L’histoire des armes et des armureries est riche et complexe, traversant les époques et les cultures. Des collections princières aux entreprises modernes, l'évolution de l'armurerie témoigne d'un savoir-faire ancestral et d'enjeux sociaux et politiques importants.
Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les princes européens, notamment les princes allemands, commencèrent à collectionner des armes et des armures. Ces armureries étaient principalement composées de trophées de guerre, mais la plupart des pièces étaient des cadeaux offerts par d’autres cours ou des objets achetés par le prince lui-même.
Cette contribution s’intéresse tout particulièrement à la collection d’armes des électeurs de Saxe et notamment aux armes décorées (épées, dagues, pistolets) que ces princes de la branche albertine semblaient rechercher avidement. Durant cette période, les thèmes religieux dominent la décoration des armes : Adam et Ève, l’arche de Noé, la Crucifixion, la loi et la grâce. Ce choix iconographique est à relier au mouvement de confessionnalisation intense qui touche la Saxe électorale et aux efforts continus des électeurs pour défendre et établir une orthodoxie luthérienne, dans un contexte de luttes intraconfessionnelles.
« Châtie ton fils, car il y a encore de l’espérance ; mais ne désire point le faire mourir. » C’est sur la lame d’une élégante dague fabriquée à Nuremberg vers 1540-1550 et conservée dans la chambre d’armes des électeurs de Saxe que l’on peut lire cette citation extraite des Proverbes (19,18). Au revers de la lame, une autre, tirée des Proverbes de Salomon, vient lui faire écho : « Celui qui couvre une faute cherche l’amour. Et celui qui la rappelle dans ses discours divise les princes. »
Ces épées « parlantes », proclamant la parole divine, ne sont qu’un exemple d’un ensemble d’armes savamment décorées faisant partie de la collection des électeurs de Saxe. Réunies dans une Rüstkammer (armurerie) dès le règne de Maurice de Saxe (1521-1553), ces armes d’apparat, que les armures somptueuses viennent compléter, n’étaient pas seulement ornées de citations bibliques. Nombre d’entre elles étaient également couvertes de scènes dont l’Ancien et le Nouveau Testament constituaient la matière principale.
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La décoration des armes comme celle des armures sont une pratique répandue en Europe. Alors qu’il faut attendre les années 1530 environ en Italie pour voir apparaître des armures décorées de motifs floraux, de figures mythologiques ou de scènes de bataille, la décoration des armes est nettement antérieure : dès le haut Moyen Âge, certaines épées se voient couvertes sur leur tranchant, leurs quillons ou sur leur pommeau de décorations.
Si les armures savamment ornées qui se multiplient à partir des années 1550 dans les cours princières du Saint-Empire, à la suite des cours italiennes, ont bien été étudiées, peu de travaux se penchent sur les innombrables épées, dagues et rapières, elles aussi chargées d’une iconographie riche et variée. Les catalogues des quelques expositions qui leur sont consacrées analysent fort bien les objets, identifient les thèmes bibliques ou mythologiques choisis, mais s’interrogent peu sur ce phénomène, qui semble trouver son apogée au milieu du XVIe siècle dans de très nombreuses cours européennes.
Que signifie porter une arme décorée d’épisodes de la Genèse ou de l’histoire antique ? En effet, si les armures, dont la fonction est principalement défensive, se référaient aux héros ou figures mythologiques, comme Hercule ou Méduse, dont les attributs et les représentations visaient à produire une impression terrifiante sur l’adversaire, l’arme décorée - épée, hallebarde ou poignard - se veut aussi un instrument offensif, capable de blesser et de donner la mort : la pointe est « cruelle et mortelle », comme le souligne un des grands auteurs des livres de combat, Fiore dei Liberi (v. 1350-v. 1409).
L’obtention par Maurice de Saxe, en 1547, de la dignité électorale en échange de son soutien à Charles Quint place la branche des Albertiner, dont il est issu, sur un nouveau rang au sein de l’Empire. Un premier inventaire est rédigé en 1567. L’inventaire suivant, daté de 1606, se déploie sur environ 1 500 pages et décrit les objets disposés dans le cabinet d’armes, le cabinet de chasse et la chambre réservée aux armures. Les armes qui y sont répertoriées proviennent de commandes des princes électeurs eux-mêmes ou des membres de leur famille, ou leur ont été offertes.
Certaines jouent le rôle de trophées rapportés lors de batailles et d’autres ont servi surtout d’armes d’apparat. Maurice, qui a accompli de nombreuses missions diplomatiques en Italie, rapporte de ses voyages plusieurs épées et rapières issues des meilleurs ateliers de la Péninsule - Milan, Florence et Belluno.
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Si à Paris il faut surtout attendre les règnes d’Henri IV et de Louis XIII pour voir se développer un imposant cabinet d’armes, nombreux sont les princes d’Empire qui en constituent un, dès le milieu du XVIe siècle, à partir notamment des arsenaux qu’ils possèdent. Dans les territoires catholiques, la collection de l’archiduc Ferdinand de Tyrol (1529-1595) fait figure de modèle et de joyau. C’est d’ailleurs dans cette collection que sont donnés à voir de nombreux spécimens d’armes décorées.
Si des armes semblables existent dans la collection de Dresde, elles demeurent cependant minoritaires face au nombre important d’armes offrant à voir des thèmes religieux dans la seconde moitié du XVIe siècle. Parmi les sujets vétéro-testamentaires, comme on le verra, le péché originel se décline sur des poignées d’épées, de poignards, de rapières, mais aussi sur des fusils - probablement réservés à la chasse. Le thème de la loi et de la grâce, cher à l’iconographie confessionnelle développée dès 1529 par l’atelier de Lucas Cranach l’Ancien, trouve aussi de nombreuses variations.
Il va de soi que les armes savamment décorées étaient principalement utilisées au sein de la cour lors des tournois et des jeux chevaleresques que le prince donnait à l’occasion de grands événements dynastiques. Échangées, offertes ou commandées, elles étaient donc l’objet d’un maniement différent de celui des armes de guerre. Les collections princières d’armes offrent une gamme très variée en termes de qualité : si certaines sont en fer comme la rapière d’Auguste, certes décorée mais dépourvue de métal précieux, et ne seraient guère portées lors d’une cérémonie, d’autres s’affichent comme des objets de luxe et s’intègrent harmonieusement au costume princier.
Certaines épées ainsi peuvent apparaître comme de véritables accessoires de mode, telle cette somptueuse rapière italienne probablement issue des ateliers milanais de Giulio Cesare Marciliano vers 1600, ornée de perles et de fils d’or, s’accordant parfaitement à l’élégante cape noire brodée d’or portée par Johann Georg le jour de son mariage en 1607.
Les armes étaient portées à la ceinture, manipulées, observées lors de ces occasions ou lors de visites d’hôtes de qualité dans le cabinet d’armes. Lors des duels, le rapprochement des adversaires permettait également d’apercevoir ces scènes au cœur du combat. Mais ce sont aussi lors des cérémonies impériales que s’exhibent certaines épées. L’épée électorale constitue l’attribut des électeurs de Saxe, qui détiennent la dignité d’archi-maréchal d’Empire.
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Elle se caractérise souvent, mais pas systématiquement, par l’armoirie de ces derniers (coupé de sable et d’argent et deux épées de gueules posées en sautoir) et était portée par l’impétrant lors de la cérémonie d’hommage (Huldigung) à l’empereur, lequel confortait l’électeur dans ses titres et privilèges. Sur de nombreux tombeaux, les électeurs de Saxe, de la branche ernestine, puis albertine, l’exhibent, la portant sur leur épaule.
C’est sans doute l’épée qui constitue le cœur et l’objet d’un portrait singulier de Jean-Frédéric de Saxe vers 1533-1535. L’imposant personnage, dont le corps recouvert d’un épais manteau remplit l’espace entier de la surface peinte, porte haut une épée dont les dimensions et le positionnement sur son épaule rappellent irrésistiblement les épées électorales.
Le soin porté à ces armes et à leur observation de près par leur propriétaire s’inscrit ainsi dans l’intense culture du combat chevaleresque qui perdure tout au long du XVIe siècle et dont témoigne une abondante littérature pédagogique. Les traités d’éducation des jeunes princes autant que les lettres d’instruction adressées aux pédagogues des enfants princiers ne manquent jamais en effet de mentionner l’importance de l’exercice physique.
L’exercice quotidien des armes, et notamment le maniement de l’épée, loin de tomber en désuétude alors que les armes à feu gagnent du terrain dans les batailles, surtout à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, devient au contraire la pratique de distinction par excellence de la noblesse. Porter l’épée pour sa propre défense était fréquemment répandu, chez les artisans, les étudiants et même chez quelques clercs girovagues, et les compétitions de combats d’épée étaient organisées par les villes, dans ce que l’on appelait les Fechtschule, les « écoles d’escrime ».
C’est peut-être pour ces raisons que l’art de l’escrime se perfectionne, notamment grâce à une multitude de traités, majoritairement de la plume d’auteurs allemands et italiens, qui répertorient et expliquent les figures et les moyens de gagner en habileté. Le succès de ces ouvrages d’abord manuscrits, puis presque systématiquement imprimés, agrémentés d’illustrations principalement de combats à l’épée longue, ne se dément pas jusqu’à la fin du XVIIe siècle, atteignant une ampleur et une sophistication inégalées dans l’illustration des combats, comme en témoignent les planches somptueuses du chef-d’œuvre du maître hollandais Girard Thibault en 1630, Académie de l’épée.
Ces œuvres distinguent les combats chevaleresques « civils », sans port d’armure, le combat en armure et à pied (Harnischfechten) et le combat à cheval (Rossfechten), chacun nécessitant un équipement spécifique. Dans la bibliothèque princière de Dresde, on retrouve ces ouvrages de référence montrant l’intérêt accru des électeurs pour l’art de l’escrime : on y repère le livre d’Achille Marozzo (Opera Nova, 1536), ceux de Camillo Agrippa (Trattato di scienza d’arme, 1553) et de Joachim Meyer (Gründtliche Beschreibung der freyen Ritterlichen und Adelichen Kunst des Fechtens, 1570), dont les enseignements permettaient d’améliorer la maîtrise de la rapière.
Si une large partie de la société de sexe masculin pouvait porter une arme, notamment une épée, sa maîtrise et l’élégance même de l’objet participaient à la manifestation du droit héréditaire de l’aristocratie : celui de prendre les armes et de verser son sang. Les collections d’armes décorées reflètent ces enjeux par la très grande diversité des types d’armes et de combats dont les Fechtbücher détaillent...
L’entrepôt de Chassetir.com, à Saint-Denis-de-Vaux a bien évolué ces derniers mois. Il faut dire que l’armurerie d’Antoine Donet a pris une nouvelle dimension en 2024. Alors que l’entreprise proposait essentiellement des produits pour la pêche, elle a entamé, début 2024, une mue vers les armes à feu, de chasse et de tir.
« La pêche, c’est fini, et c’est sans regret, assure Antoine Donet. Tout est en place pour les armes. Nous avons près de 8 000 références dans l’entrepôt de Saint-Denis de-Vaux ».
Né à Sens le 18 janvier 1862, Étienne Mimard, fils unique d’un artisan armurier aisé, sort de l’école professionnelle locale, en 1876, avec un certificat d’études et un diplôme de dessinateur d’imitation et d’ornement. Il part se perfectionner à Liège, puis à St-Étienne où il arrive vers fin 1883.
Face aux difficultés que cette dernière connaît en cette période de Grande dépression, il décide de s’associer dans une société en nom collectif, en novembre 1885, avec le stéphanois Pierre Blachon, lui aussi armurier, pour la racheter. Ils reprennent, en la développant l’idée d’un « tarif-album », catalogue présentant les produits de l’entreprise. Ils transforment aussi une petite brochure, Le Moniteur du tir et de la chasse, en une revue, à grand tirage, Le Chasseur français, destinée à un public bien ciblé. Ils donnent un nouveau nom à leur entreprise qui devient La Manufacture d’armes et cycles de St-Etienne.
Dès le départ, la personnalité d’Etienne Mimard éclipse celle de Pierre Blachon. La cartoucherie étant une activité saisonnière, les armes de chasse (les marques Idéal, Falcor, Robust, Rapid), une activité lucrative mais limitée et concurrencée, il diversifie sa production en lançant la marque de bicyclette L’Hirondelle, avec un modèle, La Superbe, qui a, en ces débuts de la petite reine est un succès immédiat. Il fabrique aussi des machines à coudre sous la marque Omnia.
Devant le succès de son « tarif-album », catalogue gratuit de plus de 30000 articles proposés en 1200 pages illustrées, Mimard, directeur général et président du conseil d’administration, transfère en 1894/95 les ateliers de la place Villeboeuf dans une usine ultra moderne et intégrée construite, sur le cours Fauriel, selon les plans de l’architecte Lamaizière. Il ouvre également des boutiques dans les grandes villes de France.
Mimard est un entrepreneur qui a compris l’importance de la communication. Son succès est dû à sa capacité à offrir des produits qui répondent à l’attente des consommateurs, qui sont de qualité et rapidement livrés. Après un voyage aux Etats Unis, il adopte une fabrication standardisée en modernisant son parc de machines, désormais équipé en Pratt et Withney. Cette usine modèle a pour but, selon sa formule, de mettre de l’ordre dans l’industrie avec « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place ».
En 1916, devant une demande qui continue de croître, il agrandit son usine en construisant en étage. Dans son usine, il n’y a pas de bureaux individuels, afin d’améliorer la communication intra-entreprise. Il adopte également la technique « zéro stock » ». La fabrication d’un produit n’est lancée qu’une fois la commande enregistrée. Après la mort de Pierre Blachon en 1914, il dirige seul l’entreprise jusqu’à sa mort en 1944.
Dans les années 1930, Le Chasseur français tire à près de 500000 exemplaires, 80000 armes sortent des ateliers de la Manufacture et 30000 machines à coudre. Le premier déficit est enregistré en 1936 et la première grève en 1937.
Ce patron novateur, autoritaire, à la façon d’un Marius Berliet, avait disposé son bureau de telle façon qu’il puisse surveiller tous ses ateliers. Ce besoin de contrôle allait jusqu’à modifier le clavier des machines à écrire des ses employées afin qu’elles ne puissent pas trouver du travail en dehors !
A sa mort, le 16 juin 1944, il laisse une entreprise affaiblie et surtout pas en mesure de faire face aux transformations technologiques et consuméristes des Trente Glorieuses. Ce « capitaine d’industrie » du XIXe siècle, dirigeant son entreprise en plein XXe siècle, n’a pas su organiser sa succession, tellement la Manufacture et lui ne font plus qu’un, pour preuve de cette union, la légende rapporte qu’il s’est fait enterrer debout face à son entreprise.
Par son testament, ce patron, figure typique des entrepreneurs du XIXe siècle attachés à la ville de leur réussite industrielle, laisse la moitié de ses actions à la ville de St-Étienne pour qu’elle œuvre dans le domaine de la formation professionnelle. Après sa mort, la Manufacture, devenue Manufrance, connaît encore de belles années jusqu’à la crise des années 1970, crise dont elle ne relève pas malgré les efforts de quelques repreneurs.
Reconnu en son temps, le président de la République Félix Faure visite son usine en 1898, il reçoit la Légion d’honneur en 1902, est vice-président de la Chambre de commerce et préside de nombreuses chambres syndicales, il est aujourd’hui bien oublié et ce, malgré une rue et un établissement scolaire qui portent son nom. Cet effacement d’Étienne Mimard du Panthéon stéphanois n’est-il pas dû à l’échec de Manufrance ?
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