Le terme "abbaye" en Suisse romande possède une signification particulière, souvent liée aux sociétés de tireurs et aux festivités traditionnelles. Explorons les différentes facettes de ce mot.
Une abbaye est souvent une société de tireurs, parfois très ancienne. Son concours de tir, généralement annuel ou bisannuel, est l'occasion d'une fête de village. On parle alors de noble abbaye, d'abbayes vaudoises, lausannoises, ou encore de la Société de l’Abbaye, l’Abbaye des agriculteurs, des grenadiers, des carabiniers, des fusiliers.
L’événement central de l’abbaye est le concours de tir, lors duquel les meilleurs tireurs sont couronnés rois et vice-rois. Les abbayes durent souvent jusqu’à trois jours et peuvent comporter une journée spéciale pour les jeunes. On y danse et l’on s’y restaure sous la cantine. La veille, le matin, le jour, le soir de l’abbaye ; le bal, la fête, le tir de l’abbaye ; faire, célébrer, manquer l’abbaye ; courir les abbayes, venir à l’abbaye, aller faire un tour à l’abbaye.
L'abbaye permet le développement d'un réseau de connaissances, voire d'une "clientèle", électorale ou commerciale. Par contre, elle reste une société dont “il faut être” si l’on veut être reconnu dans la région.
Il n’existe pas d’équivalent en français de référence pour abbaye “société de tireurs ; fête de cette société”.
Lire aussi: Recommandations concernant les fusils turcs
Au sens 1, attesté en français régional depuis le xviie siècle (v. Pier). Jean-Jacques Rousseau, dans sa correspondance, mentionne « l’abbaye de l’arquebuse de Couvet » (1765, v. GPSR 1, 36b s.v. abbaye 2 °C). Le sens 2 est attesté depuis 1697 (v. Pier ibid. 2°). Le type abbaye, bien représenté dans les patois de la Suisse romande, a connu plusieurs sens : en plus de celui de “monastère gouverné par un abbé ou une abbesse”, qu’il partage avec le français de référence, on relève entre autres celui de “corporation ou confrérie, association organisée dans un but commun”, qui ne survit aujourd’hui qu’à Fribourg (sens 3). Ce sens laïque (dont le sens plus récent de “société de tir” représente une spécialisation) dériverait du sens religieux (d’après GPSR ; mais cf. J. Ahokas, NphM 63, 100-101 pour une critique de cette hypothèse). Quant au sens de “fête d’une société de tir”, le plus fréquent dans l’usage contemporain, il est aussi le plus récent.
Le sens de “local de certaines confréries”, attesté du xve au xixe siècle en Suisse romande (v. Gdf 1, 605c s.v. bay ; GPSR 1, 37a s.v. abbaye 3° ; Pier s.v. abbaye 4°), mais tombé aujourd’hui en désuétude, aurait été connu « dans le Midi » (cf. LittréSuppl s.v. abbé). Cf. encore mfr. abbaye “fête bouffonne organisée annuellement” (Rouen 1587, Lac), frcomt. abbaye “association de plaisir” (xviie s., Monnier).
Un abbé-président est le président d’une abbaye ou d’une confrérie, chargé entre autres choses de l’organisation de festivités. La première attestation de abbé en français régional avec le sens de “chef d’une corporation de métier ou d’une société de tir” date de 1685 (sous la forme abé, cf. GPSR 1, 41ab s.v. abbé 2°). La forme abbé-président est beaucoup plus récente ; on en trouve une première attestation, de manière indirecte, dans GPSR 1, ibid. : « à Vevey et à Montreux, il [le terme abbé] est souvent modernisé par l’addition du mot président » (1924). Dans l’usage contemporain, le composé est plus fréquent que le simple.
On trouve dans d’autres régions des emplois semblables, cf. LittréSuppl (abbé « nom donné autrefois aux chefs de certaines confréries d’artisans dans le Midi ») et FEW 24, 15a (mfr. abbé “chef élu de la jeunesse organisatrice des fêtes au village” Rouen 1587, Lac ; prov. abbá “prince de la fête” ; mars. abá “chef des danses, celui qui préside aux jeux et qui prie à danser” ; Béziers abat “chef d’une société”). Des emplois semblables ont été relevés dans le nord du domaine italoroman (v. LEI 1, 49-50).
La réalité désignée par abbaye est limitée à ces cantons, mais le mot lui-même est connu au-delà, comme le suggèrent les attestations relevées dans des journaux de Genève et de Fribourg (mais référant à des manifestations vaudoises ou neuchâteloises). Essentiellement attesté dans VD et NE (sens 1 et 2).
Lire aussi: Fusil Darne Calibre 12 : Détails Techniques
Lire aussi: Calibre 16: Le Fusil Nemrod
tags: #manteau #sch #fusil #definition