Jean-Christophe Meurisse, fondateur de la compagnie « Les chiens de Navarre », a présenté « Les pistolets en plastique » au Festival de Cannes dans la sélection « La Quinzaine des Cinéastes ». Ce film décapant, extrêmement drôle et impertinent est un modèle d’écriture et de casting parfait. Inspiré de l’affaire Dupont de Ligonnès, ce film déjanté est à la fois comique et horrifique.
Avec Les Pistolets en plastique, le cinéaste persiste et signe en s’inspirant cette fois-ci de l’affaire Dupont de Ligonnès, qu’il déplie en plusieurs trames narratives. La première suit deux enquêtrices amatrices lancées à la recherche du tueur de Nantes, une autre l’arrestation d’un faux coupable et la dernière se focalise sur l’exil de de Ligonnès en Argentine. Si le point de départ saugrenu intriguait, il ne sert finalement que de prétexte pour resservir le même programme qu’Oranges Sanguines : une succession de séquences étirées qui confondent comédie et hystérie.
Meurisse a voulu faire une comédie noire, mélangeant humour et horreur. Le réalisateur explique : "C’est ce que j’aime : le mélange. Ce que je n’aime pas : rester dans un registre unique. Je veux que tout soit tendu, aussi bien dans la narration que dans la forme. On ne sait pas sur quel pied danser."
Léa et Christine sont obsédées par l'affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et disparu mystérieusement. Obsédées par cet homme qui a décimé toute sa famille pour disparaître ensuite, elles mènent une enquête minable pour combler le vide de leur vie. En parallèle, un homme est arrêté à sa descente d’avion au Danemark, soupçonné d’être Paul Bernardin.
Les quatre acteurs principaux, Delphine Baril, Charlotte Laemmel, Laurent Stocker et Gaëtan Peau ont longuement répété avec Jean-Christophe Meurisse. Ce dernier raconte : "J’aime bien faire venir des gens connus pour une journée de tournage, aussi, comme Jonathan Cohen, Vincent Dedienne ou François Rollin et Romane Bohringer."
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Comme toujours, avec les Chiens, les interprètes sont phénoménaux. Delphine Baril et Charlotte Laemmel offrent à ces deux femmes une humanité aussi tordante que flippante.
Les Pistolets en plastique est moins, comme on a pu le lire, un film sur l’affaire Dupont de Ligonnès qu’un film sur la France dont a accouché cette affaire. Un homme vient de massacrer sa famille : le pays est sur les dents. Entre un danseur de country dénoncé par erreur à l’aéroport comme le coupable en fuite, un duo de mémères enquêtrices amatrices éprises de justice sauvage, et la cavale du véritable meurtrier en Argentine, l’auteur d’Apnée reconstitue un éventail de conséquences de l’horreur, et déploie un continuum de conflits et de violence qu’il filme comme une sorte de partouze nationale.
Le crime, ou plutôt le true crime - c’est-à-dire le récit et la religion du crime -, fonctionne comme un accélérateur de pulsions dans lesquelles Meurisse plonge avec une voracité de cartooniste. Tout l’hexagone est électrisé par le crime : qu’on s’en indigne, qu’on s’en indiffère, qu’on en soit injustement accusé ou qu’on l’ait soi-même commis, on n’échappera pas à son empire, c’est-à-dire à une sorte de spirale collective de sado-masochisme.
À l’instar d’Oranges sanguines, Les Pistolets en plastique ne s’offre pas d’autre porte de sortie qu’une force d’aspiration vers le glauque, série de numéros souvent extatiques glissant en pente douce vers un abîme de morbidité. Le programme ici est de regarder encore et toujours mourir un pays de psychopathes.
D’après le réalisateur : "Ces « Pistolets en plastique » sonnent bien, car tout le monde est un peu en plastique. Les personnages, le faux Bernardin, le vrai Bernardin, les enquêtrices, tous sont en toc."
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Chaque magazine ou journal ayant son propre système de notation, toutes les notes attribuées sont remises au barême de AlloCiné, de 1 à 5 étoiles.
Certains spectateurs ont exprimé des réserves quant au caractère inégal du film, notant que l'histoire tient sur un fil. Cependant, d'autres ont souligné la présence de séquences mémorables et hilarantes, ainsi que de bonnes idées rappelant le style des films de Les Nuls.
Le maître des Chiens de Navarre est de retour au cinéma avec une farce cruelle sur l’obsession des faits divers. Pour celles et ceux qui ne les connaîtraient pas encore, la troupe des Chiens de Navarre décape depuis maintenant des années le théâtre contemporain à coups de pièces drôles et choc qui ne respectent rien, ni personne. Un mélange d’humour potache et de provocation joyeuse, des portraits de l’époque mélancoliques et iconoclastes, sur fond de constat social terrible, emballé dans des spectacles en forme de crises de nerfs, de colère ou de rire épiques. Et depuis deux films déjà (APNÉE, ORANGES SANGUINES), le patron des Chiens, Jean-Christophe Meurisse, emmène sa troupe sur grand écran avec la même envie d’en découdre.
Si APNÉE avait quelque chose de burlesque, de flottant, traçant la veine poético-absurde des premiers spectacles des Chiens, ORANGES SANGUINES et maintenant LES PISTOLETS EN PLASTIQUE s’inscrivent dans le virage brutal et radical des dernières créations de la troupe. Des spectacles, des films qui tapent fort, très fort.
Comme ORANGES SANGUINES regardait la violence de la France de Macron, LES PISTOLETS EN PLASTIQUE attrape un pan de l’époque pour nous le renvoyer dans la gueule. Ici l’affaire Dupont de Ligonnès et notre obsession pour les faits divers.
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Deux légistes (incarnés par Fred Tousch et Jonathan Cohen) papotent autour de leur table de dissection, où gît un cadavre ouvert comme une grenouille. Entre deux coups de scalpel et de sécateur de jardin, ils déplorent le voyeurisme morbide du public français : “non mais les gens sont complètement accros à la violence, il n’y a que ça qui marche…” Ironie bourrine de la contradiction texte-image, séduction instantanée de la plus grande star comique du moment, annonce grossièrement méta du programme à venir : Jean-Christophe Meurisse n’a pas son pareil pour introduire un film, installer dans un grand fracas son second degré, son euphorie sanglante, et mettre joyeusement les pieds dans le plat.
Tout démarre plutôt bien avec une scène d’intro improbable qui rappelle tout de suite où on est. Une logorrhée délirante, une situation scabreuse traitée à froid, un sens du contrepoint drôle et dérangeant : pas de doute on est chez les Chiens de Navarre. Pendant quelque temps, on est même ravis d’y être.
On y retrouve le dispositif habituel de Jean-Chistophe Meurisse, déjà à l’œuvre dans Oranges Sanguines. A savoir : une succession de saynètes se déroulant généralement au sein d’espaces clos.
Le disque s’enraie, répète la même satire pour arriver là où, au fond, Meurisse semble prendre le plus de plaisir : la nausée. Comme ORANGES SANGUINES qui basculait dans sa dernière partie dans l’insoutenable, LES PISTOLETS EN PLASTIQUE arrête de rire et se retourne contre nous dans une dernière partie oppressante où Meurisse filme comme toujours les monstres en nous.
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