Cet article explore en détail le pistolet de l'armée française de 1914, une arme qui a joué un rôle crucial pendant la Première Guerre mondiale. Nous examinerons son développement, ses spécifications techniques, et son utilisation dans les forces armées françaises.
Les premiers pistolets sont apparus à l'aube de l'histoire des armes à feu. Les plus anciens pistolets connus ont été utilisés lors de la bataille de Towton en Angleterre le 29 mars 1461. Au XIXe siècle, l'apparition du revolver, arme de poing à barillet, changea radicalement la donne car il offrait la possibilité de tirer successivement plusieurs coups sans recharger.
À la toute fin du siècle, les premiers pistolets à répétition automatique, dits « semi-automatiques », font leur apparition, mais il faudra attendre le début du XXe Siècle pour obtenir les premiers modèles fiables.
C’est un coup de pistolet qui est la cause directe de la Première Guerre mondiale, et ce conflit sera à l’origine du développement fantastique de la fabrication des armes de poing. Portée par les officiers, les spécialistes et les aviateurs.
La société Mauser, initialement reconnue pour son pistolet militaire C96, connaissait un succès satisfaisant dans le secteur civil, mais peinait à être officiellement adoptée par les armées. Simultanément, le marché des pistolets de poche de défense prospérait dans le civil, notamment avec l’arrivée du FN 1900. Pour Mauser, il devenait essentiel de s’imposer sur le marché des armes de défense individuelles.
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Grâce à l’ingénieur Josef Nickel, la société a conçu un pistolet de poche bien fini, facile à construire et à entretenir : le modèle 1910. Il s’agit d’une arme à simple action, avec une culasse non calée et un percuteur lancé. Une particularité du modèle est que le canon est visible sur 3/4 de sa surface. En 1914, le modèle définitif dérivé du modèle 1910 est lancé sous le nom de modèle 1914, remplaçant ainsi le modèle 1910. En 1934, une version simplifiée est produite pour faciliter la production. La poignée du modèle 1934 est plus galbée que celle du modèle 1914.
Le pistolet Ruby est un automatique fabriqué pendant la Première Guerre mondiale et essentiellement utilisé par l’armée française. Ainsi en plus des revolvers 1873 et 1892, l’intendance décide enfin de s’équiper. Les états-unis sont trop chers, la Belgique est envahie, ne restent que les micro-manufactures d’armes au Pays Basque, à la réputation « cheap ».
Peu importe, il y a urgence et commande est passée. C’est ainsi qu’une myriade de petits ateliers familiaux vont produire des pistolets automatiques « Type Ruby » tous incompatibles entre eux car fabriqués à l’unité sans respect de cotes, aucune pièce n’est interchangeable, pas même les chargeurs, chaque pistolet a son chargeur et c’est tout.
La logique de l’époque n’était pas à l’optimisation du matériel mais plutôt à la livraison au plus vite sur le front d’un matériel considéré comme consommable.
En 1914, confrontée à une impasse dans son conflit avec l’Allemagne, la France s’est trouvée dans le besoin urgent de constituer ses stocks d’armes de poing. Elle s’est tournée vers l’Espagne, un pays neutre avec une tradition et une industrie armurière très développées. En plus des pistolets de type Ruby et des revolvers espagnols, la France a décidé d’acquérir auprès de la société Star Bonifacio Echeverria le modèle Star 1908, décliné en deux variantes : le modèle de troupe et le modèle d’officier.
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Officiellement adopté par l’armée française, le pistolet est devenu le modèle 1914. Il s’agit d’un pistolet à culasse non calée, s’inspirant du système Mannlicher 1901, avec un calibre de 7.65 court (32 ACP), une munition équivalente au 8mm92 réglementaire.
Facile à produire en grand nombre et bien fini, ces pistolets ont équipé les officiers, les sous-officiers français, les utilisateurs de mitrailleuses et les nettoyeurs de tranchées.
Le revolver modèle 1873 fut la première arme de poing moderne de l’armée française. Fabriqué par la manufacture d’armes de Saint Etienne de 1873 à 1890. Bien que remplacé par son successeur, le modèle 1892, il fut encore très largement utilisé pendant la grande guerre de 14/18. Il fonctionne en double et simple action. Sa capacité est de 6 coups. Calibre : 11m/m. Au début de la guerre, les revolvers d'ordonnance modèle 1873 et 1874 sont réservés aux hommes de troupe non pourvus d'un fusil, d'une carabine ou d'un mousqueton.
Le revolver d'ordonnance modèle 1892, tirant des balles de 8 mm, fut fabriqué par la Manufacture d'armes de Saint-Étienne. Il fut l'arme de poing réglementaire de l'Armée française entre 1893 et 1924, produit à plus de 350 000 exemplaires. Le « 92 » participera activement au premier conflit mondial puis au second bien que sa fabrication se soit arrêtée en 1927, remplacé par le pistolet M 1935. Cette arme mesure 240mm de long pour 170 mm de haut. De 1913 à 1969, Manufrance produisit et vendit son pistolet Le Français en plusieurs calibres et versions. Vendu essentiellement en France, son principal marché fut le grand public français mais aussi utilisé par certains officiers de l'armée de terre française (durant la drôle de guerre) 1 Le Français Poche, 1 Le Français 7,65 et 1 Le Français Policeman.
Chez nous, le très patriote Étienne Mimard (1862-1944), co-fondateur de la Manufacture française d’armes et de cycles de Saint-Étienne, avait une ambition qui manquait à sa longue série de succès : créer l’arme de poing qui sera adoptée par l’armée française.
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Il imagina dans un premier temps, dès 1921, de pouvoir proposer un modèle « Policeman », qui était une variante à canon long et percuteur protégé de son modèle 1914 et toujours dans le même calibre 6,35 mm Browning. Trop léger.
En parallèle émergeait sur la planche à dessin, un modèle sans précédent, en calibre 9mm, dont les prototypes fournis au STA et les premiers exemplaires commercialisés de 1928 à 1931 avaient un canon extérieurement entièrement lisse. Ils sont dit 1er type.
Composé de 28 pièces seulement (!), en comptant les plaquettes et le ressort de chargeur, nous sommes sur une prouesse d’ingénierie. Seul le Makarov fait mieux avec 27 pièces. La Manu’ avait eu le nez creux en concevant ainsi, initialement « en poche », une arme sûre, notamment pour le cavalier secoué de partout au dégainé, en permanence en sécurité et néanmoins toujours prête à faire feu, et sans avoir à faire le moindre mouvement autre que de presser la détente pour tirer. Cela ne vous rappelle rien ? Cinquante ans avant une célèbre firme autrichienne, la Manu sortait donc une arme de poing de concept très proche de nos modernes « safe action » à carcasse polymère.
Dans son concours, l’armée française n’avait hélas pas pris soin de préciser quel calibre 9mm était cher à son cœur. Cette munition se fabrique en raccourcissant simplement du 38 auto. Elle existe également chez PPU. Qui plus est, les cartouches fournies lors des tests étaient volontairement sous-chargées.
Entre commentaires sur la munition, remarques sur de possibles fragilité de pièces, poids de l’arme jugé trop lourd à 1 kg sans les munitions, l’attente des autres concurrents, et d’autres questions relatives à la production, tout fut prétexte à nos bons militaires pour ne surtout pas prendre de décision même définitivement négative jusque 1933.
Ce n’est qu’après cette date, en 1933, que Mimard jettera l’éponge et ne souhaitera pas investir davantage dans le projet militaire. En 1943, le charismatique boss de la Manu demandera encore à ce que le modèle soit maintenu au catalogue prochain.
Cette histoire clownesque du programme d’armement 1921, débordant sur plus de 15 ans, est un peu longue à raconter ici en détail. Entre instabilité politique et capacité formidable d’oubli des leçons les plus dures de la Grande Guerre, surtout dans sa phase 1918, rien de sérieux n’a été fait en 15 ans à part faire lambiner la Manu, boudée, et pas toujours sur de bons arguments.
Et pas que la Manu. Tout ça finira par l’adoption « à la fumée des cierges » de l’excellent PA 35 A, tellement tardif qu’il ne fut quasiment pas produit avant 1940 et le désastre, et par celle, tout aussi précipitée du PA 35 S, pourtant un des vaincu du concours. Mais on était tellement à la bourre en production qu’on ne fit finalement pas la fine bouche ! Vas donc aussi pour le 35 S. De fait, ces deux dernières armes seront essentiellement produites pendant l’occupation pour servir à la Wehrmacht.
En parallèle à ses infructueuses aventures militaires, Manufrance n’hésite pas à sortir tout de même son modèle « Le Français - type armée » au catalogue pour les civils et dans plusieurs finitions. Heureusement dirais-je, car sinon on en aurait pas. La Manu met même à jour son projet « Le Français Type Armée » de ses expériences militaires en 1931 en lui offrant un canon cannelé qui lui fait gagner 120 grammes. C’est le type 2, de loin le plus produit (tout est relatif, on va le voir ) entre 1931 et jusque 1939. Le notre est bien le type 1 à canon extérieurement entièrement lisse.
Cette arme, fine et de grande prestance, avec une ligne de P08 passé par un Salon Art Déco, d’une grande fiabilité et d’une grande précision, aurait pu connaître une belle carrière, un peu à l’instar du Fagnus Maquaire en son temps. Du fait de nos errements administrativo-militaires, il se contente juste d’être une de nos armes quasi réglementaires, car testé par l’Armée et acheté par nombre d’officiers à titre privé, les plus rares.
A se fier aux numéros de série, ce seraient un peu plus de 5 000 exemplaires (en comptant les pièces de stock) qui auraient été fabriqués, par petits lots, au fur et à mesure des ventes et sur une période de dix ans. Pour comprendre, il faut savoir que Manufrance attendait quasiment systématiquement qu’un lot soit vendu dans son intégralité avant de relancer une nouvelle production.
En plus, on ne redémarrait pas souvent la série à zéro, ni même avec un chiffre supérieur à la fin de la série précédente. J’en ai eu la conviction avec des fusils Robust, grand succès de la marque. Ayant eu entre les mains plusieurs exemplaires précoces de fusils Robust que l’on pouvait dater avec certitude grâce aux marques d’atelier encore présentes sous les bois, il apparaissait que les chiffres de série avaient été artificiellement « gonflés » et que de fortes tranches entière de chiffres avaient été sautées !
La quasi totalité des grands producteurs d’armes se sont livrés à ces « manipulations commerciales » visant à gonfler aux yeux des acheteurs le succès commercial de leurs productions (un peu comme les tirages d’éditeurs au XVIII° au demeurant).
La vérité sur la production du « Type Armée » est venue de Stéphane Rivoire, Conservateur au Musée de Saint Etienne, dans son travail qui a désormais été intégré à l’ouvrage de P.Bastié « Les Pistolets de la Manufacture Française d’Armes et de Cycles de Saint-Étienne.
Mais la production des armes du 1er type (avant 1931) de 1928 à 1930 s’est limité à …. 453 exemplaires seulement, version quasiment prototypale donc. Même si l’on comptait l’ensemble de la production du « type Armée » de l’année 1931 (155 exemplaires) comme étant composée uniquement de 1er type, ce qui est probablement exagéré, on aboutirait au plus à un total maximal de 608 pistolets « Le Français type Armée du 1er type produits.
C’est l’arme des officiers fortunés (475 francs sans le port pour la version de base au catalogue) et de bon goût. Notre voyageur temporel de ce jour, produit donc à quelques centaines d’exemplaires seulement, est dans un état proche du neuf si ce n’est neuf. Muséal en de nombreux points.
Une photo avec prise en main permet de mesurer sa taille. Sa double action, très fluide est munie d’une bossette qui permet une grande maîtrise du tir. La forme de sa crosse, qui remplie bien la paume de mains moyennes et grandes, permet à l’arme de pointer naturellement. Une prise de type « doggy style » est également très agréable.
Une fois son utilisation terminée, il suffit de retirer le chargeur. Le canon bascule alors automatiquement vers le haut, laissant sortir l’étui encore chambré. Nettoyage ultra simple. Afin de remettre l’arme en service, nulle besoin d’armer la culasse, il suffit de réenclencher le chargeur, de glisser une balle dans la chambre, puis de refermer le canon, et c’est parti !
Le bronzage d’origine dit « noir de guerre » est d’une profondeur admirable. Présent à 100%. Aucune oxydation. Aucune peau d’orange même traitée. Aucune trace de manipulation. Aucune traces d’usure de dégainé de son holster non plus. Car la bête nous est venue en plus avec son holster-sellier de type militaire qui le suit depuis presque 100 ans maintenant. C’est le sien et il appartenait à un militaire.
De très belles plaquettes enserrent la crosse avec un insert central en laiton. Le chargeur est de premier type aussi, sans la boucle-tube de talon, pour placer une cartouche supplémentaire destinée à être placée dans le canon. Il est imperdable! Il se déverrouille en étant poussé vers l’avant. C’est un peu contre-instinctif quand on est habitué au bouton de pouce ou au poussoir de talon classique mais c’est finalement très ingénieux.
C’est l’une des astuces qui a contribué à la diminution du nombre de pièces totales de l’arme. Chargeur d’origine au modèle 1er type donc. Le canon est aussi beau dehors que dedans, bronzage d’origine parfait d’un côté et blancheur exquise à l’intérieur. Au top ! Son basculement dès le chargeur retiré ou la pédale située sur le côté droit pressée, est aussi surprenant que sûr de manipulation : Nul besoin d’armer la culasse !
Un tel système est d’ailleurs bien plus commode que sur un JoLoAr qui aurait pu le concurrencer. Un tel dispositif est finalement très bien pensé, au vue de la dureté de certains ressorts d’autres modèles. Il contribue fortement à l’élégance de la manipulation de l’arme. Mécaniquement c’est une horloge sans aucun jeu. Ses ajustages sont parfaits et témoignent de son bon état.
En somme, une arme française, à destination militaire, rarissime, avec son étui et en état muséal. Seule le Seigneur sait combien il en reste sur les moins de 600 produits dans cette ère holocauste du patrimoine armurier depuis 40 ans.
On ne refait pas l’Histoire mais il est toujours possible de goûter au plaisir de la prendre en main à travers les objets qu’elle nous à transmis. L’état de conservation absolument fabuleux dans lequel nous parvient ce rarissime exemplaire démontre l’actualité et le génie de cette création armurière.
Adopté par l'armée française en tant que pistolet de service peu avant le commencement de la guerre, le Mle 1935A était bien conçu mais a souffert des munitions trop légères de 7,65 mm (en comparaison avec des pistolets de 9 mm allemands). En 1938, une version simplifiée appelée Mle 1935S fut mise en production : elle était tellement semblable que toutes les caractéristiques techniques étaient presque les mêmes (elle était cependant plus facile et moins coûteuse à produire).
Cette arme fut produite par les manufactures d'armes de Saint-Étienne, de Châtellerault et de Tulles. Elle avait également la caractéristique d'être très élégante, chose appréciée des gendarmes et policiers français (principaux utilisateurs de ce pistolet sous l'Occupation).
Caractéristique | Mle 1935A | Mle 1935S |
---|---|---|
Fonctionnement | Semi-automatique | Semi-automatique |
Calibre | 7,65 mm | 7,65 mm |
Munition | 7,65x22 mm Long | 7,65x22 mm Long |
Cadence de tir | 20 coups/min | 20 coups/min |
Capacité | 8 cartouches | 8 cartouches |
Portée | 100 m | 100 m |
Masse | 0,73 kg | 0,79 kg |
Longueur | 196 mm | 188 mm |
Vitesse initiale | 304 m/s | 304 m/s |
La production du PA 35S débuta de façon limitée et au jour de l'armistice en juin 1940 seulement 1404 exemplaires avaient été livrés. A la libération le PA 35S reprit du service au sein de l'armée française mais du fait de sa munition au pouvoir d'arrêt limité et du grand nombre d'armes étrangères en service, il ne faisait plus le poids.
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