéré et arnaqueur professionnel, finit par écoper de sept ans de prison à la place du dangereux caïd Dorothy Macha. À sa sortie, Jake devient imbattable au jeu, grâce à une formule apprise auprès de deux mystérieux codétenus. Il est prêt à prendre sa revanche. Empêtré dans une guerre des gangs avec son impitoyable rival, Lord John, Macha mise toute sa crédibilité sur un trafic de drogue avec le tout-puissant Sam Gold. Quand Jake rend visite à Macha dans son casino, il l’humilie en public lors d’un jeu de hasard. Ce dernier envoie ses hommes aux trousses de Jake, mais celui-ci est sauvé par les énigmatiques Avi et Zach qui proposent de le protéger. Sceptique, Jake refuse leur aide, mais lorsqu’il découvre qu’il n’a plus que trois jours à vivre, il n’a plus le choix.
Lorsqu’on demande à Guy Ritchie de résumer Revolver, il y a de quoi être surpris : c’est tout simplement l’histoire d’un jeu et comment on gagne à ce jeu. Il n’y a ni vrai, ni faux, ni morale, ni éthique.
Juger « incompréhensible » ce quatrième long-métrage du cinéaste de Snatch s’était en tout cas imposé comme une étape obligée lors de son visionnage en salles. Et si l’on devait justifier son terrible échec au box-office et l’incroyable lynchage critique dont il fut l’objet, il serait sans doute inutile de chercher plus loin. Cela étant dit, les amateurs de la filmo de Guy Ritchie n’ont pas été épargnés non plus. En effet, celui qui s’était distingué jusque-là avec des puzzles narratifs - inutilement tarabiscotés mais dialogués aux petits oignons - centrés sur de petits combinards londoniens (à l’image de Snatch et d’Arnaques, crimes et botanique) semblait tout à coup s’être chopé le melon, et ce avant même d’avoir revisité n’importe comment le mythe de Sherlock Holmes.
Du coup, après un bide pareil, le projet Revolver semblait signifier chez Ritchie un retour aux fondamentaux : son acteur fétiche (Jason Statham… avec des cheveux), une intrigue centrée sur le thème de l’arnaque, une ambiance propice à la coolitude déresponsabilisée, sans parler d’un Luc Besson catapulté comme producteur et coscénariste de la chose. Cela semblait trop facile.
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Il ne faut en réalité pas aller bien loin pour dénicher l’origine de Revolver, Guy Ritchie ayant toujours eu pour habitude de rédiger ses scénarios en se basant sur des éléments bien réels, pour la plupart issus de sa propre connaissance du milieu londonien - voir son tableau de la corruption immobilière à Londres dans le futur RockNRolla. Pour autant, il s’agit pour lui de la première fois où tout part d’un concept abstrait. C’est au terme d’un long processus de recherche sur les concepts d’arnaques, de ruses et d’escroqueries que Ritchie s’est intéressé à cette idée d’une « arnaque suprême ».
En soi, le concept d’arnaque se limite certes à piéger son semblable en s’appuyant sur sa cupidité. Mais la première réplique du film encourage tout de suite à une autre approche du concept en lui superposant une autre couche : on peut tous se faire piéger ou arnaquer, mais quand est-ce que l’on s’en rend compte et jusqu’à quel point se laisse-t-on faire avant de reprendre le dessus ? Un concept intellectuel n’étant pas toujours propice à une transcription visuelle, on imagine aisément la difficulté de Ritchie à l’enrober au sein d’une intrigue de thriller - l’écriture du film lui aura pris trois ans là où celle de Snatch n’avait nécessité que trois mois !
Tentons un petit résumé. Jake Green (Jason Statham), arnaqueur de génie et expert au jeu d’échecs, se retrouve expédié en prison pendant sept ans pour avoir dissimulé les jeux d’argent illégaux organisés par le dangereux chef de gang Dorothy Macha (Ray Liotta). C’est au cours de ses sept années dans une cellule d’isolement que Jake intercepte et assimile diverses théories sur des formules d’arnaque et des stratégies d’échecs, via des messages cachés dans des livres sur les mathématiques ou la mécanique quantique. Ces messages ont été rédigés par les deux mystérieux prisonniers qui occupent les deux cellules adjacentes à la sienne : ces deux-là souhaitaient mettre en commun leurs talents respectifs (le jeu d’échecs pour l’un, l’escroquerie pour l’autre) pour bâtir une formule d’arnaque soi-disant infaillible, censée permettre à son utilisateur de gagner n’importe quel jeu.
A sa sortie de prison, Jake se retrouve dépouillé de tous ses biens, mais sa maîtrise de la fameuse « formule » lui permet durant deux ans de gagner beaucoup d’argent, d’acquérir une réputation de vainqueur dans tous les casinos, et d’organiser sereinement sa vengeance contre Macha. Mais alors qu’il venait tout juste d’humilier ce dernier à un simple duel à pile ou face, Jake s’évanouit dans un escalier. Il apprend qu’il est atteint d’une maladie du sang incurable, qu’il ne lui reste plus que trois jours à vivre, et que Macha, très inquiet de le voir revenir avec autant d’assurance, a lancé un contrat sur sa tête.
Jake tombe alors sur deux usuriers, Avi (André Benjamin) et Zach (Vincent Pastore), qui lui proposent leur protection contre les sbires de Macha, et ce en échange de tout l’argent qu’il a pu gagner et de sa participation aveugle à tout ce qu’ils lui demanderont de faire. Conscient du fait que la réussite est toujours suivie tôt ou tard par l’échec, Jake accepte, et se retrouve embarqué dans un jeu risqué dont il ne saisit ni les règles ni la logique. Malgré tout, ses deux nouveaux « employeurs » vont l’aider à faire chuter Macha, notamment en contrecarrant à deux reprises un trafic de drogue organisé par Macha avec le tout-puissant Sam Gold.
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Un duel, donc. Deux hommes, Jake et Macha, face-à-face, avec un enjeu reflété par une simple question : « Qu’y a-t-il à gagner pour moi ? ». Deux rois qui s’affrontent en disposant chacun leurs pions afin de gagner au final par échec et mat. Mais le jeu n’est pas aussi simple : tout comme il est indiqué à plusieurs reprises dans le film que toute arnaque implique un adversaire et une victime (avec l’un qui peut devenir l’autre, ou faire croire qu’il est l’autre pour redevenir l’un), les rôles du roi et du pion vont eux aussi s’inverser et se redéfinir au gré de l’intrigue.
C’est de ce constat que découle le sens caché du titre, en réalité plus subtil que prévu : il faut y voir en effet un lien avec le verbe « to revolve » (traduction de « tourner »), qui assimile ainsi le héros - et le spectateur - à une balle placée dans le barillet d’un revolver, c’est-à-dire dans un jeu qui n’arrête pas de tourner, qui évolue petit à petit, et qui ne s’arrête qu’au moment où la balle se retrouve éjectée du mécanisme.
En cela, le cinéaste ne se contente pas d’un simple duel d’arnaqueurs où les rôles de l’adversaire et de la victime seraient interchangeables au fil de la partie, mais va infiniment plus loin en exploitant le concept d’arnaque à des fins spirituelles. Ni film de gangsters stricto-sensu ni gloubi-boulga théorique sur l’art de la manipulation, Revolver se sert au contraire d’une intrigue de thriller gigogne pour forger une véritable quête initiatique.
A vrai dire, pour bien appréhender le concept dissimulé derrière le film, il faudra prêter une attention extrême aux divers éléments que Ritchie prend soin de lâcher dès les premières séquences. Avant même que le titre du film n’apparaisse et que la moindre parole soit entendue, quatre citations - qui vont correspondre aux quatre chapitres du récit - sont ici affichées sous forme de cartons, mettant ainsi côte-à-côte une réflexion de Jules César (« Le pire ennemi se cache là où on l’attend le moins »), l’un des principes de base du jeu d’échecs (« Deviens plus fort en affrontant plus fort que toi »), le code éthique du banquier (« Règle d’or : protéger son investissement ») et même les théories de ce cher Machiavel (« On n’évite pas la guerre et la reporter profite à l’ennemi »).
Par la suite, le premier indice capital pour aborder le contexte de l’intrigue sera de type géographique : ici, le lieu de l’action et l’époque dans laquelle elle se déroule ne sont jamais indiqués. Pour tout dire, entre des extérieurs de casinos évoquant les rues les plus lumineuses de Las Vegas et des décors délabrés plus ou moins rapprochés des faubourgs londoniens, l’univers de Revolver a vite fait de se détacher des diktats du réel, et, de par son aspect intercontinental, semble appeler à une lecture plus symbolique que réaliste. Serait-on donc à l’intérieur d’un jeu purement abstrait, régi par des codes qui ne sont pas ceux du thriller lambda et riche de personnages incarnant des symboles plus que des archétypes ? Bonne pioche.
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Si l’on s’en tient à cette idée d’un film mental, l’échiquier peut se prévaloir d’être le terrain parfait pour explorer le psychisme humain. Aux échecs, chaque coup effectué par le joueur est toujours un acte plus ou moins anticipé par souci de déchiffrer la psychologie de l’adversaire. Mais à partir du moment où l’adversaire n’est pas clairement identifié, à partir du moment où l’on ne sait pas où il réside, comment le joueur peut-il organiser sa stratégie ? Et même, plus vicieux encore, l’adversaire existe-t-il réellement ?
De ce fait, l’échiquier devient alors un symbole de la vie intérieure de l’individu, reflétant ses rapports de force et les différents aspects de sa personnalité (le fou, le roi, le pion, etc…), et n’imposant la « libération » de celui-ci qu’à partir du moment où l’un des pions - donc l’une de ses facettes - s’impose en maître pour inciter son adversaire à se piéger lui-même dans une zone qu’il ne peut pas maîtriser. Cette théorie traduit donc l’idée suivante : deux camps s’opposent sur l’échiquier pour le contrôle et le maintien de l’ordre psychique. Et ainsi, gagner la partie assure à l’individu l’abolition de ses conflits intérieurs et la maîtrise de toutes ses émotions.
Tel est le parcours qu’effectue ici Jake Green sous couvert d’une banale vengeance à exécuter : le personnage accède à une sorte d’épiphanie personnelle en engageant un combat contre son seul et unique adversaire, celui qui se cache là où il s’y attend le moins.
Par le terme « ego » est souvent désignée la représentation et la conscience que l’individu a de lui-même. Pourtant, le terme est à double sens en fonction du schéma analytique choisi. Sur le plan psychologique, l’ego peut être vu comme le fondement de la personnalité humaine. Mais pour un certain nombre de courants spirituels, il peut au contraire être vu comme une illusion, comme une fausse personnalité formée de souvenirs et d’expériences diverses qui oriente l’individu vers une idée faussée de lui-même. C’est cette seconde interprétation que Guy Ritchie prend ici comme acquis. Dans Revolver, la confusion entre la vraie nature de Jake et son propre ego (une sorte de « moi supérieur ») crée une illusion qui le prive de sa liberté et l’enchaîne à un processus de souffrance. Ce n’est donc qu’en se débarrassant de son ego que Jake peut enfin atteindre l’éveil spirituel.
Vu sous cet angle, l’ego reste de l’ordre d’un concept métaphysique, ou peut-être d’un complexe avant tout généré par un dysfonctionnement psychique. Cet ego, cette force invisible, porte ici un nom : Sam Gold. Un nom qui revient à plusieurs reprises dans l’intrigue, toujours sans incarnation humaine précise (« Gold voit tout, mais personne ne voit Gold »). C’est parce que Sam Gold n’existe pas. Il est ici la peur qui se terre en chaque individu, qui se cache derrière sa souffrance, qui l’enferme dans une suite d’actions entraînant une perception erronée du monde.
Chez les personnages du film, Gold est donc à la fois une personnification de l’avarice et une sorte de double maléfique qui revient les fausser tout au long de leurs relations humaines - une idée que Ritchie traduit par un usage diaboliquement efficace de la voix off. Et ici, les « victimes » de Gold sont au nombre de trois. D’abord Jake lui-même, dont l’ego est basé sur l’argent (« Rien n’est pire pour moi que l’humiliation et une perte d’argent ») et qui doit donc l’affronter dans un environnement qui transpire le luxe et la manipulation - quoi de mieux que l’univers des jeux de hasard ? Ensuite Macha, dont l’ego reste similaire à celui de Jake (en cela, ils sont un peu les deux faces d’une même pièce), mais qui, à cause d’un tempérament électrique et des manipulations orchestrées par la trinité d’en face (Jake, Avi et Zach), sera incapable de rejeter les règles de son propre ego et succombera finalement sous l’effet de ces règles. Enfin le tueur à gages Sorter (Mark Strong), confronté pendant le film à quelques échecs, soi-disant sous l’effet d’un « mauvais feeling », alors qu’il était réputé pour ne jamais manquer sa cible : le personnage se rebelle alors contre son propre ego jusqu’à un acte inattendu qui le libèrera pour de bon.
Tout l’enjeu des personnages est ici : couper le cordon ombilical avec leur Gold pour transcender les règles de l’échiquier.
Sur l’intrigue en tant que telle, et au vu de cette lecture symbolique, on aura donc vite fait de deviner l’identité réelle d’Avi et de Zach, lesquels sont évidemment les deux mystérieux codétenus que Jake aura côtoyés en prison sans jamais les voir. Avec Jake, ces deux personnages forment une sorte de trinité positive visant à exploiter la figure de l’ego aussi bien chez eux (en cherchant à la contrer) que chez leurs ennemis (en l’incitant à prendre le contrôle d’eux), et à atteindre un haut degré de sagesse spirituelle par le biais de cette stratégie.
Leur attitude vis-à-vis de Jake est simple : placer ce dernier en position alternée de victime (ils lui détectent une maladie incurable et lui prennent son argent pour s’en servir dans leur travail d’usurier, à moins que…) et d’adversaire (Avi semble incapable de battre Jake aux échecs, à moins que…), le pousser ainsi à apprivoiser sa souffrance pour engager le combat contre son propre Gold (la phrase-leitmotiv « Réveillez-vous M. Green ! » résonne ici comme un appel à l’éveil), et faire en sorte que son illumination spirituelle soit la plus progressive possible.
Chaque magazine ou journal ayant son propre système de notation, toutes les notes attribuées sont remises au barème de AlloCiné, de 1 à 5 étoiles.
Certains spectateurs ont trouvé le scénario occulte et difficile à comprendre en une seule fois, mais ont apprécié le film pour son originalité et la performance des acteurs. D'autres ont été fascinés par les scénarios entremêlés et la symbolique omniprésente, soulignant que le film aborde des sujets cachés et nécessite une écoute attentive de sa propre pensée. Certains critiques ont comparé favorablement le film à l'œuvre de Christopher Nolan, tandis que d'autres ont été frustrés par son manque de clarté.
Globalement, Revolver est un film qui suscite la réflexion et qui mérite d'être revu plusieurs fois pour en saisir toutes les subtilités.
Pour ses retrouvailles avec le film d'arnaque, sept ans après Arnaques, crimes et botanique et cinq ans après Snatch, il paraissait tout naturel que Guy Ritchie fasse de nouveau appel à son acteur fétiche Jason Statham. A son sujet, le réalisateur déclare : "C'est un acteur d'un très grand potentiel et il incarne ce que je veux voir quand je vais au cinéma. Jason est toujours partant pour faire les cascades.
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